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Désir d'éternité
Post-scriptum
Publié dans La Presse de Tunisie le 06 - 09 - 2012


Par Yassine ESSID
La science politique n'ayant pas encore découvert le moyen de prolonger indéfiniment la vie d'un régime, voire de la rendre éternelle, on s'est mis à remplacer alors l'action par l'incantation ou simplement par la répétition de vieilles formules magiques comme support psychologique afin d'atténuer l'angoisse du doute et raviver l'espérance. Le gouvernement actuel «restera longtemps au pouvoir», a déclaré péremptoirement le gendrissime, résolument son unique attribut, sans que l'on sache vraiment s'il s'agit d'une menace proférée à l'encontre du camp rival, désormais déterminé à croire en sa victoire, ou d'une promesse faite à ses compagnons assaillis par l'incertitude que génèrent inévitablement les règles du jeu démocratique. Mais au-delà des fariboles désespérées et des bravades puériles, l'auteur de ces propos s'est exprimé sur le mode du futur simple auquel n'est associée aucune condition. Il a parlé de la reconduction illimitée de son parti, hissé à la tête du pays, comme d'une vérité générale et incontestable qui a toujours été certaine et qui le sera toujours, comme de dire, par exemple, que «le soleil se lèvera demain». Il semble aussi travaillé par l'inébranlable certitude que du moment que Ennahdha est au pouvoir, elle entend le rester indéfiniment nonobstant l'issue toujours incertaine que suppose le principe des élections démocratiques et la volonté du peuple appelé à choisir prochainement et librement ses propres représentants.
Il est en effet curieux qu'un parti, trop impatient pour se contenter de résoudre en priorité les défis du présent, envisage de rester le plus longtemps possible au pouvoir, qu'il soit si impuissant à contenir ce besoin irrépressible de se projeter prématurément dans le futur, allant jusqu'à anticiper l'issue d'un scrutin avant même que ne soit engagée la campagne électorale. Comme l'application des valeurs de la révolution dont ils s'estiment être les dépositaires n'est pas pour demain, ni dans cinq ans d'ailleurs, les dirigeants d'Ennahdha réclament plus, s'inscrivent dans le long terme, et puisqu'ils ont tout le pouvoir, réclament l'éternité. Ainsi, ce parti ne se place déjà plus dans une perspective de conquête du suffrage universel mais dans celle d'une conquête tout court qui ne supporterait aucun partage ni aucune alternative à son pouvoir. Il entrevoit l'avenir comme une éternité transcendant à la fois la souveraineté du peuple, l'égalité, la liberté, la diversité des courants opinions, leurs représentants ainsi que les partis politiques. Psychologiquement, une telle projection vers le futur lui sert illusoirement à faire face aux événements pénibles qu'il est incapable de maîtriser. Elle est une défense dictée par l'angoisse et dont l'objectif est d'apaiser l'anxiété. Cependant, si notre gendrissime ne raisonnait qu'à travers cet aspect du problème, ses propos mériteraient tout juste un éclat de rire ou un haussement d'épaules. Mais il faut les interpréter autrement, les envisager sous une hypothèse qui va bien au-delà de l'annonce tapageuse, condescendante et sans nuance.
En effet, les victoires successives des partis islamiques en Tunisie, au Maroc, en Egypte et bientôt ailleurs probablement, qu'on exhibe comme la plus belle vitrine idéologique de l'islamisme vainqueur, sont de plus en plus perçues et proclamées comme marquant la victoire du système de gouvernement religieux sur tous les autres systèmes politiques séculiers, comme la suprématie absolue et définitive de l'idéal de l'Islam transformé en mythe fondateur lequel ne constituerait pas seulement l'horizon indépassable de notre temps, mais se réaliserait effectivement, inhibant au passage l'idéal démocratique et la construction nationale. Cette idée, communément partagée par nombre d'islamistes, constitue le signal de la fin de la démocratie libérale et la mise en doute que celle-ci puisse renaître de sitôt. La Tunisie et, par-delà, le monde arabe en mutation, serait parvenue aujourd'hui à l'ultime séquence de son destin et à l'horizon indépassable de son histoire. Il se peut toutefois que survivent, malgré tout, des partisans d'autres systèmes politiques ou économiques, des défenseurs d'autres organisations sociales, des adeptes d'autres modèles de sociétés, mais il ne s'agit que de témoins dérisoires, d'illusions envolées. Il pourra y avoir aussi des contestations, des mouvements d'opposition et même des conflits entre et avec certaines tendances, qui continueront à avancer leurs revendications insatisfaites, à faire savoir leurs vaines récriminations, mais il ne s'agit là que de pulsions qui ne sont pas complètement apaisées. Car dans l'intervalle, auront cessé les grands conflits politiques qui exigent la présence de grands partis encore sous l'emprise de l'histoire et de l'idéologie. Ceux-là auront quitté la scène et ne survivraient plus qu'en diaspora.
L'organisation de la société serait alors figée à jamais et rien n'entravera le triomphe définitif de ce régime comme forme finale du développement humain. L'histoire aura ainsi connu son achèvement le 23 octobre 2011, le jour où, à l'avant-garde de l'humanité arabe, le peuple tunisien a accepté, de plein gré, les principes du gouvernement islamique comme fondement de l'idéologie moderne, ouvrant pour des siècles les portes d'un régime uniforme, installé et immuable. Il faut rappeler cependant aux thuriféraires de tout régime politique qui prétend gouverner ad vitam æternam, le souvenir de toutes les idéologies successivement renversées au long des âges, assez pour les faire douter au nom de ces précédents que l'islamisme puisse seul dominer le pays à jamais.
Des civilisations ayant jadis atteint l'universalité, avaient aussi nourri le mirage de l'immortalité, furent persuadées d'avoir atteint le stade suprême de l'humanité, jusqu'au jour où elles furent balayées ou écrasées par d'autres convaincues d'être tout aussi immortelles. Tout cela est supposé mettre en alerte et en méfiance les auteurs de ces naïvetés dérisoires annonçant que tel régime a atteint le port recherché depuis le temps mythique et trouvé l'équilibre définitif entre les exigences de la liberté et celles de la solidarité comme juste récompense de tant de combats. Tout cela est supposé mettre en garde ceux qui sont séduits par l'idée d'attribuer à une idéologie le monopole de régner seule car ils se heurtent à une évidence éternelle : la permanence des inégalités, des pressions et des affrontements sociaux qui minent de l'intérieur tout système supposé triomphant. Pour partir du concret, considérez toutes les questions aujourd'hui en suspens : liberté, stabilité, sécurité, emploi, éducation, subsistance, énergie, santé, logement, service public, et j'en passe, qui poseront un jour ou l'autre, inéluctablement, dans des circonstances imprévisibles de tensions collectives, un défi fatal à cette panacée qu'on nous promet immortelle.


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