Des cadres et militants de base d'El Massar, une soixantaine selon certaines sources, une vingtaine selon d'autres, ont décidé de migrer hier d'El Massar (La voie démocratique et sociale) pour rejoindre le parti de Béji Caïed Essebsi Nida Tounès. L'annonce de cette migration a été faite hier au cours d'une conférence de presse donnée à Tunis. Interrogé sur les motivations qui ont poussé ces «transfuges» à rejoindre Nida Tounès (l'appel de Tunis), Tarek Chaâbouni, ancien membre du comité central d'Ettajdid affirme : «A l'appel de Tunis, l'ensemble du parti Ettajdid a répondu positivement, d'autant que l'unification des partis démocratiques après le 23 octobre, a constitué un pur ratage. Je pense que Béji Caïd Essebsi s'attendait à ce que les partis qui avaient joué un rôle important avant le 14 janvier 2011, apportent leur concours afin d'équilibrer la coalition politique. Malheureusement, les partis PDP et Ettajdid n'ont pas joué ce rôle. Chacun a constitué un petit regroupement qui ne fait pas contrepoids à la coalition d'Ennahdha et ses alliés. Fallait-il laisser Caïd Essebsi constituer son parti et demeurer, quant à nous, un parti autonome ou converger vers ce nouveau parti ? Or, nous pensons qu'El Massar hors de Nida Tounès n'est plus viable, ni nécessaire, car il est conçu comme une voie de passage vers une forme plus large. Nous avons donc estimé que le moment était venu pour converger et adhérer à ce nouveau parti en formation car il représente l'instrument capable, dans la conjoncture actuelle, de faire le contrepoids à Ennahdha et ses alliés. Il représente, à mes yeux, l'enjeu et le lieu central pour la reconstruction, l'alternative et l'alternance avec Ennahdha. Nous sommes 50 à 60 membres, soit une fraction importante d'El Massar, une aile qui considère que nous devons fonder quelque chose de nouveau. Après le 23 octobre, il y a eu un grand désir d'unification des forces démocratiques de la gauche et du centre, mais sans grand résultat. Nous avons été battus aux élections du 23 octobre, car nous étions dispersés et les Tunisiens ont élu une force minoritaire, mais bien organisée. Maintenant, aller encore une fois seul aux prochaines élections n'est plus possible : Ettajdid seul pour la nouvelle bataille électorale, c'est fini». De son côté, Lakhdhar Lalla, membre du bureau politique d'El Massar, nous a déclaré ce qui suit : «Même si je n'ai pas assisté à la conférence de presse étant à Paris, j'ai toujours défendu un front républicain démocratique ouvert à tous et aux destouriens aussi, mais sans la disparition des entités. Aujourd'hui, la situation est si grave, si dangereuse qu'il faut que toutes les forces démocratiques se rassemblent. C'est une question d'importance nationale comme pour la libération nationale. Je n'ai pas encore démissionné d'El Massar, mais je ne condamne pas mes camarades, je les soutiens au contraire, car je suis parmi ceux qui ont appelé dans la presse nationale, depuis le mois de novembre, à la démission du bureau politique d'Ettajdid qui n'a su ni diriger, ni construire une vraie alliance, les chefs historiques du parti ont été éliminés et la parité a été appliquée de façon dogmatique. Sans compter que par ailleurs, il n'y a vraiment pas de débat. C'est pourquoi, je commence à croire que l'opération El Massar est une opération mort-née. Il y a eu une précipitation du groupe dirigeant pour faire des alliances en tant que réaction à l'échec et non en tant qu'action réelle critique. Le premier secrétaire n'a jamais voulu assumer ses responsabilités et tirer les leçons lors du congrès d'Ettajdid. Bref, avec Béji Caïd Essebsi, j'estime qu'une alliance est possible, parce que ce sont des gens sérieux qui peuvent rameuter et ramener les citoyens de la Tunisie profonde à ce parti. Notre pays entre dans une étape réellement de construction de la démocratie sans parti hégémonique et Caïd Essebsi a montré qu'il est capable de se métamorphoser et de s'adapter avec la nouvelle réalité». « Une alliance pour l'intérêt national» Interrogé sur l'opportunité de voir des gens de gauche rejoindre une force rassemblant entre autres d'anciens destouriens et de Rcédéistes, M. Tarek Chaâbouni répond: «Ça ne se passe pas par rapport à nous, nous faisons de la politique et le problème qui peut gâcher la transition c'est de passer d'un parti unique à un parti hégémonique soit un «parti-régime» autour duquel gravitent des partis satellites sans alternance politique possible. Notre choix est historique Nida Tounès est un parti né pour durer, à mon avis, de 5 à 7 ans vu les circonstances politiques mais ce n'est pas un parti éternel. Répondant à la même question, Lakhdar Lalla estime, lui, qu'il n'y a pas de personnes par essence pour ou contre la démocratie. Et d'ajouter : «Parmi les 12 membres qui accompagnent Béji Caïd Essebsi, il y a des camarades avec lesquels, j'ai milité comme Boujemaâ Rmili, Abdelaziz Mzoughi, Ridha Bel Haj, Taïeb Baccouche, qui était secrétaire général du syndicat de l'enseignement supérieur, ces quatre membres, je les connais bien et je pense qu'ils ne vireront pas vers la dictature. Je rappelle, par ailleurs, que les marxistes en Chine, au Vietnam, en France durant la résistance, ont fait des alliances avec les ennemis d'hier. Ce qui importe dans cette démarche c'est comment sauver les acquis et construire la démocratie en Tunisie. Lorsque l'intérêt national de notre pays est au centre des enjeux, on doit être capable de s'allier pour préserver l'intérêt et l'avenir du pays, sans état d'âme». Interrogé sur ces démissions, M. Ahmed Brahim, président d'El Massar réagit non sans calme et sang froid : «Quelques individus ont pris la décision personnelle de quitter El Massar pour rejoindre Nida Tounès, ce n'est pas un événement. Ils sont libres de mettre fin à leur appartenance à El Massar, cette décision individuelle n'engage que leurs personnes. Ils s'agit d'une vingtaine de personnes or, nous sommes un parti qui compte des milliers d'adhérents, je ne pense pas que leur départ puisse l'affaiblir. Ils ont décidé de ne plus appartenir à El Massar, je leur dis : bon vent ! Nous avons constitué une sorte d'alliance avec le PDP et en tant que voie démocratique et sociale, nous poursuivons l'opération de fondation et de restructuration. Nous sommes pour le regroupement et les alliances de fronts démocratiques civiques. Mais maintenant que Nida Tounès s'est transformé en parti politique en formation, il est, pour nous, hors de question qu'un parti adhère ou se fond dans un autre parti. Nous sommes pour un regroupement de forces politiques diverses mais pas pour une union dans un parti. Le pays a besoin d'un regroupement des forces porteuses de valeurs démocratiques pour la réalisation des objectifs de la Révolution. Nous continuerons, donc, à travailler pour la concrétisation du front démocratique en tenant compte des diversité et pour l'ouverture que le pays exige de nous».