Retour au calme après une journée particulièrement violente La journée du 6 octobre 2012 restera sûrement gravée dans l'histoire de l'île des rêves, en raison des affrontements qui ont eu lieu entre les forces de l'ordre et les citoyens de Guellala, épaulés par les habitants venus en renfort des quatre coins de l'île. De tous ceux avec lesquels nous nous sommes entretenus, séparément, émanait, sans confusion, une seule et unique raison à l'origine de ces accrochages spontanés qui ont fait, malheureusement, une cinquantaine de blessés en plus d'une vingtaine de voitures incendiées et d'autres dégâts. Cette raison n'est, paraît-il, ni politique, ni idéologique, ni quoi que ce soit. «Nous voulons, tout simplement, vivre dans un environnement sain». «C'est tout ce qu'on demande. Autrement dit, nous revendiquons la fermeture immédiate de la décharge publique de Guellala», nous dit Ahmed. Contestée depuis longtemps par les habitants de la ville et gérée par une société étrangère qui ne respecte pas les normes internationales,cette décharge ne fait que causer beaucoup de mal à la progéniture djerbienne, au fil des jours, selon leurs dires. «En effet, depuis sa création, en 2007, les riverains parmi les habitants de Guellala et Ouersighen vivent un enfer environnemental. On a reven- diqué la fermeture de cette décharge à plusieurs reprises mais en vain», souligne M. Habib Naloufi, chef d'arrondissement municipal de Guellala, avant d'ajouter : «On savait qu'un jour le problème allait se poser avec plus d'acuité, parce que la région vit vraiment un véritable calvaire et l'affaire n'a pas été prise au sérieux auparavant. Voilà tout. Mais dire ou supposer qu'il y a des gens derrière ces actes et qui manipulent des jeunes pour semer la panique et la zizanie au sein de la société civile, afin de créer des perturbations néfastes au secteur du tourisme, est une hypothèse tout à fait erronée. La mentalité de tout Djerbien est loin de là». Utilisation exagérée de la force et riposte spontanée Les sit-inneurs qui avaient dressé une tente, non loin de la décharge, n'étaient pas, semble-t-il, branchés sur les négociations qu'allait entre-tenir la délégation djerbienne dépêchée à Tunis, pour cette raison. «On le savait d'avance. Des promesses informelles, sans chiffres précis, ni dates fixes. Toujours, rien de clair. C'est tout simplement la vieille chanson qui ne sert qu'à faire gagner du temps, alors que le calvaire persistera et durera jusqu'à la fin de 2013. Alors, on a décidé de poursuivre le sit-in pacifique», affirme Adel. Et M. Habib d'enchaîner de nouveau : «Il est vrai aussi que l'adjoint du procureur de la République s'est rendu sur place, accompagné par le directeur du district de sécurité, au début de la semaine. Ils ont tenté de faire plier ces jeunes, mais cette visite a été interprétée, plutôt, comme une menace de la part de ces manifestants qui ont décidé, depuis lors, de poursuivre le sit-in, tant que leur droit de vivre dans la quiétude est légitime» soulignent-ils. «Samedi matin, au lieu d'avertir les présents de l'utilisation imminente et éventuelle de la force par des haut-parleurs, les forces de l'ordre, dont le nombre est impressionnant, sont passées soudainement à l'action, en vue de disperser les manifestants et évacuer les sit-inneurs. Désagréablement surpris et pris de court, nous avons riposté, spontanément, et ça a vite dégénéré», nous confie Moez. D'autres témoins oculaires affirment que l'utisation de la force a été exagérée. Du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc d'un côté, des jets de pierres de l'autre. Les affrontements ont pris de l'ampleur, quand des renforts sont venus de partout et les dégâts sont devenus plus importants. M.Adel, universitaire, la cinquantaine, avoue : «ça m'a rappelé, vraiment, les vieux réflexes des forces de l'ordre des temps révolus, quand j'étais étudiant et ça m'a fortement vexé. J'en déduis que nous, Djerbiens, sommes contraints de crever dans un environnement pollué ou être bien matraqués par des agents d'ordre déchaînés». La solution existe, mais... Samedi, en fin de journée, le calme est revenu dans le village de Guellala. Hier matin, et comme de coutume, les habitants de la ville se sont levés tôt, et chacun balayait devant sa boutique. Ils sont presque tous sous le choc. «Les dégâts sont énormes», déclare Haj Jilani «Nos jeunes n'ont jamais eu de problème avec les forces de l'ordre; et croyez-moi, ils sont désolés pour ce qui est arrivé. Le paysage et la fumée qui agressaient notre belle cité touristique... que voulez-vous qu'ils fassent? Ils étaient en légitime défense», ajoute-t-il. Maintenant que le mal est fait, les Djerbiens exigent toujours la fermeture de cette décharge. Ils proposent l'utilisation de la décharge contrôlée qui se trouve hors de l'île, et plus précisément à Oued Bou Hamed et ils savent que cela va coûter quelques sous de plus à l'Etat. Les autorités régionales ne veulent pas prendre une décision hâtive et préfèrent agir avec précaution, parce que cela pourrait poser d'autres problèmes, notamment avec les Zarzissiens ou les habitants de Ghrabat. A présent, camions, trax et tracteurs des communes de Djerba-la-Douce sont encore dans l'impasse.