Sous la présidence de son directeur, M. Kamel Gaha, la Bibliothèque nationale a abrité, avant-hier, 10 décembre, une table ronde à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale des droits de l'Homme à laquelle ont pris part MM. Jorge Sampaio, ancien président de la République portugaise et haut représentant des Nations unies pour l'alliance des civilisations, et Ibrahim Salama, directeur de la Division pour les traités des droits de l'Homme. Dans son intervention, M. Jorge Sampaio a tenu à rendre hommage à Mohamed Bouâzizi dont le geste désespéré a fait le lit de la révolution tunisienne, considérée comme un pas géant vers la démocratie. Selon le conférencier, le ‘‘transfert'' de la révolution tunisienne vers l'Egypte, la Libye et la Syrie, même si cette dernière peine encore à s'en sortir, ne devrait pas être taxé de Printemps arabe, comme se sont plu beaucoup à l'appeler ainsi, mais plutôt de Réveil des peuples arabes qui, longtemps, se sont vu bafouer les droits les plus élémentaires, sans réaction notable de leur part. Aussi, l'immolation par le feu de Bouâzizi était-elle l'expression extrême d'une protestation contre un régime très loin parti dans l'oppression de son peuple et dans le totalitarisme. Et au conférencier de faire un parallèle entre la révolution tunisienne et la révolution portugaise d'avril 1974 qui a permis, en 1975, aux anciennes colonies portugaises d'accéder à l'indépendance, rappelant dans la foulée la vague d'émigrations et d'exodes en masse des Portugais durant toute la décennie 1960-1970. En somme, estime l'orateur, les chemins de la révolution se ressemblent tous. Les droits de l'Homme : un instrument ? Néanmoins, M. Sampaio appelle à la préservation des entités culturelles dans ce mouvement d'universalité des droits de l'Homme, les révoltes arabes devant ouvrir des horizons vers plus de dialogue entre les deux rives de la Méditerranée pour un développement égalitaire qui tienne toutefois compte des spécificités et des diversités des peuples: «Il faudrait faire en sorte que ce qui nous lie les uns aux autres soit d'ordre humain, c'est-à-dire qui tienne compte des droits de tous à l'existence, à la dignité et au progrès économique», conclut-il. Pour sa part, M. Ibrahim Salama a invité l'assistance à apprécier le fait que la notion de droits de l'Homme, évidente et telle qu'exprimée dans le texte coranique, milite mieux et beaucoup plus pour les droits humains de l'individu que celle pratiquée, voire imposée, par nombre de partis politiques dits islamiques qui ne font que tailler, à leur mesure et au gré de leurs convenances, ce principe des droits de l'Homme. Bref, l'institutionnalisation des droits de l'Homme par de nombreux partis politiques dans le monde vise nettement moins les droits du citoyen que les intérêts de leurs propagandistes qui œuvrent à accéder, puis à se maintenir, au pouvoir. Aussi, le débat général a-t-il surtout focalisé sur le fossé qui sépare encore le texte de la Déclaration des droits de l'Homme de 1948 de la très peu reluisante réalité que vivent, de nos jours, les peuples arabes en particulier.