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Un général de l'armée fournit des explications
Martyrs et blessés de la révolution — Entre responsabilité et culpabilité
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 08 - 2012


Par Abou Yacine (*)
La Révolution tunisienne décembre 2010 – janvier 2011 a malheureusement donné lieu, comme toutes les révolutions, à des pertes humaines, des morts et des blessés, d'où la demande générale et pressante de rendre justice aux victimes, ce qui passe par l'identification des responsables qui ont autorisé le recours aux munitions réelles et ceux qui ont accompli les actes aboutissant aux malheureux incidents . Seulement, après plus d'un an et demi, le dossier des martyrs et blessés de la révolution suscite toujours de vives tensions et même les verdicts rendus jusque-là par la justice militaire ont été vivement contestés de part et d'autre. Et là, la question fondamentale de savoir qui sont les vrais responsables de ces actes se pose toujours. L'identification des vrais coupables peut sembler a priori aisée; en réalité elle est beaucoup plus complexe et repose, à mon avis, sur des fondements particuliers autres que ceux habituellement admis dans les cas de crimes de droit commun où le criminel agit généralement pour son compte ou au plus pour celui d'un groupe mais toujours pour des intérêts particuliers et à titre individuel et dans l'illégalité. Mais dans le cas de la révolution, les acteurs sont des commis de l'Etat, dotés de l'outil du «crime», armes et munitions, de la façon la plus légale. L'Etat, dépositaire du monopole de la violence pour faire respecter la loi, ses commis, agents de sécurité ou de garde nationale et soldats, agissent, eux, dans un cadre tout à fait légal, au nom de l'Etat qui les a dotés des moyens adéquats pour leur permettre de faire régner l'ordre et la sécurité dans le respect total de la loi. Ainsi, l'identification des responsables des tueries et des blessés de la révolution ne peut se réduire à la réponse à la question évidente : qui a donné l'ordre d'utiliser des munitions réelles et qui a tiré sur la foule ? Plutôt, on doit d'abord préciser en quoi consiste le concept de responsabilité pour les autorités et agents de l'Etat, et cela couvre en réalité non seulement le cas de la révolution mais aussi toutes les opérations sécuritaires, de maintien de l'ordre, de défense du territoire national ou autres. La nature de la responsabilité et son étendue sont fonction du niveau hiérarchique considéré : le premier est celui des autorités politiques et sécuritaires, bref celui des planificateurs et donneurs d'ordres; le deuxième est celui des commandants des petites unités et des agents d'exécution.
Concept de responsabilité
Donc en quoi consiste la responsabilité d'une autorité politique ou administrative telles que président, ministre, secrétaire d'Etat, directeur général et fonctions équivalentes ? Que peut-on leur reprocher concrètement au fait ?
Généralement, un responsable d'une institution ou d'une organisation quelconque est celui à qui on confie le rôle essentiel de prendre les décisions et les mesures nécessaires pour permettre à cette institution de remplir sa mission et d'atteindre les objectifs qui lui ont été assignés.
Il est communément admis que toute autorité est tenue responsable de ses décisions et leurs conséquences, mais on a généralement tendance à oublier qu'elle est également responsable des décisions qu'elle aurait dû prendre mais qu'elle a manqué de faire. Dans le cas d'espèce, il ne fallait pas chercher uniquement les auteurs d'éventuelles instructions ou même des insinuations à l'usage de munitions réelles contre la population. D'ailleurs, il est peu probable d'en trouver et ce pour au moins deux raisons évidentes : d'abord, ces responsables ne sont pas si dupes pour laisser des traces les compromettant dans de si graves crimes ; à un tel niveau de pareilles instructions ne sont presque jamais données par écrit et d'une façon si explicite ; d'autres part, les autorités concernées ont bénéficié de délais largement suffisants pour faire disparaître tout indice les compromettant. Pire encore, ce délicat dossier n'a été confié à la justice militaire qu'après avoir traîné pendant environ quatre mois aux mains de la justice civile, perte de temps et surtout de preuves.
Une autorité de niveau supérieur devrait être tenue pour responsable aussi du manquement à ses devoirs; en d'autres termes elle doit répondre à la question simple mais combien grave de conséquences : pourquoi n'a-t-elle pas empêché, ou essayé d'empêcher, l'usage des munitions réelles alors que cela relève pleinement de ses prérogatives légales? A-t-elle au moins exprimé son opposition d'une manière quelconque à cette mesure quand elle a été prise par une autorité supérieure? Evidemment, la prétendue ignorance de tels crimes, après tout un mois de révolte, n'est ni recevable ni crédible, et constitue un grave manquement aux devoirs, donc aussi condamnable que donner des ordres clairs d'utiliser des munitions réelles, sachant parfaitement donc qu'il y a de grands risques que cela produise des morts et blessés parmi les révoltés.
