Par Soufiane Ben Farhat On ne s'étonnera jamais assez de l'inconsistance de certains partis politiques tunisiens. A bien y voir, certains d'entre eux sont le fruit d'un pur concours de circonstances. Une dynamique de groupe électoraliste a réuni certaines personnes sous quelque chapelle. Il en est résulté la formation fortuite d'un parti politique. Le cas du CPR est symptomatique à ce propos. Ils n'étaient pas plus de sept personnes à y être affiliées au lendemain immédiat de la Révolution du 14 janvier 2011. La double poussée de l'enfantement des partis politiques et de l'enrôlement en leur sein a profité au CPR. Des dizaines de milliers de personnes l'ont rejoint en quelques mois. Et il s'est retrouvé, sans s'y attendre réellement, la deuxième force politique du pays à l'issue des élections de l'Assemblée constituante du 23 octobre 2011. Pas moins de vingt-neuf constituants sont élus CPR. Du coup, la transition a été pour ainsi dire véloce. Et brutale. De parti ressemblant davantage à une secte traquée et émargeant dans la clandestinité, le CPR s'est retrouvé à la tête du pouvoir. Héritant, de surcroît, de la charge de la présidence de la République et de quelques portefeuilles ministériels, à l'issue de laborieuses tractations. Et de l'alliance avec le parti Ennahdha. L'organisation du ban et de l'arrière-ban partisans a été différée, urgences obligent. Les fédérations régionales, les structures intermédiaires du parti n'ont guère été peaufinées comme il se doit. Il en est résulté une bousculade de fait dans les instances dirigeantes du parti. Le président Moncef Marzouki a dû, entre-temps, démissionner de la direction du parti. En vertu précisément de sa responsabilité présidentielle. Il est en effet le président de tous les Tunisiens. L'épreuve du pouvoir a été coûteuse. Les divergences avec Ennahdha ont créé des rounds de bras de fer entre les fidèles au président Marzouki et le gouvernement. Du coup, la lutte pour le leadership s'est ouverte. Au couteau. Une lutte sans merci et où tous les coups sont permis. Le spectre des divisions a fini par générer de véritables scissions. Successives, elles ont fragmenté les frères d'armes en plusieurs constellations atomisées. Parce que les divisions affaiblissent. Inexorablement. Aujourd'hui, le CPR est bien l'ombre de lui-même. Il compte bien tenir son congrès les 25 et 26 août 2012. Et à la veille de ce congrès, il vient de geler l'adhésion en son sein du député Tahar Hmila. Ce dernier a déclaré récemment que M. Moncef Marzouki n'est pas apte à être président de la République et souffrirait de plusieurs troubles mentaux. Il essaie même de faire passer des tests psychologiques au président. Il a même déclaré son intention de fonder un nouveau parti dénommé Décollage pour la Tunisie. Enième entité politique fruit d'une scission au sein du CPR. Bref, cela tourne au mélodrame. Les luttes intestines sont devenues une pathologie. Les membres du parti dans l'entourage présidentiel n'ont pas été épargnés. Trois d'entre eux ont déjà démissionné, parfois en claquant la porte d'une manière éclatante. A une rare exception près, seul le noyau gouvernemental du CPR tient encore la route. Soit un quarteron de personnes. De son côté, M. Mohamed Abbou a démissionné du gouvernement pour se consacrer, dit-on, à l'organisation du parti. Ettakatol, membre lui aussi de la Troïka gouvernementale, subit les mêmes vicissitudes ou presque. D'autres formations de l'opposition sont touchées elles aussi par ce fléau. Cela en dit long sur l'immaturité partisane en vogue sous nos cieux. Finalement, les partis politiques tunisiens semblent, dans une large mesure, tributaires des caprices et sautes d'humeur de leurs dirigeants. Du coup, ils s'apparentent à autre chose qu'à des partis en bonne et due forme. La politique s'en ressent. La vie démocratique en pâtit. Et nombre de questions qui secouent la place politique par intermittence s'avèrent de faux problèmes dont on peut aisément faire l'économie.