• La montée du salafisme aidant, nos mosquées sont devenues un vrai casse-tête aussi bien pour les pratiquants «neutres» que pour le ministère des Affaires religieuses. A quand le retour à la normale? Que les temps ont changé, mes aïeux ! Mine de rien, nos mosquées considérées comme des oasis de paix et de piété, sont en effet devenues, depuis, des lieux de tension et des foyers de rivalités. Au point de friser la loi de la jungle! Les exemples abondant là-dessus en voici quelques-uns: des prédicateurs muselés, d'autres carrément agressés, des prêches achevés en queue de poisson, perturbation fréquente des horaires d'ouverture et de fermeture des mosquées, des «moâdhins» imposés sur commande, des tracts faisant les éloges du salafisme distribués devant et à l'intérieur des mosquées (et parfois même en plein appel aux prières), et, en guise de «renaissance islamique, des étals anarchiques ceinturant les lieux de culte et où ne sont exposés à la vente que les tenues traditionnelles de la religion et les produits d'encens importés de la Mecque et d'Afghanistan. A propos de ces étals anarchiques devenus de plus en plus envahissants, il est curieux de constater qu'ils sont tellement intouchables que la police municipale n'a jamais réussi à les enlever ! Bras de fer A l'intérieur des mosquées, l'heure est aux rivalités entre les salafistes et les autres, sur fond de luttes d'intérêts, chacune des deux parties cherchent à imposer sa domination (autant dire son hégémonie) sur les lieux de culte où les escarmouches entre les «belligérants» sont désormais monnaie courante. A la mosquée de la Cité Ghezala (gouvernorat de l'Ariana), on est allé, l'autre jour, jusqu'à en venir aux mains, pour incompatibilité d'humeur et de conviction entre les salafistes barbus et ce que ces derniers appellent «les ennemis de l'Islam» ! «Cela fait 40 ans que je fais mes prières à la mosquée. Et j'avoue amèrement que ce qu'on voit aujourd'hui c'est du jamais vu», déplore un vieux pratiquant qui assure fatalement que «nos mosquées sont devenues pratiquement infréquentables, voire inaccessibles», avant de s'interroger, furieux : «à quand la fin de la fuite en avant ? Pourquoi ces barbus continuent de sévir et de faire la loi en toute impunité ? N'a-t-on pas, à ma connaissance, un ministère des Affaires religieuses ?». Autant de points d'interrogations qui sonnent comme un malaise profond auprès des citoyens étrangers au conflit opposant Ennahdha aux salafistes. L'une des victimes de ce conflit a poussé le dépit au point de reconnaître que «le régime déchu, en dépit des manœuvres basses de ses milices et de sa police secrète, n'a pas causé autant de dégâts à nos mosquées». Et notre interlocuteur de conclure, au comble de l'exaspération, en indiquant qu'«étant donné qu'aller à la mosquée est devenu, de nos jours, une véritable aventure aux conséquences imprévisibles, j'ai décidé, sans doute à l'instar de milliers de mes semblables, de ne fréquenter ces lieux de culte que les vendredis. Pourvu que j'en sorte à bon compte». Solidarité Entre-temps, les prédicateurs et prêcheurs montent au créneau. Cible de la furia salafiste traduite par des actes d'intimidation et d'agression, ainsi que par des...licenciements abusifs, ils se sont regroupés récemment, dans un formidable élan de solidarité, pour créer leur propre syndicat. Cette première dans la longue histoire de nos mosquées est motivée par leur volonté tenace de défendre leurs droits dans un cadre juridique qui devra, espèrent-ils, les mettre à l'abri des «visées expansionnistes des salafistes». Nouveau casse-tête en vue pour le ministère des Affaires religieuses? D'ici la fin du mois de Ramadan, qui vivra verra...