En première conclusion, il est donc évident que les hautes autorités politiques et sécuritaires, décideurs et donneurs d'ordres sont condamnables pour deux motifs, soit pour avoir donné d'éventuels ordres même verbaux pour recourir aux munitions réelles, donc de tuer ; soit pour les instructions qu'elles auraient manqué de donner pour éviter les tueries ; et ce notamment à partir du moment où elles avaient pris connaissance des premières victimes.
Et les agents d'exécution ?
Quant aux agents d'exécution, commandants de petites unités et agents opérant sur le terrain en contact direct avec les citoyens, leur responsabilité est de toute autre nature et à un niveau différent. En effet, leur responsabilité se limite à la conformité de leurs agissements aux ordres et instructions reçus et aux procédés et règles d'intervention qui leur ont été inculqués au cours de leur formation à l'école et déjà mis en œuvre à l'occasion de précédentes opérations et qui sont consignés dans des documents d'instruction officiels.
Donc, leur responsabilité ne couvre nullement l'opportunité, le bien-fondé ou les conséquences de l'intervention même; laquelle intervention est conçue et décidée par leur chef; au nom de la discipline, ces agents doivent l'exécuter «sans hésitation ni murmure» diraient les militaires du monde, et tout faire pour l'accomplir et atteindre les objectifs recherchés. Ce concept de discipline des forces en armes est le soubassement de leur institution, le fondement même de leur efficacité. La remise en question de la discipline au sein des corps des forces de sécurité et militaires signifiera le début de leur dislocation et naturellement leur inefficacité, ce qui ne tardera pas à mettre le pays dans de piètres situations. Dans le cas des interventions sécuritaires, tant que l'agent ne déborde pas de ce qui est autorisé par les règlements en vigueur, c'est absolument injuste de lui porter une quelconque responsabilité quant aux résultats d'une opération décidée par ses supérieurs. Responsabiliser les agents d'exécution leur donne automatiquement le droit d'agréer ou de rejeter les décisions du commandement, avec l'inévitable mise en cause du principe même de discipline et de hiérarchie qui reste toujours le fondement même de toute force armée, de sécurité ou militaire, pour qui discipline rime avec «force et efficacité. Sur le plan pratique, regardez la réaction des agents de police après le 14 janvier 2011, après les avoir pris, certainement à tort, collectivement et largement pour responsables des victimes de la révolution et de tous les excès commis pendant des décennies, réaction tout à fait logique et prévisible : même devant des situations graves qui nécessitent leur intervention, leur réponse est devenue : «Attendons les instructions»; «nous avons besoin de protection pendant les interventions» !!!. Cet état d'esprit et leur hésitation d'assumer pleinement leur rôle institutionnel qui est de faire régner l'ordre et la loi dans le pays expliquent en grande partie le climat d'insécurité et de peur latente chez les citoyens.
En cas de dégâts, c'est l'Etat qui doit assumer
Evidemment, il faut rendre justice aux martyrs et blessés de la révolution en clarifiant les circonstances de ces tristes évènements et réparer le réparable. Seulement, les agents qui ont pris part à ces évènements devraient être entendus par la justice d'abord en tant que témoins pour établir la vérité et non comme accusés, car l'acte commis l'a été au nom de l'Etat, en service commandé et non à titre personnel. Et c'est l'Etat qui doit assumer toute la responsabilité de ses agents en cas de dégâts; et tant qu'ils agissent dans le respect des règlements de l'institution, l'Etat doit plutôt les protéger et non pas les sacrifier en boucs émissaires pour tenir compte de certaines considérations politiciennes totalement farfelues et égoïstes. Cela est particulièrement vrai pour les militaires dont la mission en opérations se traduit généralement par des destructions matérielles et aussi humaines, c'est la nature même de leur mission. Faire face à un groupe ou un réseau de criminels ou de trafiquants donne généralement lieu à des morts et blessés parmi les suspectés, les agents intervenants; militaires, policiers, agents de la garde nationale et autres; et souvent collatéralement parmi les civils innocents. C'est le cas aussi d'une unité militaire qui reçoit la mission de contrôler une bande des frontières et donc faire face à d'éventuelles infiltrations de terroristes, de trafiquants d'armes, de stupéfiants ou de simples produits alimentaires. Ceux-là sont à tout moment prêts à user de la force pour se défendre contre les forces étatiques. Est-ce que dans de telles situations on va prendre les agents ou les militaires sur le terrain pour responsables et les criminaliser, en raison des très probables pertes humaines parmi les civils innocents? Alors que ceux-là agissent légalement au nom de l'Etat, avec les moyens de l'Etat, conformément à ses règlements et ses procédures ? Il est très aisé de constater , après coup, que les morts ou blessés s'avèrent des innocents et qu'on leur doit réparation ; mais mettez-vous à la place de ces agents au moment de l'action où vous ne disposez que de quelques secondes pour abattre le suspect armé en face décidé à faire usage des armes dont il dispose, avant qu'il ne vous abatte ou avant qu'il ne commette son crime, faire exploser ou brûler des institutions publiques et des biens privés que vous avez la charge de protéger, sachant que c'est la seule alternative qui vous reste face à cette situation si vous ne voulez pas trahir l'institution et la patrie en laissant faire . Le combattant, comme tout être humain, a aussi le droit à l'erreur, erreur d'appréciation de situation en action, ce qui n'a jamais été une science exacte et en cas d'erreur, encore une fois, c'est l'Etat qui doit assumer et au besoin réparer. Messieurs les dirigeants politiques et des instances judiciaires, messieurs les défenseurs des droits de l'Homme, est-ce que vous reprochez à ces agents leur application stricte des instructions et des ordres de leurs chefs légaux ? D'être disciplinés? De servir l'Etat avec dévouement? Leur demanderiez-vous avant d'agir pour chaque ordre et situation de vérifier d'abord si c'est conforme à la Déclaration universelle des droits de l'Homme? Est-ce que cela relève de leur compétence ou est-ce tout simplement raisonnable ou même concevable ? Soyons sérieux, honnêtes et surtout reponsables !
