Journée historique, hier, au palais du Bardo, à la faveur du démarrage de l'examen, par l'Assemblée nationale constituante, de la loi portant création de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie). Tous les constituants qui ont pris la parole, lors de la discussion générale du projet de loi, ont tenu à souligner leur conscience de la solennité du moment : «Aujourd'hui, nous édifions l'un des piliers de la transition démocratique, l'Isie, qui nous permettra de migrer, à jamais, vers la démocratie et le pluralisme. Une Isie que nous voulons indépendante, neutre et obéissant aux normes internationales en matière de transparence et de clarté, loin des tiraillements politiques, des quotas partisans ou sectoriels», précise Sahbi Attig, président du groupe parlementaire d'Ennahdha. Le même constituant poursuit : «Au sein du mouvement Ennahdha, nous sommes convaincus qu'il n'est dans l'intérêt d'aucun parti politique que la prochaine Instance électorale soit partiale ou au service d'une quelconque partie. Pour nous, une instance réellement indépendante, constitue un acquis national pour tous les Tunisiens. Une instance qui n'interfère ni dans la volonté des électeurs ni dans les résultats de l'opération électorale. De plus, nous appelons à ce que toutes les administrations publiques soient obligées, par la loi à coopérer avec l'Isie». Une loi consensuelle et nationale Une impression générale a dominé les interventions des constituants, toutes appartenances confondues : la loi portant création de l'Isie doit être une loi consensuelle, nationale, répondant aux normes internationales et suscitant «la confiance des électeurs, condition incontournable afin que soient réunis les facteurs de réussite des prochaines élections». Azad Badi, constituant du mouvement Wafa, appelle à ce que «l'adoption du projet de loi obéisse à la règle des deux tiers des constituants et non à la majorité absolue, comme le propose le projet. Le président de l'Isie doit être élu par les constituants et non désigné par les trois présidents ou choisi par les membres du conseil de l'Instance». Le constituant Lazhar Chemli partage la même idée exprimant son refus que «le président de l'Isie soit coopté par les trois présidents» et faisant valoir que la commission parlementaire chargée de statuer sur les candidatures «n'a pas à choisir les membres de l'Instance. Ce sont les constituants qui doivent assumer la responsabilité d'élire au cours d'une séance plénière ces mêmes membres, y compris le président». Pour Badreddine Abdelkéfi, constituant d'Ennahdha, «il est impératif de prendre en considération les observations et les critiques exprimées par les associations et les organisations de la société civile. Il est important aussi que les travaux de l'Isie soient ouverts à l'opinion publique qui doit être au fait, et à temps, de tout ce que l'Instance aura à entreprendre». L'impératif pour le gouvernement de coopérer avec l'Isie «Aujourd'hui, mardi 6 novembre, est une journée à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire de la Tunisie. Avec la création de l'Isie, le ministère de l'Intérieur est à jamais écarté de l'organisation des élections», souligne Khemaïs Ksila, constituant de Nida Tounès. Il appelle, par ailleurs, à introduire certaines modifications sur le projet de loi soumis à la discussion générale, à l'instar du «maintien d'une bonne partie des membres de l'ancienne instance, de l'obligation des administrations publiques à coopérer avec l'Isie, et de faire en sorte que le gouvernement soit astreint à répondre à toutes les demandes ou sollicitations de l'Isie». De son côté, Mohamed Gahbiche considère que «les candidatures au conseil de l'Isie doivent être directes et personnelles et non sous la supervision des comités sectoriels ou corporatistes. L'élection du président de l'Instance électorale devrait être effectuée, également, par la Constituante. L'objectif est bien d'éviter les conflits ou les divisions parmi les membres de l'Isie». La présence de l'élément féminin et des jeunes (le projet dispose que l'âge minimum de tout candidat ne doit pas être inférieur à 40 ans) a constitué l'essentiel de l'intervention du constituant Haythem Belgacem (CPR). Il estime qu'avec la mise en place de l'Isie et la création, dans les plus brefs délais, de l'Instance indépendante des médias et de l'Instance indépendante de la magistrature, «nous balisons la voie à la réussite de la transition démocratique et à l'instauration de la démocratie participative». Hichem Hosni, constituant indépendant, soulève un problème juridique en s'interrogeant : «Comment pouvons-nous mettre en place, aujourd'hui, une institution constitutionnelle alors que la Constitution n'est pas encore adoptée. Je propose que l'Isie soit déclarée provisoire dans l'attente de l'adoption définitive de la Constitution. Une fois cette dernière adoptée, l'Isie sera déclarée permanente». Un autre point de discorde a été évoqué par le constituant Anouar Marzouki. «Je crains fort qu'il y ait une interconnexion entre la fonction de président de l'Isie et celle de directeur exécutif. Le projet de loi ne prévoit pas comment seront les éventuels conflits entre ces deux responsables. D'autre part, je déplore le manque de transparence concernant les conditions de constitution des Irie». Rym Mahjoub s'est attardée sur les critères définis pour l'acceptation des candidatures au Conseil de l'Isie, se demandant : «Pour quelles raisons le projet de loi a-t-il retenu certaines spécialités tout en écartant d'autres qui étaient représentées au sein de l'ancienne instance». «La loi portant création de l'Isie est à considérer comme une loi organique, non comme une loi ordinaire. De ce fait, son adoption doit obéir à la majorité des deux tiers des constituants», précise le constituant Abderrazek Khalloufi. Il est à préciser que l'ANC procédera, aujourd'hui, à la discussion du projet de loi, article par article. Le secrétaire d'Etat Saïd Mechichi présente sa démission de l'ANC Lors de la séance plénière de l'Assemblée nationale constituante d'hier, Saïd Mechichi, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur et, en même temps, député du parti Ettakatol, a présenté sa démission de l'ANC. Néfissa Marzouki (deuxième sur la liste d'Ettakatol dans la circonscription de Jendouba) prend sa place.