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Un univers pas aussi clos que cela
Théâtre : Première de A vendre... blèch de Oubaïd Jemaï
Publié dans La Presse de Tunisie le 22 - 02 - 2013

C'est à travers ces malaimées et ces êtres —en apparence— méprisés, que l'auteur a voulu dénoncer ce phénomène social, en insistant sur la dominance de la prostitution, pratiquement partout, sous toutes les formes et dans tous les milieux.
Les «petites» classes sociales, particulièrement les prostituées, ont de tout temps inspiré les écrivains et les peintres qui y trouvent une source de création, d'exploration et de réflexion. Ce monde s'inscrit, en effet, dans la transgression des interdits, tout en étant un lieu de fantasme. Et puis les artistes s'identifient davantage aux marginaux qui ébranlent l'ordre social, plutôt qu'à ceux qui se cantonnent aux normes établies.
Aussi, le théâtre a-t-il puisé dans l'univers de ces gens-là, comme le fit Jean Paul Sartre dans sa pièce La p... respectueuse qui a fait couler beaucoup d'encre et a dérouté les esprits de l'époque. Mais Sartre s'est inspiré aussi d'un fait divers et a défendu autrement les droits de ces femmes dans la mesure où il a mis l'accent sur leur courage, leur droiture éthique et, donc, leur profonde humanité.
En Tunisie, comme dans beaucoup de pays, la question de la prostitution a été abordée d'une façon assez éthérée, puisqu'elle demeure encore un sujet tabou qui touche à la morale collective. Ainsi, oser parler de ces femmes a été un choix courageux du jeune metteur en scène Oubaïd Jemaï, dont la nouvelle pièce, A vendre... blèch (à vendre... gratis), qui a été donnée dernièrement en première au 4e Art, leur est consacrée. Aussi est-ce à travers ces malaimées et ces êtres —en apparence— méprisés, que l'auteur a voulu dénoncer ce phénomène social, en insistant sur la dominance de la prostitution, pratiquement partout, sous toutes les formes et dans tous les milieux.
Exploitation et volte-face
Les personnages sont au nombre de quatre, mais trois seulement s'inscrivent dans une trilogie qui accentue le schéma de la pyramide du lien horizontal et vertical qui unit les protagonistes. Zaïneb, qui fut violée quand elle était encore une petite fille, tombe enceinte, fuit le foyer familial de peur du scandale, pour tomber dans les bras d'une femme, Fatma, qui décide de la secourir et de l'entretenir. Mais à quel prix? Cacher un corps qui enfante et accouche pour le dévoiler après et le vendre aux hommes en quête de plaisir «pêcheur». Il s'agit bien, ici, d'une proxénète qui a profité de la situation précaire de la toute jeune femme. Zaïneb qui se résigne à son sort, puisque dépourvue de tout soutien financier et moral, sombre dans la détresse totale, sa sécurité et celle de son fils Montassar étant entre les mains de cette entremetteuse. Cette dernière, rejetée par la société, fuyant la misère et voulant survivre, fait de cette faible femme un corps sans cœur, un objet sans âme et un havre d'amertume. Cependant, «plus le corps est faible, plus la pensée agit fortement», disait William Shakespeare dans son Hamlet. Zaïneb dont la parole est hachée, à l'image de son corps pressé par ses amants de passage, réagit comme une femme forte. Si bien que ses émotions, ses sensations maternelles et son affection pour son fils surgissent en volte-face. «Je veux te raconter ce qui m'est arrivé... je veux guérir tes maux, je veux te voir à l'école... je veux que tu me rendes heureuse... je veux...», crie la mère infortunée.
A travers cette pyramide, le metteur en scène montre que tout pouvoir asservit l'être et l'engloutit jusqu'aux os. Ainsi, le proxénétisme, comme l'Etat, comme tout système puissant qui déclare et affiche sa puissance aux faibles, rend l'être humain esclave de l'objet, de la matière et de l'argent. Le capitalisme en est l'exemple. Acheter et vendre, donner pour recevoir ; telle est la devise du marché, du commerce et du trafic. Quand le corps ne peut plus donner, quand un ouvrier n'est plus capable de servir, quand ses bras instrumentalisés ne peuvent plus participer à la production, son corps devient alors une matière «jetable» : il ne sert plus à rien.
