Ecole d'antan, école d'aujourd'hui, toute une échelle des valeurs morales et culturelles se voit bouleversée, voire complètement inversée. Et le milieu scolaire, étant, jadis, vivier du savoir et de paix, s'est érigé, en ces jours, en un fief de violence et de sectarisme dont seul l'élève subit les contrecoups. La rentrée de cette année a été, de l'avis de tous les observateurs et des experts du domaine, un retour à la case départ, sur fond de tollé général et de nouveaux mouvements de grève et de grogne. A telle enseigne que la réflexion sur une sérieuse réforme éducative allant du préscolaire jusqu'à l'université s'impose comme un choix incontournable. Avec pour profonde conviction collective que l'élève d'aujourd'hui est le citoyen de demain. Donc, une génération actuelle de compétences et de pédagogues qui vont passer le flambeau à celle à venir. Partageant l'initiative lancée par l'association «Sawtouna» (Notre voix) visant à établir, dès maintenant, une véritable stratégie prospective en matière d'enseignement, dans tous ses états et cycles de formation, cinq partis politiques ont répondu présent pour mettre la main à la pâte. C'était, hier à la Cité des Sciences à Tunis, qu'un colloque organisé par ladite association a ouvert le débat autour d'une question aussi importante : quelle école pour demain ? Comment réussir cette étape transitionnelle et parvenir, de la sorte, à relever les enjeux et les défis d'un secteur vital considéré de première importance par la famille tunisienne? Intitulée «la politique éducationnelle à l'horizon 2030», la rencontre intervient au bon moment dans la mesure où l'avenir de l'école, de nos élèves et de nos enseignants se construit dans notre présent, en se référant aux acquis de notre passé. «Notre objectif est la mise en place d'un module éducatif complémentaire à celui déjà existant dans le système actuel, module élaboré par des experts en la matière...», souligne Mme Hédia Bhiri Ben Jemaâ, présidente de «Sawtouna». Et d'ajouter que ces parties prenantes seront principalement les formateurs et les enseignants capables de diffuser les messages auprès de tous les jeunes scolarisés du préscolaire au supérieur qui seront, à leur tour, les parents de demain. L'objectif est d'instaurer, en effet, une société du savoir, où chacun s'offre une place, avec des chances de réussite égales. C'est pourquoi, un pari éducatif pareil ne saurait se réaliser que dans une politique de réforme globale, anticipative et futuriste basée sur une approche participative, impliquant décideurs politiques et société civile. Le socle de toute promotion sociale Said Aidi, représentant du parti Al Joumhouri, aborde la question de l'éducation en tant que pilier de l'investissement dans le savoir et le socle de toute promotion sociale. Elle doit être placée au centre de la politique nationale du pays. La proposition du parti en matière de réforme éducative s'inscrit, selon son représentant, dans une démarche décentralisée qui favorise l'exploitation des potentialités du développement régional équitable. Illustrant le bien-fondé de son programme dans ce domaine, le parti considère comme clés de voûte l'investissement dans les ressources humaines, l'amélioration des compétences pédagogiques et la revalorisation de la formation professionnelle. Le tout pour bâtir un système éducatif cohérent et développé, susceptible de produire et d'innover. Se basant sur un programme en 365 points, présenté par le parti d'Ennahdha au pouvoir, lors de sa dernière campagne électorale, M. Ajmi Lourimi est revenu sur les mérites de la révolution qui vient faire tomber tout un registre référentiel longuement acquis par le passé. «Ce qui nous place devant une étape d'édification nouvelle qui devrait rompre avec des systèmes éducatifs stéréotypés au profit d'une reconfiguration structurelle de l'école...», insiste-t-il. Soit une école républicaine au sens vrai du terme. Pour ce faire, la stratégie éducative telle qu'elle a été définie par Lourimi suppose l'adoption d'autant de mécanismes exécutifs réformateurs. Il s'agit, à ses dires, de la conception d'une consultation nationale en la matière, la création d'un conseil de l'éducation, l'investissement dans la formation continue et la mise en valeur de la formation professionnelle. Un nouveau modèle qui ne doit pas écarter le rôle des parents, partenaires actifs dans le processus de l'enseignement. Le représentant de Nida Tounès, Mongi Boughzala, a donné, tout juste, un aperçu général sur la question. Ses idées se résument en un projet éducatif réformateur fondé sur les valeurs de justice, d'équité et d'égalité des chances. Des idées et des orientations qui visent à tracer les contours d'une éducation moderne et démocratique. Ancien expert auprès de l'Unesco, M. Ahmed Gabsi, du Parti républicain maghrébin (PRM), s'est attardé sur un projet académique cohérent, considérant la réforme éducative en tant que projet sociétal de taille. Il a défendu l'idée de constitutionnaliser le droit à une éducation saine. Partant de la pédagogie des objectifs à celle prospective, le tout conçu suivant une approche stratégique bien déterminée. L'intervenant a recommandé de désigner, dès maintenant, des commissions d'experts pour se pencher sur l'élaboration des grandes lignes de la formation d'ici 2026. Evaluant le processus éducatif depuis l'indépendance, il a évoqué l'ère bourguibienne, la qualifiant d'étape du progrès, alors que celle de Ben Ali a sombré dans la régression et la dévalorisation. Revenant sur les points saillants de son projet, il a mis en exergue la mise en place d'une passerelle entre les circuits de l'enseignement-formation et les perspectives professionnelles. C'est-à-dire l'adaptation des programmes éducatifs aux exigences du marché de l'emploi. Il est également question d'améliorer la formation des enseignants. Le représentant de l'Union populaire républicaine (UPR), M. Lotfi Mraihi, a insisté sur l'édification d'un système éducatif basé sur les principes de l'enseignement obligatoire, de la gratuité et de l'égalité des chances. Pour la promotion d'une école républicaine, où il y aura une place pour chacun, sans exclusion ni marginalisation. Le programme du parti avance des propositions qui s'articulent autour de l'intégration du préscolaire dans l'enseignement de base, la révision de l'horaire scolaire et la dynamisation des activités d'animation et culturelles dans le milieu scolaire. Prenant la parole, M. Hedi Ben Abbes, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, s'est présenté en qualité d'universitaire. Livrant sa propre perception à l'égard d'une politique éducationnelle à l'horizon 2030, il a construit son intervention sur des idées et des démarches scientifiques et philosophiques prônant les valeurs fédératrices de la liberté du choix, la citoyenneté et l'école ouverte sur son environnement. Dans tous les cas de figure, toutes ces propositions émanant des partis politiques sur le modèle éducatif futuriste se croisent au niveau d'une réforme éducationnelle qui fait de l'école de demain un vivier du savoir et de l'innovation, ouverte sur toutes les catégories sociales, avec des chances égales.