Un vice de forme, du moins important pour ne pas dire grave, a été à l'origine d'une perturbation lors de la tenue de la séance plénière d'hier de l'Assemblée nationale constituante qui a été consacrée initialement à la discussion de la désignation d'un successeur au gouverneur de la Banque centrale limogé. L'examen de la question a été reporté pour lundi en attendant une nouvelle décision républicaine. Après une heure et demie de retard, la séance plénière de l'ANC a été ouverte hier en présence de Chedly Ayari, proposé par la Troïka, et ce, pour discuter de la désignation du successeur du gouverneur de la BCT, Mustapha Kamel Nabli, limogé avant-hier. Les constituants ont été surpris par la présence de Chedly Ayari et de la copie de l'arrêté républicain daté du 11 juillet et qui stipule la désignation de ce dernier au poste de gouverneur de la Banque centrale avant même le limogeage de Nabli. L'ordre du jour de la séance a été remis en cause par les constituants qui ont relevé un vice de forme flagrant. C'est ainsi que les chefs des groupes parlementaires ont adressé une demande en commun accord au président de l'ANC afin de reporter les discussions sur le sujet à lundi prochain, en attendant une nouvelle correspondance républicaine afin de remettre à jour la procédure. Un accord qui ne cache pas, cependant, des divergences entre ls différents groupes parlementaires concernant le nom proposé, Chedly Ayari, mais aussi la manière dont a été limogé Mustapha Kamel Nabli. Certains constituants se sont prononcés sur cette polémique. Issam Chebbi (Parti Républicain) : «Nous refusons la proposition de la Troïka» Nous étions surpris par ce qui s'est passé, notamment la présence d'une copie de la décision républicaine n° 110 datée du 11 juillet qui désigne directement un nouveau gouverneur de la Banque centrale, mais qui recommande aussi de publier cette décision au Jort. Il existe un vice de forme flagrant puisque la décision de limoger Mustapha Kamel Nabli n'a été prise que le 18 juillet, une semaine après la désignation d'un successeur ! Je considère que c'est une prise à la légère de la première institution légitime du pays qu'est l'Assemblée constituante. Nous avons décidé, tous, de retourner la correspondance pour qu'elle soit revue et rectifiée pour éviter les vices de forme. Les constituants ont tous défendu la Constituante en dépit de leurs couleurs politiques. Cependant, je regrette que la recommandation de l'opposition de reporter le limogeage de Nabli n'ait pas été prise en considération, alors qu'il y avait le même vice de forme. Ceux qui étaient contre, outre Ennahdha, ne faisaient que la suivre (Ennahdha) et je cite parmi eux le groupe d'Ettakatol. Le président de la République ne doit pas prendre à la légère le travail de l'Assemblée constituante et doit revoir ses décisions arbitaires qui ont caractérisé sa politique durant la période écoulée. Pour ce qui est du successeur proposé, nous refusons la proposition de la Troïka car Chedly Ayari a été parmi les symboles du régime de Ben Ali et s'est éloigné de la sphère des affaires financières et monétaires. Je m'étonne de cette décision alors que la Troïka ne cesse de répéter qu'elle refuse d'adopter les méthodes de l'ancien régime et qu'il n'y a pas de place pour les Rcdistes, alors qu'elle ne cesse de les récupérer dans divers postes... Ajmi Lourimi (Ennahdha) : «Notre mission est accomplie à 50%» C'est la discussion qui a été décisive et qui a débouché sur le limogeage du gouverneur de la Banque centrale. Aujourd'hui, il y a un vice de forme, ce qui ne doit pas avoir lieu dans un Etat de droit. Nous avons effectué 50% de la mission. Pour ce qui est du vide à la tête de la Banque, ce n'est pas aussi grave puisque l'institution continue à travailler convenablement. Peut-être que ça va affecter de plus l'image extérieure et quelques indicateurs. Il ne faut pas exagérer quant à ce vide et son effet puisque l'institution n'est pas en panne... En somme, c'est une décision routinière tout à fait normale et le vice de forme n'a aucune incidence sur le contenu de la question. Je considère plutôt que ce qui s'est passé est positif car nous travaillons dans la transparence et il n'y a plus lieu à ce que les anciennes méthodes du régime déchu reviennent. Je pense que c'était une faute non intentionnelle. Walid Bannani (Ennahdha) : «Respecter la loi» Il y a eu un ajournement de la séance en attendant une correspondance républicaine en bonne et due forme respectant les délais. Nous avons refusé la forme de la décision et nous insistons sur le respect des différentes étapes légales pour ne pas avoir à remettre en cause la décision. En tant que groupe parlementaire, nous avons des questions à poser sur la personne et sur les stratégies et la politique à entreprendre outre les méthodes de travail du nouveau gouverneur de la BCT. Mohamed Hamdi (PDP) : «Faire un audit financier» Ce qui s'est passé est grave puisqu'il relève du manque de synchronisation entre les trois présidences. C'était comme si la décision était prise et que l'Assemblée constituante ne devait qu'approuver. Ce qui ne se passe que dans des régimes totalitaires uniquement. Je pense que le limogeage du gouverneur de la BCT n'est qu'une décision politique, ce qui a affecté l'image du pays aux yeux des institutions monétaires internationales. De telles pratiques ne peuvent que remettre en doute la situation financière du pays. On aurait dû charger la commission financière de faire un audit et de proposer des stratégies avant de proposer des noms.