Par Abdelhamid Gmati On avait cru que la Révolution, en chassant la dictature, allait permettre au peuple tunisien de se débarrasser de tous les maux qui avaient gangrené la vie politique, économique, sociale, culturelle, sportive du pays. En particulier la corruption et ses corollaires, comme le népotisme, l'abus de pouvoir, le détournement de fonds publics, les passe-droits, les pots-de-vin, les abus de biens sociaux, la malhonnêteté, l'injustice, etc. Hélas ! trois fois hélas, il n'en est rien. La Cour des comptes vient de remettre son rapport annuel pour l'année 2011. On y relève, entre autres que : « certains gestionnaires publics n'ont pas respecté les exigences de la bonne gouvernance, en suivant des instructions orales et écrites, voire en les devançant dans certains cas, ce qui les a amenés à dépenser les deniers publics avec prodigalité en faveur de certaines parties et de leur octroyer des avantages excessifs et non mérités, ce qui a entraîné un manque à gagner pour l'Etat... Ces pratiques varient entre la négligence et le favoritisme pour atteindre parfois la corruption, ce qui a nécessité la remise des dossiers de la mauvaise gestion à la Cour de la discipline financière, et ceux comportant des preuves de fautes pénales à la justice ». On ne peut plus clair. De plus, dans son rapport « Indice de perception de la corruption 2012 », l'agence Transparency International estime que la Tunisie a perdu deux places passant au 75e rang avec un indice de 41 sur une échelle de 100 (moins que la moyenne). Il faut savoir que la corruption coûte 2 points de croissance à l'économie tunisienne, ce qui engendre une perte de 20 000 emplois annuellement. Il ne faut pas croire que nos gouvernants sont insensibles à cette situation. A l'occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption, les trois présidents ont affirmé que la Tunisie peut lutter contre la corruption. Une stratégie nationale de lutte contre la corruption a été développée par le gouvernement et sa réalisation a démarré depuis le mois de mars 2012. Plusieurs manifestations, conférences, colloques ont été organisés à ce sujet par divers organismes nationaux et internationaux. Soit. Mais il ne faut pas croire que le problème sera résolu dans un avenir proche. « La corruption en Tunisie connaît désormais une sorte de démocratie, a déclaré récemment le ministre de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, ajoutant que « la culture de la transparence n'est pas encore de mise». Il est vrai que ce fléau existe depuis la nuit des temps et qu'il s'est propagé à travers les siècles dans tous les pays du monde, qu'ils soient sous la dictature ou en démocratie. Au point qu'on serait tenté d'affirmer que la corruption est inhérente à l'être humain. On en parle beaucoup après la révolution parce que la dictature avait institutionnalisé cette pratique causant des ravages dans toutes les administrations, les institutions, privées et publiques, tous les secteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, sportifs...Il n'y avait pas seulement les personnes au sommet de l'Etat qui étaient impliquées, cela concernait aussi les centres de décision. Mais elle est le fait aussi des citoyens lambda. Chacun essaie de bénéficier de services indus en ayant recours à plusieurs moyens dont le plus connu est de rechercher un « coup d'épaule », par le biais d'un parent, un ami, un voisin, une connaissance, un supporter de la même équipe ou un membre d'une même association ou parti politique.. Cela existe aussi ailleurs où, à notre « as-tu des épaules ? » correspond « as-tu des connexions ? ». On peut alors se demander : « Qui est corrompu et qui ne l'est pas ? » Est-ce à dire qu'il faut baisser les bras ? Pas du tout. Il faut agir par l'éducation et la sensibilisation aux vertus de l'honnêteté, de la transparence, du travail bien fait, du respect des règles. En somme, il faudrait adopter l'adage d'origine militaire : « Service, service, camarade après ». Un travail de longue haleine. Et pour commencer, nos gouvernants qui se disent déterminés à lutter contre ce fléau, devraient être attentifs à certains faits et comportements appartenant à leur sphère. Que penser d'un ministre de l'Enseignement supérieur qui, maître de conférences, se nomme lui-même professeur de l'enseignement supérieur avec effet rétroactif depuis le 1er septembre 1987 ? C'est là un abus de pouvoir assimilable à de la corruption. Et dire que le décret a été accepté et signé par le chef du gouvernement. Que dire de ces partis qui ont multiplié les cadeaux, à la veille des dernières élections, pour glaner quelques voix supplémentaires. Comment définir ces députés provisoires et tous ces responsables également provisoires qui s'octroient des salaires et des avantages faramineux ? Comment croire en ces chefs de partis, supposés démocrates et défenseurs des droits de l'Homme, qui oublient leurs principes pour conclure des alliances contre nature et obtenir des postes de haute responsabilité sans même en avoir les prérogatives ? Et ces nombreux autres responsables qui octroient des postes bien en vue à leurs proches et à leurs partisans au détriment d'autres candidats plus indiqués et plus compétents ? Pour lutter contre la corruption, il faut être crédible et donner l'exemple. En commençant par balayer devant sa porte. Le reste suivra plus facilement.