Que de monde venu, de tous bords, très tôt le matin, sur l'esplanade de la Kasbah pour prendre part à une spectaculaire marche pacifique sous le slogan «ekbess» comme signe révélateur pour inciter le gouvernement, en particulier, à resserrer les rangs et presser le pas pour sortir de son silence assourdissant. Que de slogans brandis haut et fort pour protester contre un certain laxisme dans la gestion des affaires courantes, les dossiers de la corruption et des corrompus, l'assainissement des médias, de l'administration et de la justice. D'autres voix se sont également élevées pour soutenir la marche du gouvernement et l'appeler à faire encore mieux pour mener cette étape transitoire à bon port. Et ce n'est pas la première fois qu'une telle vaste mobilisation se donne rendez-vous à cet endroit emblématique. Vendredi dernier, c'était la première édition qui avait rassemblé des centaines de manifestants autour d'un même objectif: pour que l'intérêt du pays soit au-dessus de toute autre considération. Et pour que le mouvement Ennahdha, l'aile dure de la troïka, tranche dans le vif et accélère le traitement des dossiers jusque-là en suspens. Ainsi, jeunes ultra-nahdhaouis, associations activistes, sympathisants du mouvement et du gouvernement et bien d'autres partisans se sont massés, de bonne heure, à la place de la Kasbah, sous haute surveillance sécuritaire. Un rassemblement qui s'est déroulé sans heurts, ni dégâts. Et pourtant, certains partis ont décidé de ne pas y participer, à savoir le Congrès pour la République (CPR), principal allié d'Ennahdha. Le CPR a déjà rendu public un communiqué dans lequel il a expliqué sa volonté d'éviter une certaine instrumentalisation politique. Quant au président du Mouvement «Wafa», Abderraouf Ayedi, il s'est déclaré en faveur de toute action visant à activer le jugement des partisans de l'ancien régime. Sous un soleil de plomb, des voix n'ont pas fini de scander des dizaines de slogans à l'adresse du chef du gouvernement, Hamadi Jebali et son équipe : «Le peuple veut l'assainissement de la justice, des médias et de l'administration», «Tunisie libre, RCD dégage», «Plus de place pour les rcdistes et les résidus du régime corrompu», «Pas de liberté et ni de retour à la bande destourienne», «Fidèles, fidèles..sans RCD ni Nida», «ô destouriens, on vous déteste», «Essebsi, le RCD ne reviendra jamais», «Hamadi ekbess, le peuple vous appelle», «Gouvernement, réveille-toi..», «L'amnistie générale, une urgence», «Fais comme Morsi ou cède la place», «Le jugement avant la réconciliation», autant de slogans provocateurs tendant à faire pression sur le cours des événements. Les manifestants ont longuement protesté, revendiquant le retour de la stabilité et que les choses soient prises en main afin d'atteindre les objectifs de la révolution. Le tout au détriment des intérêts politiques et des idéologies partisanes. Ces slogans ne sont pas restés lettre morte, du moment que la réaction de la présidence du gouvernement leur a fait écho en dépêchant son conseiller politique, M. Lotfi Zitoun, connu pour ses déclarations fracassantes. En réaction aux appels des protestataires, le conseiller politique a pris le micro, du haut de l'esplanade de la Kasbah, pour dire que le gouvernement n'est pas sourd, d'autant qu'il prête une oreille attentive à tout ce qui se passe sur la scène nationale. Et de s'exprimer que malgré les conditions de travail difficiles, le gouvernement n'a de cesse de lutter contre la corruption et d'oeuvrer pour la réalisation des objectifs de la révolution. «Et bien qu'on travaille dans un silence médiatique total, nous sommes parvenus à traduire en justice quelque 147 affaires de corruption relevant de plusieurs départements ministériels...», a-t-il déclaré. D'autant plus, enchaîne-t-il, que la commission de saisie a été reconstituée pour restituer des biens mal acquis et des milliards spoliés par la bande du régime déchu. Il va sans dire que ces dossiers de confiscation nécessitent bel et bien des preuves bien fondées et des procédures judiciaires dans les règles de l'art. «Ces déclarations ne sont pas à considérer comme étant de la propagande politique ou électorale...», a-t-il fait remarquer. Mais, à l'en croire, elles font partie de la responsabilité dont le gouvernement est investie. Par ailleurs, l'orateur n'a pas manqué de pointer du doigt certaines parties soupçonnées d'avoir mis des bâtons dans les roues pour perturber le fonctionnement des institutions de l'Etat, appelant à les préserver pour sauver le processus de la transition démocratique. M. Zitoun a fini par annoncer que le gouvernement prendra, dans les jours à venir, des mesures assez importantes. Vers 13h30 mn, les manifestants ont commencé à se disperser dans le calme après avoir accompli la prière du vendredi sur place. Et ce n'est pas fini! Leur destination a été l'ANC.