La population hémophile tunisienne déclarée se limite à 380 personnes. Toutefois, certains parents ne se rendent compte de la maladie de leurs enfants que tardivement. L'hémophilie représente pour bon nombre de personnes un terme barbare dont on ignore le signification. Pour d'autres, elle constitue la maladie héréditaire, chronique et parfois même à haut risque à laquelle ils sont contraints de s'adapter et qu'il convient de traiter afin d'éviter les éventuelles répercussions sur la santé. Hier, la Tunisie a célébré la journée mondiale de l'hémophilie, une célébration qui revêt une importance à la fois symbolique et scientifique dans la mesure où elle coincide avec le 50e anniversaire de la Fédération mondiale de l'hémophilie et dénote, ainsi, des efforts scientifiques et de recherche fournis un demi-siècle durant pour l'amélioration des traitements de cette maladie. Dans le but de mieux informer le grand public sur cette maladie congénitale et sensibiliser ainsi les parents pour une prise en charge précoce des enfants atteints par cette maladie, les Laboratoires Novo Nordisk avaient organisé, avant-hier, une conférence de presse à laquelle ont pris part et les spécialistes relevant des institutions sanitaires et les représentants de la société civile. Qu'est-ce que l'hémophilie? L'hémophilie se présente comme une maladie héréditaire qui touche essentiellement les garçons. Elle est, généralement, transmise par la mère porteuse du gène, via le chromozome X. En effet, cette maladie, classée parmi les maladies à vie, consiste en le dysfonctionnement du processus de coagulation, dû notamment à la déficience de l'un des 13 facteurs indispensables à la coagulation sanguine. Il faut dire que le processus de coagulation sanguine est systématiquement déclenché suite à un saignement. Il est assuré par l'activité des 13 facteurs de coagulation qui, dans un enchaînement synchronisé et complémentaire, finissent par former un caillot à même de stopper le saignement. Les hémophiles, eux, souffrent de la déficience de l'un des 13 facteurs complémentaires— généralement le facteur 8 et le facteur 9—. Leurs corps s'avèrent être ainsi moins habilités à stopper le saignement que les autres. Le processus s'avère être donc défaillant. D'où l'apparition d'hémorragies externes qui durent plus longtemps que la normale ou des hémorragies internes, provoquées par des chocs, pourtant, anodins. Hémophilie sévère et risques de séquelles motrices Il est, par ailleurs, à noter qu'il existe deux types d'hémophilie: l'hémophilie de type A revient à la déficience du facteur 8. Elle touche 80% des hémophiles. On parle, également, d'hémophilie de type B lorsqu'il s'agit de la déficience du facteur 9. Faut-il souligner encore que le degré de gravité de cette maladie dépend du taux de coagulation. Ainsi l'hémophilie est dite « mineure» lorsque ce taux s'étale de 5% à 40% de la normale. Elle est dite «modérée» dans le cas où il se situe entre 1% et 5% de la normale. Elle est, par contre, jugée comme «sévère» lorsque ce taux est inférieur à 1%. Dans les deux premiers cas, les problèmes liés au saignement surgissent essentiellement lors de l'atteinte du malade par de graves blessures. En revanche, ceux qui souffrent d'une hémophilie sévère encourent des risques plus importants au quotidien. Ils peuvent être sujets à des blessures et des saignements spontanés, sans causes visibles; des saignements aussi bien au niveau des articulations ( hémarthroses ) qu'au niveau des muscles (hématomes) ; d'où les hémorragies internes et l'apparition de bleus ( ou ecchymoses) sous-cutanés. Il est à souligner que les éventuelles blessures au niveau des articulations peuvent altérer le cartilage et provoquer des séquelles motrices. Des symptômes détectables En Tunisie, le nombre de personnes atteintes par cette maladie ne semble pas alarmant. A l'échelle mondiale, cette maladie congénitale touche un enfant sur dix mille. «Théoriquement, le nombre des Tunisiens hémophiles devrait se situer aux alentours de 500 personnes. Pour ce qui est des cas déclarés, ils ne dépassent pas les 380 malades. Toutefois, il convient de souligner que certains parents ne se rendent compte de la maladie de leurs enfants que tardivement, alors qu'il est facile de détecter les «bleus» sur les membres et les enflements au niveau des articulations, et ce, dès les premiers pas de l'enfant», indique Mme Amel Raïssi, secrétaire générale de l'Association tunisienne des hémophiles. Pour remédier à ce laisser-aller et sensibiliser le public, d'une manière générale, et les parents en particulier, sur l'impératif de soumettre les enfants présentant des symptômes visibles ou dont l'arbre généalogique compte un ou plusieurs hémophiles, l'Association tunisienne des hémophiles s'active à diffuser l'information sur cette maladie. «Nous organisons souvent des ateliers de sensibilisation et d'information sur l'historique de la maladie, sur l'auto-prise en charge, sur l'impératif d'éviter aux enfants malades les punitions corporelles, etc. Les enfants hémophiles encourent un risque énorme dans les établissements scolaires. Et malgré la déposition de certificats médicaux auprès des administrations scolaires expliquant l'état de santé des hémophiles, certains instituteurs recourent même aux châtiments physiques, ce qui se répercute négativement sur la santé de l'enfant», ajoute Mme Raïssi. Gafsa: en besoin d'un hématologue Certes, il n'existe toujours pas de moyens permettant le dépistage précoce de la maladie. Toutefois, un diagnostic et une prise en charge précoces de l'hémophilie s'imposent. En effet, la Tunisie dispose de trois services hospitaliers, spécialisés dans la prise en charge de cette maladie, notamment à Tunis, à Sfax et à Sousse. «Gafsa bénéficiait également d'un cadre médical et paramédical spécialisé dans la prise en charge de cette maladie. Or, suite à la mutation du médecin, les patients se trouvent dans l'obligation de se déplacer jusqu'à Sfax, à Sousse et à Tunis. Certains d'entre eux ne disposent pas des moyens leur permettant le déplacement. Il convient donc de remédier à cette défaillance médicale», renchérit Mme Raïssi. Par ailleurs, et pour ce qui est des traitements, l'oratrice indique que la Tunisie adopte les meilleurs traitements utlisés à l'échelle internationale, dont le traitement plasmatique et le recombinant industriel. «Notons que 90% des hémophiles sont couverts par la Cnam. Quant aux 10% restants, ils recoivent leurs traitements directement de l'hôpital», ajoute l'oratrice.