Tout compte fait, une amélioration de 5% du rendement du système des achats publics permet de générer des économies de l'ordre de 350 millions de dinars Il est primordial de mettre les compétences des acheteurs du secteur public au niveau de celles de leurs interlocuteurs, les commerciaux du secteur privé Une enveloppe de 7 à 8 milliards de dinars est allouée annuellement aux achats publics. A défaut d'un système d'information, les chiffres restent approximatifs. Et c'est là une première anomalie qui n'est pas des moindres du système de gestion des achats publics. Tout compte fait, une amélioration de 5% du rendement de ce dispositif permet de générer des économies de l'ordre de 350 millions de dinars. Par ailleurs, d'après un sondage réalisé pour évaluer le système des achats publics, seuls 11% des contrôleurs et des cadres de gestion de la fonction publique estiment que les procédures et les mécanismes mis en place assurent l'efficacité des opérations d'achat. L'importance de ces fonds et les risques de la corruption inhérents à ces grands marchés publics ont motivé l'Association des cadres de contrôle, d'inspection et d'audit dans les structures publiques (Accia) et l'association Ingénieurs sans Frontières à organiser, hier, à Tunis, une journée d'étude sur le thème «Quelle gouvernance pour plus de transparence et d'efficience dans le système des achats publics». Dans son allocution, M. Adel Ghozzi, président de l'Accia, a mis l'accent sur la complexité de la fonction achat ainsi que les dysfonctionnements organisationnels que confrontent les acheteurs. De prime abord, le cadre réglementaire souffre de l'éparpillement des textes de loi. «Les acheteurs fournissent des efforts supplémentaires pour réunir les lois régissant l'achat en question, sans pour autant pouvoir recueillir toutes les lois», déplore-t-il. Ainsi, l'élaboration d'un code des achats publics permet, selon M. Ghozzi, regroupant tous les textes est de nature à faciliter la tâche des acheteurs. Mieux encore, des fiches techniques pour les achats communs entre les services publics permet de faire gagner du temps et de l'argent. «Les institutions du ministère de la Santé publique achètent les mêmes articles», illustre-t-il. Dans le même ordre d'idées, ces textes de loi sont souvent édités en arabe et en français, «ce qui limite l'accès à d'autres sources d'approvisionnement, asiatiques ou américaines, plus opportunes», note-t-il. Et de renchérir : «L'approche de ces fournisseurs passe généralement par des intermédiaires francophones, en payant des commissions considérables». Sur un autre plan, les textes de loi ne stipulent pas, parmi les principes de base, la notion de l'efficacité des achats. De même, l'une des pratiques courantes, pour gagner en synergie, est le groupement, au niveau central, des achats qui répondent aux mêmes besoins dans différentes institutions publiques rattachées à une tutelle. «La majorité des administrations n'est pas satisfaite par ces achats groupés, à l'instar de l'acquisition du matériel informatique», souligne-t-il. Face à ces défaillances, le contrôleur des dépenses publiques recommande d'instaurer les principes de l'efficacité des achats publics, à savoir le meilleur prix, la qualité requise, les délais les plus courts et les quantités suffisantes. De même, il est fortement conseillé de dévier à l'orthodoxie des procédures pour saisir les opportunités qui se présentent. «La lenteur des procédures a empêché la Pharmacie centrale de réaliser une opération juteuse», illustre-t-il. Face à toute cette inertie administrative et ces lourdeurs procédurales, un sondage réalisé en septembre dernier a montré, paradoxalement, que 85% des institutions publiques ne disposent pas de manuel des procédures. Sur le plan organisationnel, il remarque que dans les institutions publiques, la fonction des achats est toujours rattachée à une autre direction, souvent la direction administrative et financière. «Ce qui limite la coordination avec les fonctions complémentaires, notamment de la gestion des stocks», conclut-il. Par ailleurs, les acheteurs dans les institutions publiques ont évoqué le besoin de formation grandissant en la matière. D'après le même sondage, 61% des professionnels interviewés affirment avoir besoin d'une formation spécifique. Se positionnant comme une force de proposition, le professionnel suggère la mise en place d'une institution nationale chargée des achats publics, la création d'une inspection générale et une structure de gestion des contentieux. La gestion budgétaire par objectifs, un levier d'efficience Pour sa part, M. Abderrahmen Khochtali, directeur général de l'Unité de gestion du budget par objectifs au sein du ministère des Finances (Ugbo), a relevé que cette approche est tributaire de la tenue d'une comptabilité conforme aux normes internationales. Le responsable met l'accent sur «le passage d'une comptabilité basée sur l'enregistrement des recettes et des dépenses à une comptabilité patrimoniale en partie double». Sur un autre plan, l'approche vise l'optimisation de la gestion des fonds de l'Etat. «Avec la GBO, les moyens sont les mêmes, mais on cherche l'efficience en orientant les ressources publiques vers les priorités nationales identifiées dans le cadre d'une approche participative», relève le directeur. L'expert international, M. Jean Pierre Bueb, a rappelé : «Sur les marchés publics, il y aurait toujours de la corruption». Pour contenir ces pratiques, il incombe à l'Etat, selon l'expert, de s'investir dans un cadre juridique et surtout dans des institutions qui se chargent d'appliquer ces lois et de lutter ainsi contre la corruption. Au sein des institutions, «avoir des procédures n'est pas suffisant. Il faut avoir des acheteurs formés et intègres», souligne-t-il. Pour ce qui est du volet de la formation, il est primordial de mettre les compétences des acheteurs du secteur public au niveau de celles de leurs interlocuteurs, les commerciaux du secteur privé.