Il semble que les dés sont jetés à la suite de la démission de Hamadi Jebali. L'on apprend, en effet, que le mouvement Ennahdha devrait révéler, aujourd'hui, le nom de son candidat en vue de la constitution du prochain gouvernement. Des indiscrétions journalistiques précisent également que Hamadi Jebali sera reconduit par Ennahdha et appelé à proposer une nouvelle équipe gouvernementale. Comment les acteurs du paysage politique national évaluent-ils les chances de réussite du «revenant» Jebali ? Aura-t-il les coudées franches pour imposer les conditions qu'il a martelées dans sa lettre de démission ? La Presse a sondé certains représentants des partis politiques présents sur la scène et leur a demandé de s'exprimer sur l'évolution qu'a connue la crise et qui n'a que trop duré. L'appui de l'ANC, incontournable «Les chances de réussite de Hamadi Jebali dépendent de l'appui des 109 constituants, au moins, qui sont actuellement sous les ordres d'Ennahdha», pronostique Lazhar Akremi, membre du bureau exécutif de Nida Tounès. «Les opposants parmi les constituants à l'aile dure au sein d'Ennahdha oseront-ils dire non aux ordres et se ranger derrière Jebali ? Je pense qu'il s'agit d'une aventure que beaucoup ne tenteront pas. Toutefois, l'ANC demeure le seul espace où tout se décidera». En outre, «le chef du gouvernement revenant sera obligé de répondre positivement aux exigences d'Ennahdha et du CPR. Faut-il rappeler que la Troïka est toujours là en dépit des divisions qui déchirent le CPR. Malgré les apparences, l'exercice du pouvoir ne fait qu'unir les composantes de la Troïka». «Au sein de Nida Tounès, poursuit-il, nous attendons la nouvelle alternative et s'il y a une nouvelle initiative, nous l'examinerons pour arrêter notre position». Jebali s'en sort affaibli «Ma conviction est que Hamadi Jebali sera affaibli politiquement au sein de son propre parti et auprès de ses alliés de l'ex-Troïka du fait qu'il a échoué à faire accepter son plan de sortie de crise. Paradoxalement, il s'en sort agrandi aux yeux de l'opinion publique et d'une bonne partie de l'opposition qui le voient agir, enfin, en tant qu'homme d'Etat. Je pense qu'il était possible de concrétiser l'initiative de Jebali si les composantes de la Troïka avaient observé un meilleur degré de maturité et de responsabilité politiques. Le chef de l'Etat doit prendre ses responsabilités et nommer le candidat du parti majoritaire à l'ANC sur la base d'une feuille de route très précise. La Constituante doit aussi, pour sa part, assumer sa responsabilité et faire en sorte que le prochain gouvernement soit mis en place le plus tôt possible afin d'éviter à la nation la situation chaotique de non-Etat», souligne Abdelwaheb Hani, président du parti Al Majd. Formule ouverte sur l'inconnu Pour Abdeljelil Bédoui, vice-président d'Al Massar, il est «impératif que le prochain gouvernement soit homogène et que ses ministres soient traités sur un pied d'égalité de manière à ce qu'il n'y ait pas de distinction entre les technocrates et ceux qui seront chargés des ministères de souveraineté. Toutefois, le choix d'un gouvernement mixte reste une formule ouverte sur l'inconnu. De plus, ce gouvernement sera un gouvernement à deux vitesses dans la mesure où se posera la question des ministres légitimes issus des élections et des technocrates qui ne bénéficient pas de cette légitimité». Le vice-président d'Al Massar exprime sa conviction que «la logique du butin est toujours là. Ennahdha a perdu sa confiance en elle-même et laisse apparaître que ses certitudes de remporter les prochaines élections ne sont plus aussi évidentes. C'est la raison pour laquelle elle estime que sa présence au sein des rouages de l'Etat est incontournable». Jebali réussira-t-il dans son œuvre ? «Je pense que son succès dépendra du soutien des partis politiques à l'équipe gouvernementale qu'il va former, aussi de la solidarité que lui témoignera l'ensemble de la classe politique. Il a besoin aussi de l'appui franc de l'Assemblée nationale constituante. Toutefois, je voudrais faire remarquer qu'il y a un décalage inacceptable entre la société politique et la société civile qui est en rapport constant avec les problèmes réels du pays alors que les politiciens ont d'autres priorités». L'essentiel est d'aller vers l'autre Lazhar Baly, président du parti El Amen, qui a pris part au dernier round des négociations, lundi 18 février, révèle qu'il a été «convenu que Hamadi Jebali aille informer le chef de l'Etat de l'échec définitif de son initiative et examiner avec lui une nouvelle formule pour la constitution du futur gouvernement. Quant à la dernière position exprimée par Ennahdha, elle consiste à maintenir sa confiance en la personne de Hamadi Jebali en tant que secrétaire général du parti et son candidat à la constitution du nouveau gouvernement au cas où la démission de l'équipe gouvernementale actuelle s'avérerait incontournable. Ennahdha est pour un gouvernement politique renforcé par des compétences indépendantes. Elle est également disposée à accepter l'éventualité que les ministères de souveraineté soient confiés à des personnalités neutres». Le président d'El Amen précise que son parti soutient «une solution de conciliation des exigences de Jebali et des demandes d'Ennahdha. Pour nous, l'essentiel est d'apaiser les tensions et d'instaurer une nouvelle mentalité en allant vers l'autre pour l'écouter et prendre en considération ses opinions. Nous considérons que la légitimité électorale n'autorise pas le rejet de l'opinion contraire ou le recours aux décisions individuelles, à l'instar des désignations dans l'administration qui doivent être révisées à tout prix».