Actuellement, un bon nombre de militaires sont poursuivis par la justice militaire pour homicide volontaire pour certains, involontaire pour d'autres et pour participation à un homicide pour les plus chanceux; alors qu'ils n'ont fait qu'appliquer, selon les procédures en vigueur, des ordres — certains écrits, d'autres verbaux — émanant de leurs chefs respectifs. Ces militaires qui accomplissaient leur mission avec abnégation, dévouement et sacrifice, ce qui a toujours été très apprécié par les autorités et citoyens du monde, affrontent aujourd'hui individuellement la justice comme s'ils étaient lors des événements des criminels de droit commun ou s'ils prenaient part à une partie de chasse privée ! Cela est aussi injuste qu'irresponsable parce qu'il porte préjudice au moral des forces de l'Etat et à leur efficacité et en même temps à la sécurité, dans le pays, sécurité vainement recherchée et tant souhaitée par tous, mais rare sont ceux qui se sont demandé qui fera régner cette sécurité et pourquoi ceux qui en sont chargés hésitent à le faire. Dans ces cas, c'est l'Etat qui aurait dû assumer la responsabilité des conséquences des actes commis par ses agents, encore une fois, tant que ceux là agissent en conformité avec les ordres du commandement, les règles et procédures en vigueur.
Ne pas charger le maillon le plus faible
Sans doute, le dossier des martyrs et blessés doit être traité avec une grande attention pour rendre justice à qui de droit et aussi punir les coupables. Mais il ne faut en aucun cas mettre sur le dos des agents d'exécution, juste parce qu'ils semblent les plus faibles, la responsabilité des pertes humaines de la révolution. Peut- être aussi, pour calmer les familles des martyrs à n'importe quel prix, même en présentant des boucs émissaires. A quoi pourrait-on s'attendre de la part de ces agents lâchés par leur commandement et durement critiqués, mais à tort, dans de nouvelles situations similaires ? Un agent de sécurité ou un combattant qui doute du soutien total de ses chefs dans son action est un combattant, un serviteur de l'Etat très fragile, indécis et certainement tout à fait inefficace. Analyser bien les très graves indices de désordre, de dislocation enregistrés au sein des services de sécurité, jusque-là jamais connus : syndicat hors de contrôle du ministre de tutelle, plutôt en opposition déclarée avec ce dernier, manifestations publiques non autorisées, d'agents en tenue civile et officielle, contre cette même autorité de tutelle et au mieux une attitude de simple spectateur non concerné au lieu d'acteur pleinement engagé! Observez leur comportement dans la rue...
Cela, évidemment, n'exclut nullement la poursuite judiciaire de tous ceux, agents de sécurité ou autres qui, profitant de l'ambiguïté de la situation, ont agi pour leur propre compte pour régler des affaires personnelles, ce qui serait à mon avis plutôt des exceptions.
Messieurs, de grâce, M. La Palice aussi aurait affirmé : les bons et les mauvais se trouvent, à des proportions variables, dans toutes les franges de la société et dans toutes les institutions tunisiennes parce que c'était tout un système. Arrêtons de généraliser et de culpabiliser collectivement tout un corps de métier à la fois. Sans trop de passion et sans rancœur, accordons à chacun et individuellement exactement ce qu'il mérite toujours selon la loi déjà en vigueur. Et que chacun assume ses responsabilités et surtout sans faire payer les fautes et même les crimes des vrais responsables aux agents d'exécution pris pour des boucs émissaires.
* (Officier Général retraité)


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