Par Hamma HANACHI 21 septembre, Journée internationale de la paix. Journée ordinaire en somme, qui s'en est aperçu? Notre basse époque est oublieuse, les guerres se succèdent aux guerres et l'actualité ose encore parler de paix. On a l'impression que ce mot a quitté les programmes des institutions internationales et notre propre langue. Un cadavre. Fatalement le SG et quelques hauts responsables à l'ONU ou dans les chancelleries débitent à l'occasion les sempiternels discours ronflants. Nous vivons en direct la mort provoquée par les guerres, celles-ci se déplacent d'une région à l'autre, sans qu'on s'en aperçoive, comme naturellement. La Syrie est toujours en guerre, violences et drames, on ne compte plus les morts qui font, désormais, partie des chiffres ; porteur de projet, Annan a démissionné, Brahimi se risque pour mettre un terme aux violences, il rame avec peine. Tout le monde attend la sortie. Quand et comment ? 21 septembre, la date n'a pas entièrement disparu, la passion des artistes est en veille, ils ont pris rendez-vous, dans 30 villes à travers le monde dont Tunis, pour commémorer la paix. Une plateforme artistique MELD a conçu une exposition intitulée Be the Change, elle s'inscrit dans le projet Inside Out de JR. JR ? Un artiste photographe contemporain, héritier des activistes des années 70 ( Buren, Pignon-Ernest...), il est l'un des artistes urbains vivants et en vue, qui s'est distingué dans son approche de la ville par «L'art infiltrant», démarche qui consiste à poser des affiches sur les murs, dans les musées sans y être invité. Affiches dans les favelas de Rio, sur les ponts rompus d'Afrique, sur les murs des territoires palestiniens et en Israël simultanément. Après les affichages, les clichés sont exposés dans les villes des pays riches, prêtes à être interprétées, analysées par les visiteurs amateurs et autres spécialistes de l'art. Kapprow, l'un des pionniers du street art, résume «L'art s'est déplacé de l'objet spécialisé en galerie vers l'environnement urbain réel». Au lendemain de la révolution, JR a monté une brillante opération urbaine à Tunis : Artocratie en Tunisie. Des photos collées sur les murs de la ville, sur les façades d'un commissariat (La Goulette) à la Karaka, à la Porte de France etc. Elles représentent des visages de Tunisiens de toutes les régions, de toutes les couches sociales, de tous âges, habillés à l'ordinaire, souriant, grimaçant, tristes, gais, bref naturel. Un peuple saisi en période de révolution. * * * * * * * 21 septembre. De nouveaux clichés de même format 90cm par 150 cm, accrochés sur les murs de l'espace Art Sadika(Gammarth), 250 portraits d'hommes et de femmes de partout. Chaque photo est accompagnée du prénom de la personne, d'un message, un souhait, un vœu ou d'une courte contribution sur l'environnement social, naturel ou urbain. Autrement dit, une participation du citoyen aux décisions du monde, une manière d'observer la paix à la manière des artistes. C'est généreux ! Lilia Liloone El Gholli, Aziz Tnani et Selim Riveill, Tunisiens, sont parmi les photographes choisis, ils présentent des clichés exposés dans l'une des 30 villes participantes. Le but? Le partage des idées à travers la culture et une langue commune (la photo). L'expo a une durée indéterminée, affiches appelées à disparaître. Ou l'art éphémère. Toutes les photos sont simples, sans sophistication, ni décor, elles disent, à travers un visage, la vérité humaine, nue, toutes estampillées dans le style JR, en noir et blanc, suivant sa démarche et son choix depuis ses débuts. Il n'est pas le seul à privilégier le noir et blanc. «Ce que je reproche à la couleur, c'est l'avalanche d'informations» disait Raymond Depardon. Dans le même espace, dans une autre intention esthétique, plus d'une dizaine d'affiches en couleur annoncent l'opération Dream City, une fabuleuse aventure qui ouvre la saison artistique dans les médinas à découvrir à Tunis et à Sfax, des portraits d'artistes, des attitudes, des poses, des costumes, un même texte «Ana Tsawart» sur le mode de la campagne électorale «Ana Sawat». * * * * * * * Dimanche, grosse chaleur décourageante, vernissage, à B'Chira Artcenter, d'une expo autour de l'autoportrait. Là, l'intention artistique est tout autre, à première vue, elle ne s'insère pas dans le social, ni nécessairement dans le partage, c'est un concept, une posture de créateur, 13 artistes qui, depuis longtemps, ont adopté une démarche, hors de la norme, ou contre la norme. Loin des préoccupations esthétiques et des formes molles, ils s'attaquent avec audace au sujet sans magnifier leur portrait. Techniques variées, des tiges de fer, des photos, de la céramique et vidéo, du bois gravé, des créations sonores, les arts visuels dans leurs splendeurs et... des interrogations.