Le retour à la paix dans nos stades n'est pas que la responsabilité des ministères du Sport et de l'Intérieur... Face à l'extrême frilosité de la Fédération tunisienne de football qui n'a pas pris une seule grande décision stratégique (à part bien sûr les changements de sélectionneurs et les nominations à la direction technique pour épater la galerie), l'autorité de tutelle (en accord bien sûr avec le ministère de l'Intérieur) vient de décréter le retour du public à l'occasion de la phase retour. Décision facile à prendre mais plus difficile à assumer dans la mesure où elle touche toutes les composantes du paysage sportif. Et pas uniquement. La sécurité tout d'abord : sur ce plan bien précis, le pays semble un peu se reprendre en main en ce moment et les signes «d'anarchie» sont en net recul. Submergée par la vague révolutionnaire, la sécurité reprend doucement et sûrement ses droits. Mais ce n'est pas suffisant. Assurer la sécurité en dehors et à l'intérieur d'un stade n'est pas encadrer une manifestation dans les rues ou alors faire une descente pour chercher ou coincer des délinquants. Un travail doit être fait (et qui n'a pas toujours été fait) à ce niveau. Ce que nous avons constaté, des décennies durant, c'est que la police n'a pas une connaissance approfondie de la vie et du comportement des foules dans les stades. Encore moins les tendances, les groupes et les groupuscules qui ont fleuri çà et là. Avec des rites, des comportements et même des philosophies différentes et parfois même opposées. Tous ne sont pas violents mais tous peuvent le devenir si leur «manipulation» n'est pas la bonne. A notre humble avis, il faudra aujourd'hui qu'il y ait une «union stratégique» entre la police et ces «bons» groupes pour isoler d'abord puis combattre la violence. Pour finir par l'éradiquer de nos enceintes sportives. Si ce travail de fond n'est pas fait et qu'on préférera opter pour la solution de facilité, le bâton, autant dire que tout le monde n'est pas sorti de l'auberge. Dirigeants : quand leur équipe gagne, tout est bon dans le meilleur des mondes. Mais quand ça ne va pas, tout le monde devient coupable à leurs yeux et ils deviennent carrément des tontons flingueurs. Tous les moyens deviennent alors bons pour dégager la responsabilité sur les autres et de mettre le feu aux poudres. Par ailleurs, le comportement de certains sur les gradins ou alors sur le banc provoque souvent les supporters des deux camps et même des bagarres entre supporters du même camp. Bref, beaucoup dépend d'eux. Entraîneurs : des techniciens qui tapent les pieds 90 minutes le long de la ligne de touche, qui pestent contre les arbitres, qui lèvent les mains au ciel pour évoquer la justice divine, qui se lâchent dans les déclarations d'après-match, qui remettent ça le soir à la télé, qui parlent peu technique et qui n'acceptent pas le verdict du terrain, c'est malheureusement un peu la marque de fabrique de la presque totalité des entraîneurs tunisiens. La tendance est tellement contagieuse qu'elle a fini par être transmise aux techniciens étrangers qui débarquent chez nous. Ces techniciens doivent, une fois pour toutes, arrêter leur cirque et cesser de mettre à leur tour le feu aux poudres. Aux dirigeants de les mettre en garde et aux arbitres de les sanctionner. Quels que soient leurs clubs. Car c'est trop facile de sanctionner les petits pour épargner les grands. Les arbitres : parlons-en. Après avoir eu un sursaut d'orgueil post-révolutionnaire, les voilà à nouveau retombés dans leurs petits calculs, leurs petits commerces et leurs vieux réflexes. Que ce corps soit gangrené et obéissant à des intérêts de toutes sortes, ça, tout le monde le sait. Mais qu'il tarde à faire la mue et à mettre de l'ordre à la maison, voilà qui est fort étonnant. Une chose est sûre: pas de football propre sans arbitrage propre et impartial. Le terrain, c'est eux. Et pas seulement un hors-jeu sifflé ou pas, un penalty accordé ou alors nié à telle ou telle autre équipe. Les écarts de conduite des dirigeants, des entraîneurs et des joueurs, c'est leur affaire. Ils ont tous les outils pour faire régner l'ordre et la loi. Mais faut-il encore qu'ils soient justes et crédibles. Les joueurs : il faut qu'eux aussi arrêtent leur cinéma, un cinéma dont les conséquences se propagent rapidement vers les bancs puis sur les gradins. Puis eux aussi remettent cela dans les déclarations d'avant et d'après-match où ils ne se remettent jamais en cause mais jettent la responsabilité de leur méforme ou de leur défaite sur les autres. Dans les clubs qui se respectent, il y a des règlements intérieurs et des barèmes pour punir ce genre de dérives. Et pour y mettre fin. Bref, il faut que nos joueurs cessent d'être des irresponsables à qui on pardonne tout au détriment d'autres parties. Fédération et Ligue. Le laisser-aller actuel est le fruit et la responsabilité directe des ligues et des fédérations qui se sont succédé. Avant, on évoquait la toute-puissance de certains personnages, de certaines régions, de certains clubs ainsi que l'épouvantail politique : aujourd'hui, ces alibis ne tiennent plus et ces deux instances doivent rétablir leur autorité à travers l'application des lois. Ni plus ni moins. Dans la réalité, on constate que ces deux institutions continuent à tenir compte d'équilibres qu'on croyait révolus. Et qu'elles continuent à ménager la chèvre et le chou pour des motifs purement électoralistes. Jusqu'à présent, la situation leur a totalement échappé. Leur crédibilité et leur poids sont nuls auprès de tous. Elles savent ce qu'elles ont à faire si elles veulent justement retrouver poids et crédibilité...