L'exclusion et le rêve
Montassar, fruit de l'injustice sociale, subit l'exclusion sociale, il est loin d'être un délinquant et un criminel. C'est un garçon qui ne demande de la vie qu'une seule chose : rêver les yeux ouverts. Rêver de sa bien-aimée, de sa warda, sa fleur rouge. Errant dans les bas faubourgs de la ville, il rêve de cultiver une fleur pour créer un jardin. Un jardin qui deviendra un parc, par la bonté et à la générosité des gens; un immense parc nommé patrie, où les couleurs rouge et blanc domineront grâce à l'amour, la pureté et la paix. Montassar achève son songe idyllique par un petit dessin qu'il esquisse par les bouts des doigts : une étoile et une lune. Il cherche à travers ce dessin symbolique la patrie et la mère, les deux matrices de la vie.
De plus, cette fable insère un personnage fort original qui est le casque que mettent les personnages sur leurs oreilles. Ce casque n'est plus un instrument puisqu'il devient le catalyseur de la narration. En effet, le geste que font les comédiens pour le mettre et l'ôter leur permet de relater les histoires de ces femmes et du garçon. Cette distanciation brechtienne nous rappelle le costume, l'habillement et l'habillage du comédien et du personnage auquel il se frotte; ça nous rappelle aussi le gestus de la prostituée qui use de cette méthode.
Finalement, le metteur en scène lance un appel d'une grande envergure. En fait, cet appel annexe la philanthropie qui consiste à comprendre les mécanismes de la société, son fonctionnement et les strates mystérieuses et secrètes qui la composent. Il faut de tout pour faire un monde, dira-t-on. Essayer, certes, de comprendre un mécanisme et de l'exposer à travers le théâtre, permet d'analyser et de justifier les comportements humains et les relations sociales, pour tenter, par la suite d'y remédier. Les causes qui sont connues : indigence, problèmes familiaux, rejet social, glosent que la morale est inhérente au système socio-familial qui fonde la personne sociale, citoyenne, civilisée et « normalement » constituée. Néanmoins, une prostituée n'est-elle pas aussi un être humain avant tout? Le metteur en scène a donc ouvert les maisons closes, fermées, ces huis clos qui crient un mal-être et une frustration inéluctable. On dit aussi que ces maisons sont des maisons de tolérance... la tolérance s'offre entre les prostituées peut-être mais dans la société, elles forment une race à part, un troisième sexe entre service et servitude. Châtiées et constamment congédiées, elles sont souvent soumises à un système cynique et sadique. Ségrégation et misogynie deviennent alors incommensurables surtout dans les sociétés dont le système est patriarcal. Et là, on ouvre encore une fois le rideau sur une autre prostituée, une misérable à travers laquelle Victor Hugo a expliqué le processus : «Qu'est-ce-que c'est que cette histoire de Fantine? C'est la société achetant une esclave.
A qui la faute? A la misère, à la faim, au froid, à l'isolement, à l'abandon, au dénouement. Marché douloureux. Une âme pour un morceau de pain. La misère offre, la société accepte... la prostitution... pèse sur la femme, c'est-à-dire sur la grâce, sur la faiblesse, sur la beauté, sur la maternité».
Le metteur en scène qui a choisi de financer son projet seul, contre vents et marées, confie que ce travail a été assumé par les comédiens et par lui-même, c'est-à-dire qu'il n'a demandé ni subvention ni aide financière. Mais il faudrait bien que ce projet soit soutenu... Molière ne disait-il pas que «l'écriture ressemble à la prostitution. D'abord on écrit pour l'amour de la chose, puis pour quelques amis, et à la fin, pour de l'argent?».
(*) Texte et mise en scène : Oubaied Jemai.
Interprétation : Nedra Sassi, Yousr Aichaouia, Ghaïth Naffati, Haythem Hadhir.
Production : Adonis


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