Par Foued ALLANI On ne développe pas un secteur aussi complexe, aussi sensible et aussi rentable que le tourisme avec uniquement des hôtels. Ces derniers restent cependant l'un des principaux piliers du secteur. En pleine crise, le tourisme tunisien est aussi malade de ses hôtels. Pas tous heureusement. Certains affichent même une santé de fer et parviennent à tirer facilement leur épingle du jeu. Preuve que les maux de l'hôtellerie ne sont pas tous dus à la crise par laquelle passe le secteur dont la partie visible est l'endettement problématique. Il faut dire qu'il est crucial pour notre tourisme de repenser l'hôtellerie et surtout le métier d'hôtelier. Plusieurs mauvais choix sont d'abord à revoir, de l'avis des experts, surtout la taille des unités. Car plus l'hôtel est grand, plus il est difficile et plus il est coûteux à entretenir et plus on a tendance à vouloir à tout prix le remplir. Conséquences directes, une unité qui s'use très rapidement, où le client devient un simple numéro de chambre et où l'ambiance rappelle un peu la foire. Trois facteurs qui s'unissent facilement pour dissuader le touriste de revenir à ladite unité. L'Espagne, pour ne citer que cet exemple, a réussi à éviter ce problème et, d'une façon générale, les unités qui y opèrent sont de taille «humaine» (à part celles appartenant à de grandes chaînes). Autre mauvais choix, considérer l'hôtel comme n'importe quel projet à lancer. Une tendance qui a été soutenue depuis trois bonnes décennies et qui a charrié, hélas, des promoteurs «tout-venant», dont une bonne partie n'avait rien à voir de près ou de loin avec le métier d'hôtelier. Or ce métier nécessite, en plus des compétences managériales nécessaires à la rentabilisation de l'activité, des compétences culturelles, humaines et surtout la proximité avec les clients. Troisième mauvais choix, mépriser, sinon négliger le touriste local (autochtone). Or ce dernier achète plus cher son séjour car il le fait par rapport au tarif affiché qui, chacun le sait, peut s'élever à trois ou quatre fois plus que celui pratiqué en faveur des allotements négociés avec les grands tour-opérateurs. Le client local est par ailleurs mieux prédisposé à revenir. Nos hôteliers doivent donc cesser de considérer ce type de clients comme une roue de secours ou une bouée de sauvetage lorsque le flux des touristes étrangers diminue. Quatrième mauvais choix, rester dépendant des tour-opérateurs qui, eux, imposent leurs diktats en matière de prix et raflent la majeure partie des recettes. Des pays comme la Turquie, qui ont développé leur tourisme après la Tunisie et en y venant chercher les clés de la réussite, ont très rapidement compris les dangers et les ravages causés par cette dépendance et ont créé leurs propres tour-opérateurs qui n'étaient autres que des sociétés constituées par les hôteliers eux-mêmes. Il s'agit donc pour nos hôteliers de devenir commercialement plus agressifs, de développer le site web de leur unité, car les touristes ont plus tendance aujourd'hui à acheter leur séjour à distance en profitant des offres. Sur ce point bien précis, nous restons handicapés par notre ciel fermé jusqu'en 2016. En différant l'Open Sky nous contribuons ainsi à pénaliser encore plus notre destination. Le Maroc, qui a déjà ouvert son ciel depuis 2004, a multiplié par près de vingt fois aujourd'hui le nombre de dessertes aériennes. Cinquième mauvais choix, se résigner à la saisonnalité et se contenter de travailler souvent en surbooking alors que le remplissage de l'hôtel tout au long de l'année est accessible en diversifiant les offres et en travaillant sur la clientèle dite «corporate» avec des offres adaptées à la programmation des événements qui draine la clientèle. Il s'agit aussi d'adapter nos unités à des clientèles bien spécifiques, telles que les personnes âgées (seniors). Quand l'activité est bien répartie, l'hôtelier peut fidéliser ses employés, mieux les former, mieux les motiver, etc. On ne peut pas réussir à satisfaire un client quand les employés n'ont pas été satisfaits. Dixième mauvais choix, vouloir à tout prix retenir le client dans l'hôtel croyant ainsi le pousser à y consommer plus. Très mauvais calcul. Car en restant sur place, le touriste finira tôt ou tard par s'ennuyer et sera encore nettement plus exigeant en termes de qualité du service. Il faudrait donc lui proposer un programme alléchant de visites et d'excursions qui lui feront découvrir et sans doute apprécier la destination (locale), facteur essentiel pour le fidéliser. Ici, l'hôtelier peut facilement établir des conventions avec les prestateurs qui prendront le touriste en charge. D'abord, il offrira à ce dernier un tarif plus intéressant et bénéficiera en retour de sa commission. Ce sont là, à notre humble avis, les problèmes les plus visibles dont souffre notre hôtellerie (à part celui de l'endettement problématique) et qu'il faut résoudre dans les meilleurs délais. Il faudrait aussi mieux promouvoir le métier d'hôtelier qui est un manager très spécial puisque ses clients sont à l'intérieur de son entreprise. Un métier qui exige présence, proximité, donc contact direct avec les clients, donc connaître parfaitement leur culture (importance ici des unités à taille humaine). C'est un manager qui doit non seulement promouvoir son entreprise, mais aussi toute sa région et même son pays. D'où l'importance pour les hôteliers de s'organiser localement. Un manager qui doit veiller scrupuleusement à la sécurité de ses clients (vols, incendies, accidents, frayeurs, intrus...) et à l'hygiène de son unité (locaux, équipements, repas...). Un manager qui doit être capable de résoudre n'importe quel problème que rencontre son client, le plus rapidement possible, avec tact, discrétion et surtout le sourire.