Il voulait, selon lui, enraciner la vertu. Il a en fait commis un double crime. Photo à l'appui. La photo est sans équivoque. Vous pouvez la revoir à la une de notre journal, dans sa livraison du vendredi 1er février. Que dit-elle ? Eh bien que celui qui soi-disant est venu nous remettre sur le droit chemin, est selon sa propre logique un scandaleux pécheur. Al Awadhi, le fameux prédicateur koweïtien qui la semaine dernière en visite en Tunisie a défrayé la chronique en prônant le port du voile pour les fillettes (certaines avaient trois ans et même moins) est photographié tenant dans les bras l'une de ses «victimes». Quoi de plus naturel que de montrer sa sympathie et exprimer sa tendresse pour une si jolie poupée qui brille par son innocence, un ange dans notre foi islamique ? Le problème réside en fait dans la logique même de la campagne illogique que mène cet énergumène barbu. En effet, au lieu de lutter en faveur de l'honnêteté, contre la pauvreté, l'injustice et la violence, au lieu de lutter contre les tentatives sionistes visant à démolir la Mosquée Sainte d'Al Aqsa et contre celles visant à judaïser Al Qods et la Palestine d'une façon générale, au lieu de dénoncer la cupidité de certains émirs, dans les pays du Golfe et la vie de débauche de bon nombre d'entre-eux, notre prédicateur de quat sous n'a pas trouvé mieux que de prôner le port du voile par ces gentilles et minuscules créatures (un autre Egyptien prônait celui-ci l'excision). En se basant sur sa logique illogique, les fillettes doivent être voilées parce qu'elles pourraient susciter un désir bestial chez les hommes. Là, notre illuminé pèche par deux fois au moins. Primo, par ce que le hadith du Prophète, mal authentifié et ne pouvant à lui seul générer une règle juridique religieuse (le licite et l'illicile), parle de voile pour la fille uniquement après la puberté. Secundo, parce que selon sa logique, cette fillette voilée devient ainsi au même rang que celle qui est pubère et donc il n'a absolument aucun droit de la toucher quelles que soient les conditions et quels que soient les motifs (sauf s'il est médecin et il sera tenu alors de respecter certaines règles rigoureuses de respect de la patiente). Que dire alors de la tenir dans ses bras ? C'est ce qu'on devrait appeler «atteinte au sacré». A moins que notre barbu ait des penchants... pédophiles. Là son crime est double et sa santé mentale gravement atteinte. C'est cela aussi que l'on devrait appeler : «Atteinte au sacré» (aux droits de l'enfant et à son intégrité). Avec les bénédictions durables d'un président provisoire Voilà ce que notre peuple vient de subir, lui qui parfois est victime de sa bonté, de sa générosité et de son hospitalité légendaire. Sommes-nous condamnés éternellement à ouvrir nos portes aux charlatans de tous bords, comme aussi ces pseudo-chanteurs libanais et égyptiens qui viennent nous livrer leur camelote contre les fierès royalties, nous gaver d'éloges hypocrites et nous rire au nez. Surtout si nos autorités culturelles et certains médias les reçoivent avec les honneurs dus à un bienfaiteur de l'humanité ou à un héros qui venait de sauver l'honneur du pays. Idem pour ce Awadhi qui est venu diffuser toutes ses toxines wahhabites et ses sombres élucubrations radicales et rétrogrades, qui a reçu tous les honneurs officiels puisque le ministre directeur du cabinet présidentiel provisoire est venu en personne l'accueillir à l'aéroport de Tunis-Carthage et veiller à ce qu'on lui ouvre le salon d'honneur. Mais cela n'est pas étranger au sieur Marzouki qui, par le hasard des circonstances, s'est retrouvé locataire, heureusement provisoire, du Palais de Carthage. N'avait-il pas exprimé son entier soutien au port du niqab dans les lieux publics et surtout dans les amphis et les classes ? Alors que le conseil de la faculté des lettres de la Manouba venait de l'interdire pour des raisons pédagogiques essentiellement et alors que le procès du doyen dudit établissement était en cours ? Rappelez-vous c'était au cours d'une interview accordée à la télé et à la radio nationales il y a de cela un peu plus de quatre mois (quant à la presse écrite, elle ne mérite pas d'être sollicitée et c'est là un autre problème). Comment un président, fût-il provisoire, se permettrait-il ces positions contre toute logique et contre l'essence même de l'Etat civil et les règles du civisme? Comment oserait-il cautionner une idéologie qui par cet accoutrement nie notre identité et même l'existence de l'autre ? Une idéologie qui se manifeste à travers le port d'un masque sur le visage comme le ferait un malfaiteur. Une idéologie qui nous est étrangère, qui est réfutée par la majorité des savants musulmans et qui va à l'encontre de la vie publique. Se déplacer dans la rue implique obligatoirement d'avoir le visage découvert. Etat qui permet à chacun d'être reconnu et aux éventuels déviants d'être identifiés. Il y va de la sécurité publique et des règles les plus élémentaires du vivre-ensemble. Merci donc M. le président provisoire d'avoir accueilli ce charlatan vicieux et ignare et d'avoir ainsi cautionné son idéologie rétrograde au nom du respect des droits de l'Homme (sic!). Merci de n'avoir pas su protéger les frontières culturelles, intellectuelles et religieuses de notre pays et de l'avoir ainsi livré aux prédateurs.