Drôle de choix que de programmer un chanteur colombien de salsa et reggaeton au festival de la Médina. Cette soirée a eu lieu vendredi dernier, où Vanny Jordan et sa troupe ont donné un spectacle haut en couleur, au Théâtre municipal de Tunis. La rencontre entre la salsa et le reggaeton donne, en fait, un mix à la fois original et témoin de l'évolution de la musique populaire en Amérique latine. Le reggaeton, né il y a une vingtaine d'années, se rapproche des musiques insulaires de cette région, avec une touche hip-hop. Il serait, si l'on peut se permettre la comparaison, le rap latino. Mais on ne saurait distinguer un genre dominant dans les chansons de Vanny Jordan. Chanteur et compositeur, il est installé en France depuis plus de vingt ans, où il a suivi des études en droit et exercé dans ce domaine avant de se tourner vers sa première passion, la musique. En 2007, Vanny Jordan — natif du village Le Chocó en Colombie — a obtenu le Prix du meilleur talent de l'année, décerné par la Mairie de Paris et Radio France Bleu. Il avait auparavant sorti un album dans son pays d'origine, intitulé «Fusionando la música». Ce titre, qui donne en français « Fusionner la musique », résume bien le projet musical de cet artiste. « Ce que je fais c'est une fusion de salsa, reggaeton et hip-hop latino. C'est un mélange de tradition et de modernité », explique-t-il dans une interview. Les reprises sont souvent de mise dans son travail, toujours mijotées à sa propre sauce musicale. Vanny Jordan s'inscrit aussi dans la mouvance des stars montantes du reaggaeton, qui misent beaucoup sur l'image, avec des clips bling-bling. En ce qui concerne son concert à la Bonbonnière, devant le public tunisien, il a été plus rapide à donner une idée sur son univers. Sorti des coulisses pour investir la scène avec ses sept musiciens (au piano, à la batterie, percussion, trompette, saxophone, guitare basse et tiple), Vanny Jordan s'est lancé dans l'interprétation de classiques de la salsa, histoire de mettre de l'ambiance dans la salle. Très vite, les couloirs ont été investis par des couples de danseurs, et les sièges ont été pas mal de fois désertés. Habillé d'un T-shirt coloré, sous un gros collier doré, d'une veste et d'un pantalon blancs, le chanteur était accompagné par deux danseuses, qui ont changé, selon les chansons, plusieurs fois de costumes, tous plus sexy les uns que les autres. Entre les réticents à cet alien musical et ceux qui se sont laissés aller au spectacle, c'est l'esprit de fête qui l'a emporté. Après tout, Vanny Jordan ne présente rien de bien risqué, entre les reprises des classiques de salsa et de merengue, ainsi que ses propres titres dont le reggaeton est assez imprégné de ces styles de base. Ses reprises ont touché à des chansons comme « Fuego en el 23 » et « El raton», morceaux colombiens traditionnels, « Hasta siempre» du Cubain Carlos Puebla qui parle de Che Guevara et « Chan chan », chanson cubaine des Buena vista social club, toutes transformées en versions plus rythmées. Quant aux chansons dont il a signé les paroles et la musique, elles s'intitulent «Mi candela » ou encore « La moto ». Vanny Jordan affirme que ses écrits sont influencés par, entre autres, l'actualité en Amérique du Sud. La soirée a connu son apogée avec l'interprétation de la chanson officielle du carnaval tropical de Paris. Le public a été invité sur scène. Toute la salle a vibré sous les rythmes de ce titre qui a fait même danser le placeur du Théâtre municipal. Habitué à la sobriété, cet espace n'a pas beaucoup connu de ce genre de soirées, mais le résultat est un baume sur le cœur. Il prouve surtout que la Tunisie, comme l'a dit Vanny Jordan au début de son concert, est « un pays exemplaire de courage, de générosité et d'ouverture » et il le restera. Qui oserait prétendre le contraire ?