En cette fin d'année, l'économie tunisienne entre dans une configuration totalement nouvelle. Celle-ci, il faut le reconnaître, n'est pas inextricable, mais terriblement complexe. En effet, après une année 2011 difficile avec une croissance négative, l'année 2012 affiche une légère reprise. Et il faut s'en réjouir, dans la mesure où le pire a été évité. Sans polémiquer sur les chiffres de croissance trimestriels de l'année en cours, l'essentiel est de sortir la tête de l'eau. En effet, dans un tel contexte, le chiffre de croissance compte peu. Cette fin d'année a vu divers indicateurs d'activité se redresser, laissant augurer une modeste reprise. Cette reprise reste fragile et marquée par des déficits jumeaux (déficit courant et déficit budgétaire) et des tensions inflationnistes persistantes. C'est une situation difficile, car il s'agit de consolider cette reprise, tout en tenant compte des risques qui guettent notre économie. La crainte est qu'au moment du redémarrage de l'activité économique, le moteur étant encore très froid, il risque donc de caler très facilement. Car la sortie de crise s'annonce tout aussi périlleuse que la crise elle-même. En effet, quand la crise arrive, le petit guide des autorités monétaires est relativement clair : mettre les taux à un niveau bas et injecter de la liquidité. Seulement voilà, les parties «sorties de crise» sont beaucoup moins claires. Aujourd'hui, c'est sur le terrain de l'inflation que la situation est très incertaine. Personne n'avait anticipé qu'un retour rapide de l'inflation viendrait faire un croche-pied à une activité économique déjà fragile. L'inflation joue les trouble-fêtes. En effet, l'indice des prix à la consommation ne cesse d'augmenter, affichant au mois de septembre une augmentation, en glissement annuel, de l'ordre de 5,7%. Le plus préoccupant est que même l'inflation sous-jacente, c'est-à-dire hors alimentation et énergie, se situe à un niveau historiquement élevé (5,5%). En tout état de cause, la transition s'annonce particulièrement difficile et le retour à une certaine normalité est teinté de difficultés. La théorie élémentaire nous enseigne que si un peu d'inflation peut servir la croissance, trop d'inflation risque de la casser, en augmentant l'incertitude sur l'avenir, en provoquant un mouvement de défiance vis-à-vis de la monnaie qui incite les détenteurs de capitaux à chercher des valeurs refuges plutôt qu'à investir. Dans ce contexte, la Banque centrale de Tunisie (BCT) n'a pas ménagé ses efforts pour lutter contre l'inflation en entamant au mois d'août dernier un mouvement de hausse du taux d'intérêt qui devrait logiquement se poursuivre dans les prochains mois, surtout que l'inflation est probablement la conséquence, du moins en partie, d'un choc de demande favorable, même si celui-ci provient en partie de l'étranger et ne reflète donc pas la «fringance» du consommateur tunisien. Ainsi, et dans un contexte de reprise marqué par des tensions inflationnistes, la rigueur monétaire devient nécessaire et la politique économique doit s'appuyer sur la politique budgétaire qui doit être incitée à plus d'activisme pour soutenir la reprise. D'ailleurs, la nouvelle loi de finances pour 2013 doit être orientée dans ce sens. C'est le but même d'une politique économique que d'être contra-cyclique, c'est-à-dire tenter de limiter, puis inverser la tendance en cours.