Chedly Ayari, gouverneur de la Banque centrale (BCT), n'a pas caché, lors de la rencontre de presse qu'il a organisée hier, que la Tunisie vit actuellement une situation difficile. «Les difficultés sont inquiétantes, mais à mon avis, il faut que chaque responsable dans ce gouvernement donne un discours d'espoir et pas de destruction afin de pouvoir avancer. Et quelles que soient les circonstances et les entraves, il est important de savoir critiquer les situations sans faire de lectures erronées de la réalité». Il a indiqué au début de son intervention que «malgré le vécu tunisien sur le plan économique, social, politique, sécuritaire... les échos que nous recueillons auprès des délégations qui visitent la Tunisie ou lors des déplacements à l'étranger sont très encourageants. Je tiens à citer l'exemple de notre rencontre avec des responsables asiatiques, européens ou arabes, qui sont très déterminés à nous prêter main-forte sans revenir sur les incidents sécuritaires, bien au contraire, tous ont montré de la sympathie à l'endroit de la Tunisie». M. Ayari met l'accent par ailleurs sur «l'importance de la transparence et de la clarté des visions, des politiques et des décisions afin de mieux gérer la situation et créer à la fois des richesses et résoudre les problèmes commerciaux de notre pays, chose qui reste selon moi certes difficile mais pas impossible». Le gouverneur de la BCT a ensuite clarifié quelques points en répondant aux questions qui lui ont été posées par la presse tunisienne. En ce qui concerne l'intérêt de l'allégement du crédit à la consommation, il a expliqué que les mesures draconiennes traduites en austérité permettent de pallier la sous-liquidité bancaire et le déficit commercial. La BCT annonce un certain nombre de mesures destinées à réguler un tant soit peu le marché bancaire. Ces mesures concernent notamment la modification des réserves obligatoires constituées par les banques auprès de l'institution de contrôle mais aussi des modalités d'octroi, de contrôle et de refinancement des crédits. Et les crédits à la consommation, terrain de prédilection des banques tunisiennes, deviennent incontournables pour les banques désormais peu enclines à s'engager dans un circuit devenu trop risqué. Une mesure qui apportera selon lui «plus de rigueur aux modalités d'octroi des crédits à la consommation et qui donc contribuera à améliorer le ratio de liquidité et réduire les risques des impayés». Une mesure qui vise également à réduire le déficit de la balance commerciale et l'inflation. Les premiers résultats de cette mesure montrent que pour ce qui est de la rationalisation de la consommation, le rythme est maintenu mais pour le reste des objectifs, une lecture à moyen terme serait plus apte à montrer la fiabilité de cette mesure. «Nous avons exigé des banques tunisiennes un taux de réserve obligatoire de 50 % mais ce taux pourrait être assoupli d'ici trois mois, pour atteindre les 30%». Réformes nécessaires Sur un autre plan et en ce qui concerne les emprunts de la Tunisie, le gouverneur de la BCT insiste sur cette ressource pour le financement de notre économie, car les réserves tunisiennes ne dépassent pas 16% à 17 %, alors qu'elles ont été quelques années auparavant de 24%. «Les taux actuels sont les plus faibles comparés aux pays en voie de développement. Nos emprunts sont destinés aux finances publiques multilatérales et tant que nous trouvons prêteurs qui nous font confiance et tant que nous arrivons à rembourser ces dettes, ces emprunts sont justifiés tant que nous savons qu'ils servent à la création de la richesse». M. Chedly Ayari a confirmé que le Fonds monétaire international (FMI) exige de la Tunisie des réformes et indique que l'institution internationale laisse le choix à la Tunisie de fixer en toute liberté le calendrier du processus de réforme, ainsi que ses modalités. Ces institutions ne font aucune pression sur la Tunisie pour que celle-ci adopte des politiques qui aillent à l'encontre de ses exigences. D'autres questions ont été soulevées lors de la rencontre, à savoir les réserves en devises. Actuellement, nous sommes confrontés à un double problème. Le premier serait la crise économique vécue par notre premier client, l'Europe, et le second, les problèmes du bassin minier qui ont été pour notre économie une vraie mine d'or. «Notre seul moyen pour renforcer nos fonds est de se tourner vers des dons ou des prêts à faibles taux d'intérêt en attendant la promulgation de la loi sur la finance islamique, d'autant plus que le lancement des soukouks islamiques (bons du Trésor) nécessite une période de 6 mois. Des solutions qui doivent, d'une manière ou d'une autre, exister pour recréer la richesse, booster l'investissement...». Répondant à une interrogation sur l'épargne nationale, M. Ayari précise qu'il est impératif de regagner la confiance des épargnants. Il précise que «pour encourager le Tunisien à épargner, il faut augmenter son revenu, réviser la rémunération de cette épargne». Il ajoute : «Après la révolution, le montant d'un milliard 200 millions dinars est sorti des banques, Deux ans après, nous avons pu épargner de l'argent grâce à l'opération de changement des anciens billets». En évoquant cette question, le gouverneur de la Banque centrale souligne que jusqu'au 29 mars dernier, seulement 11% des billets de type 20 dinars étaient en circulation, actuellement seulement 4% des billets de 30 dinars sont sur le marché alors que 17% des vieux billets de 50 dinars sont sur le marché et qu'ils pourront, néanmoins, être échangés dans tous les guichets de la BCT et à travers toutes les agences présentes sur le territoire jusqu'au 31 décembre 2017. M. Chedly Ayari précise en répondant aux interrogations de la presse quant aux banques publiques. «Il n'est pas question de faillite pour aucune des banques de l'Etat, malgré les problèmes financiers qu'elles rencontrent. Il est vrai que ces dernières vivent une situation délicate et nous sommes en train de réaliser un full audit qui donnera les résultats fiables et précis qui nous permettront par la suite de prendre des mesures pour aider ces entités qui représentent la mémoire de notre secteur. Plusieurs possibilités sont donc envisageables : consolider ces banques, faire une fusion pour créer un pôle public de banques, céder une partie pour les privés, créer un pôle public-privé...».