• Orientations injustes, manque de communication, mauvaise qualité des prestations d'hébergement, retard flagrant pour ce qui est de l'octroi des prêts d'étudiants L'année universitaire vient de prendre fin pour certains, achevant ainsi un maillon inoubliable de la chaîne estudiantine. Pour les bacheliers fraîchement admis, elle annonce déjà une phase importante, voire décisive dans leur parcours du savoir; une phase dont les effluves effervescents d'une orientation hésitante et inéluctable donnent déjà une idée sur les défis à relever et les épreuves à réussir. Mais la vie estudiantine n'est point limitée au seul souci de parfaire ses études et de décrocher le diplôme escompté. Elle s'avère souvent ponctuée sinon influée par la qualité des prestations universitaires et la pertinence de ces dernières dans l'optique de bien orienter l'étudiant et l'aider à prendre le chemin de la réussite. Or, cette finalité se heurte souvent à des défaillances d'ordre administratif et qualitatif, contraignant les étudiants à une incompréhension dont les répercussions touchent aussi bien leur bien-être que leur avenir. Il est 11h00 ce mardi 26 juin. Plusieurs étudiants affluent à l'Office national des œuvres universitaires (Onou) afin d'obtenir, enfin, le bon d'un crédit sollicité depuis voilà six mois. Walid Tilouch, 25 ans, vient de décrocher sa licence en administration d'affaires. Walid n'en revient pas. Il vient de recevoir l'accord pour obtenir un crédit de 500dt, un accord qu'il attend depuis janvier. «La somme est épuisée avant même de la recevoir. Franchement, je ne comprends pas comment on peut considérer avec autant de nonchalance les préoccupations des étudiants. La qualité des prestations universitaires est le moins que l'on puisse dire catastrophique: les foyers sont en deçà des standards requis, la bouffe est immangeable.... Même les bourses ne sont pas attribuées d'une manière régulière », fait remarquer notre étudiant. Pour Abdel Razek El Arbi, le quotidien estudiantin s'avère désagréable, voire compliqué, et pour cause: les mauvaises prestations universitaires. Cet étudiant âgé de 23 ans est issu d'El Hamma. Il passe en deuxième année génie mécanique; une filière dont il ignorait une année auparavant les perspectives d'embauche, et ce, faute d'information et d'orientation adéquate. Il s'est déplacé au siège de l'Onou pour demander des renseignements sur un stage prévu du 15 juin au 15 juillet. «L'administration a refusé de me donner le formulaire et m'a informé que les procédures ne seront entamées qu'à partir du 2 juin», indique-t-il. Après une année universitaire passée à Tunis, Abdel Razek a déduit que sans pistons, l'étudiant risque de se perdre dans le labyrinthe trop compliqué de l'administration tunisienne. Côté hébergement, les choses ne vont pas mieux. Notre étudiant est logé au foyer de Montfleury; un foyer placé sous le signe du grand bruitage et de l'absence de discipline. «La consommation de l'alcool est monnaie courante au foyer universitaire de Montfleury. Certes, l'administration a dénoncé ce comportement. Cependant, elle ne fait rien pour le stopper», renchérit Abdel Razek. Et d'ajouter que les prestations culinaires du resto sont carrément nulles: la nourriture est, en un mot, «immangeable». Une orientation insatisfaisante, des années de ratées Yosra Limam quitte le siège de l'Onou, accompagnée de sa maman. Cette étudiante bizertine, âgée de 21 printemps, a dû passer une année blanche afin de pouvoir bénéficier d'une réorientation lui permettant d'accéder à la filière de ses rêves, à savoir celle de la littérature et de la langue espagnole. En effet, Yosra a obtenu son bac économie, mais voulait se spécialiser dans la littérature et la langue espagnole. Comme elle n'a pas reçu une formation littéraire et que son score dans les matières littéraires n'était pas au top, il ne lui était pas permis d'obtenir une décision favorable à son choix. «Résultat: je passe une année blanche pour l'unique raison que je ne suis pas littéraire. Une année de perdue pour pouvoir bénéficier d'une réorientation via le système de concours. Ce qui est encore plus frustrant, c'est que certains se trouvent orientés vers des filières qui ne les intéressent point. Coincés entre l'enclume de l'avenir et le marteau de la pression familiale, ils n'ont d'autres issues que de terminer leurs études dans un domaine qui ne leur convient pas. Or, l'orientation universitaire décide de tout un avenir, des aspirations et des ambitions de l'étudiant. Les responsables semblent ne pas accorder la moindre importance à cet aspect pourtant capital», explique Yosra. Malgré cette amertume, notre étudiante retrouve enfin le sourire. Son quotidien n'est pas aussi lugubre que cela. C'est que, contrairement à ses semblables, elle n'a pas vécu la mésaventure du foyer universitaire. «Mes amies m'en ont découragée. Elles y souffrent le martyre. Sans oublier l'encombrement dans les chambres. J'ai donc choisi de louer un appartement surtout que le logement aux foyers privés est tout aussi cher. Autant être tranquille et à l'aise dans mon propre appartement», ajoute-t-elle. Yosra, tout comme Walid, vient de recevoir le bon du fameux crédit estudiantin; elle qui n'a pas le droit à la bourse en raison de la retraite de sa mère. Un crédit accordé après une longue peine. «Non seulement cela traîne depuis des mois mais de plus, les responsables de l'administration ne nous informent pas une bonne fois pour toutes sur les documents à déposer. Du coup, nous nous trouvons dans l'obligation d'apporter, à chaque fois, un supplément de paperasse. Certains fonctionnaires perdent les documents, ce qui nous contraint à reconstituer le dossier», ajoute Yosra. Si Yosra a sacrifié une année pour se rattraper grâce à la réorientation, Anouar Belghith, lui, n'a pas bénéficié de cette chance. Cet étudiant a décroché son bac sciences, mais son score ne lui permettait pas d'accéder aux filières appropriées. Il a été donc orienté vers la filière gestion; une spécialité qui nécessite une initiation préalable qu'il n'a évidemment pas reçue au secondaire. La mauvaise orientation universitaire l'a tellement déstabilisé au point qu'il a redoublé deux années successives en première année. Aujourd'hui, Anouar n'a qu'un but à réussir: obtenir sa licence dans une filière qui ne lui dit absolument rien. «Je veux décrocher mon licence car j'ai perdu beaucoup de temps. Du reste, que faire par la suite? Je n'en ai aucune idée. Mon avenir est carrément flou», note-t-il non sans désespoir. Khalil Mohamed est un autre étudiant qui a du mal à comprendre le fonctionnement et la logique des prestations universitaires. Lui aussi n'avait pas le choix d'orientation. Brillant bachelier en informatique, il n'avait d'autre alternative que d'opter pour le cycle préparatoire en math/ physique. «En Tunisie, il n'existe pas de cycle préparatoire en informatique. Faute de quoi, je me trouve dans l'obligation de changer de spécialité et de m'orienter vers le math/ physique», indique-t-il frustré. Cet étudiant avait pourtant la possibilité d'opter pour des filières tentantes comme la médecine. Son score le lui permettait, surtout qu'il a réussi au bac avec 16,90 de moyenne. «Ça aurait été trop beau. Or, cela ne m'était pas permis car je n'étais pas un scientifique», avoue-t-il énervé. Khalil gobe mal sa frustration ainsi que celle de ses semblables. «Je parie que 90% des bacheliers n'obtiennent pas les filières de leur prédilection et que 40% des étudiants recourent à la réorientation, tellement les décisions d'orientation sont illogiques et frustrantes», renchérit-il.