Par Jawhar CHATTY Le souci du quotidien. Seul le consensus est légitime. La synthèse des deux précédentes formulations font aujourd'hui de l'Ugtt la première force politique du pays. Sa légitimité historique et son degré d'entrance à tous les niveaux de la vie sociale et économique du pays en font, qui plus est et de fait, le premier parti «politique» du pays. Du moins un incontournable interlocuteur en dehors duquel aucun parti politique sérieux ne peut sérieusement avoir aujourd'hui comme demain les coudées franches pour mener sa politique de gestion des affaires du pays. Les mots ont un sens et du sens : en Tunisie, le mouvement syndical et l'activité syndicale n'ont jamais été dissociés de l'action politique, ou plutôt, ils ne se sont jamais dissociés de la sphère politique. Le rôle d'avant-garde du mouvement syndical dans la lutte nationale et la défense des libertés est foncièrement et avant tout d'ordre politique. Hammi, Hached, Tlili et Achour sont à bien des égards bien plus que des leaders syndicaux, des leaders politiques d'exception. Des leaders politiques d'exception parce que, à la grande différence des politiques «ordinaires», leurs engagements et leurs actions ont activement contribué à infléchir l'histoire du pays dans, en chaque étape et à chaque fois, un contexte de hautes turbulences et d'incertitudes. Mais la force, la grande force, de la Centrale syndicale est d'avoir toujours su se «retirer» du champ de l'action politique une fois que les choses se stabilisent et rentrent...dans l'ordre des choses ! Aujourd'hui, le nouveau contexte de turbulences et d'incertitudes porte un nom : la transition politique et la transition tout court, avec à moyen terme et en perspective tout l'enjeu que représente une certaine alternance au pouvoir ! Et c'est tout à l'honneur de l'actuelle direction de l'Ugtt que de laisser entendre qu'elle sera fidèle à la ligne de conduite de ses leaders historiques. L'initiative qu'elle a lancée lundi 18 juin ne souffre à cet égard d'aucune ambiguïté. Le Conseil national du dialogue qu'elle propose de créer constituera «un outil efficace pour la gestion des différends et la recherche de consensus étant entendu que ces espaces de dialogue constitueront une force de proposition et ne se substitueront en aucune manière au gouvernement ni aux institutions constitutionnelles et légitimes existantes». L'initiative de l'Ugtt cherche avant tout à rapprocher les points de vue des uns et des autres, gouvernement, partis et société civile. Son objectif est d'assurer un bon déroulement de la phase de transition sur la base d'un certain nombre de principes dont notamment l'attachement au caractère civil de l'Etat, au régime républicain et aux acquis sociaux accumulés par le peuple à travers les ans, le respect des droits de l'Homme et des libertés individuelles et publiques. Pour l'instant, les réactions des deux supposés être les grands partis politiques du pays, Ennahdha et l'Appel de la Tunisie, sont globalement positives. Reste à trouver des points de convergence entre ces deux mouvements. Ce qui n'est a priori pas forcément chose acquise d'avance. Quoi qu'il en soit, il y a fort à parier que les principes défendus aujourd'hui par la Centrale syndicale seront ceux du parti ou de la coalition politique qui portera demain les couleurs de la Tunisie.