Par Foued ALLANI Rien n'y fait, et à en juger par certains cas, l'administration publique reste fidèle à son esprit sclérosé, ses procédures compliquées et parfois kafkaïennes et sa lourdeur pachydermique, pesant ainsi de tout son poids sur notre pays, prenant otage toute initiative visant à améliorer notre quotidien. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent. Invité par le journal télé de 2h30 de la Nationale jeudi dernier afin d'éclairer l'opinion publique sur la position de l'administration suite aux violences survenues le même jour à Sidi Bouzid, un directeur général au ministère du Développement a brillé par la présence de son esprit... administratif et son apathie pathologique. Barricadé derrière ses commodités et son confort quotidiens, la conscience plus que tranquille, il n'a pas trouvé mieux que la froideur arithmétique pour répondre à une question brûlante : «Pourquoi laisser des milliers de pauvres employés dans les chantiers sans salaire durant deux mois de suite, surtout face à cette canicule et à l'avènement du mois saint?». Et le responsable administratif qui semblait débarquer d'une autre planète de répondre avec la plus grande indifférence du monde que cela était dû aux travaux ayant été rendus obligatoires par la mutation d'un système de paye manuel vers le système automatisé. C'était donc la faute à «Al mandhouma» (le système informatique) qui devait être adaptée à celle de l'Office de la poste tunisienne, selon ce responsable irresponsable, selon sa profonde conviction du problème et de ses graves conséquences. Comme si ces systèmes informatiques fonctionnaient tout seuls et qu'il n'y avait pas d'hommes derrière pour les gérer. Une explication toute primitive alors que des milliers de personnes sont dans la détresse. Il fallait continuer à payer les salaires tout en parachevant ladite réforme. Il fallait aussi que le gouvernement soit saisi pour qu'il puisse intervenir et casser la routine administrative. Ce qui prouve que l'information ne circule pas bien ou pire que le gouvernement accuse un retard flagrant dans la réaction à ces problèmes. En tout cas, la réponse du responsable en question est à classer dans le rayon des explications compromettantes selon l'adage arabe qui dit qu'«il est des explications plus honteuses que la faute elle-même». Il est donc clair que l'administration avec tous ses inconvénients, l'impunité qu'elle garantit à ses fonctionnaires ainsi que la sécurité de l'emploi qu'elle leur offre est tout à fait insensible aux urgences du pays et elle pourrait ainsi décrocher le prix de la première force contre-révolutionnaire dans le pays. Dans une interview accordée à un confrère, parue samedi dernier, le ministre des Finances, qui vient de démissionner, a évoqué ce problème. Prié de donner son avis sur le retard enregistré dans l'action de développement dans les régions défavorisées, il a mis le doigt sur la plaie... Pour lui, les programmes sont là, ambitieux et réalisables, mais c'est la lourdeur administrative qui est responsable de ces défaillances. Laisser donc des familles dans le besoin (ou bien des malades sans soins) à cause d'excuses aussi banales que celles évoquées est plus que scandaleux...inadmissible. Qui endosserait dans ce cas la responsabilité des problèmes qui n'auraient pas manqué de découler du retard de paiement et qu'auraient rencontré les victimes de ce laisser-aller ? L'administration et le gouvernement ont ici porté préjudice à ces populations. Et tout préjudice se doit d'être réparé. Combien de préjudices ont dû et doivent encore supporter nos concitoyens à cause d'une administration complètement en porte-à-faux avec leurs attentes et leurs besoins ?