L'ambassadeur Riadh Essid fait ses adieux à la Kasbah    Mustapha Djemali et Abderrazak Krimi, un an de prison : Amnesty tire la sonnette d'alarme    Comment une vidéo hors contexte fait croire à des sanctions de l'UE contre Kaïs Saïed    Fondation Fidaa : Dernier appel aux blessés de la Révolution non encore examinés    Sousse : démantèlement d'un gang spécialisé dans les vols dans les voitures    Tunisiens en danger : le bruit tue silencieusement    Tunisie : 8% du PIB perdu chaque année à cause du désengagement au travail    Diaspora tunisienne : Transferts de 120 dollars par mois, bien en dessous des 200 dollars de la moyenne mondiale    Port-Soudan sous les drones : L'aéroport et des sites stratégiques frappés pour le troisième jour consécutif    Enseignement supérieur : deux nouvelles institutions en préparation à Médenine    Tunisie : Déversement du barrage de Mellegue face à l'arrivée massive d'eau depuis l'Algérie    Allemagne : Merz devait mener le combat contre Trump, il chute au Parlement, très mauvais pour le pays et l'UE    Nabeul: Saisie de 3 600 boites de bananes importées d'une valeur de 450 mille dinars    Orange Tunisie inaugure un nouveau Data Center à Sousse pour répondre aux enjeux numériques de demain (Vidéo)    Plus de 4,5 milliards de dinars de recettes issues des TRE et du tourisme    Josef Renggli salue l'engagement de Roche et renforce les liens de la Suisse avec la Tunisie    QNB soutient les hôpitaux « Aziza Othmana » et « Béchir Hamza »    Festival « Thysdrus » : El Jem célèbre les romains ce week-end    Natation : la Tunisie accueille le 8e Open Masters avec 18 pays représentés    Tunisie–BAD : L'ARP examine un crédit de 80 millions d'euros pour la modernisation du réseau routier    Migration : la Tunisie réaffirme son refus d'être un pays de transit    Grand Tunis : grève générale des chauffeurs de taxi individuel le 19 mai    26 personnes, dont 3 femmes, arrêtées après des saisies de cocaïne et de cannabis    Masters 1000 de Rome : Ons Jabeur espère rééditer son exploit de 2022    Le Prince Harry privé de protection policière lors de ses séjours au Royaume-Uni    L'ambassadeur français sort, l'Algérie ferme la porte, Macron regarde ailleurs : l'Egypte, les chercheurs américains éjectés par Trump…    Complot contre la sûreté de l'Etat 2 : début du procès de figures politiques tunisiennes    Par Habib Ben Salha : La Bsissa prend la route de l'UNESCO    ES Sahel : soutien à Ben Amor après une violente agression à Sousse    Météo : Averses isolées au nord et au centre et températures maximales entre 21 et 38 degrés    Youssef Mimouni condamné à deux ans de prison    Retailleau durcit les conditions d'accès à la nationalité française    Sami Mokadem : la 39e édition de la Foire du livre était un échec !    Le taux d'inflation baisse légèrement et s'établit à 5,6%    Recevant la cheffe du Gouvernement : Le Chef de l'Etat insiste sur un projet de loi de finances à vocation sociale    Volley-Coupe de Tunisie: L'Espérance ST rejoint l'Etoile du Sahel en finale    L'EST remporte le classico : Ces petits détails....    En pleine crise de paranoïa, les fans de Saïed l'exhortent à bouder les sommets en Irak    Homo Deus au pays d'Homo Sapiens    Affluence record à la Foire du livre 2025, mais le pouvoir d'achat freine les ventes [vidéo]    Classement WTA : Ons Jabeur chute à la 36e place après son élimination à Madrid    Syrie : Après L'Exclusion De Soulef Fawakherji, Mazen Al Natour Ecarté Du Syndicat    Trump annonce des droits de douane de 100 % sur les films étrangers pour "sauver" Hollywood    Un séisme de magnitude 4,9 secoue le nord du Chili    Foire du livre de Tunis : affluence record, mais ventes en baisse    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le grand déballage
Journée Mondiale de la Liberté de la Presse - Deux ans d'expression et de châtiments
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 05 - 2013

Après une très courte séquence d'étonnement, les journalistes tunisiens se sont emparés, à leur corps défendant, de la nouvelle liberté héritée du 14 janvier. La machine médiatique s'est ébranlée, avec une révolution en avance sur la machine politique. Comme si de rien n'était, comme si elle avait toujours été libre, elle a composé avec la levée de la censure, faisant reculer la frontière des interdits et bravant les dangers d'un terrain non encore protégé...
Mars 2013. La Tunisie est sous le choc. De la télévision publique El watanya aux chaînes indépendantes, notamment Attounisya, Nessma et Hannibal, des radios aux journaux, le viol d'une petite fille ; un bébé de trois ans est détaillé aux heures de grande écoute, minutieusement raconté par les parents mêmes de la victime, commenté par les associations et l'opposition, dénoncé par la communauté nationale unie dans le drame.
Seuls les dirigeants de la coalition au pouvoir, quelques- uns de ses députés et l'opinion qui s'en revendique, s'en offusquent et dénoncent «une instrumentalisation politique et impudique d'un fait divers... »
Au fil d'une semaine de suivi, un seul dépassement déontologique est pourtant enregistré : une chaîne indépendante viole son contrat avec les parents et découvre le visage de la victime.
Jusqu'au bout de l'information
Complètement occupés à décortiquer une information du plus grand intérêt et de la plus haute gravité, les professionnels du secteur et ses observateurs notent à peine le saut qualitatif qui vient d'être effectué par la quasi totalité des médias tunisiens dans le sens de la levée des derniers tabous politiques et sociaux qui les entravaient.
Ainsi va la machine médiatique depuis le 14 janvier 2011. De déballage spontané en dévoilement méthodique, les frontières des libertés ne cessent de reculer. A côté de la consommation et de la question sécuritaire, la profession atteint un niveau d'intérêt citoyen jamais connu. Dans les sondages, les prestations des médias recouvrent, chaque mois, un taux de satisfaction accru.
Quête de vérité et devoir d'informer bien souvent enrobés des expressions évidentes d'une course à l'audimat, les professionnels s'accordent à tout dire. La tendance partagée par l'ensemble des médias est particulièrement spectaculaire sur les chaînes de télévision. Elle prend tour à tour la forme de plateaux réunis autour de polémiques houleuses entre des adversaires peu initiés aux règles du débat politique et d'entretiens sur le ton de la confidence non moins orageux du fait de la gravité des révélations qui en émergent. Le talk show s'impose comme un genre salutaire, le « seul » capable de gérer l'événement, d'informer et d'analyser d'un coup... Croisant la soif de parole chez l'élite politique et intellectuelle, les défilés de profils et de points de vue battront des records en la matière...
Quelques abus en contrepartie
Au passage, quelques abus seront la contrepartie d'une presse déliée qui s'accommode de mieux en mieux des surprises du direct.
L'épisode de ce jeune sit-inneur de La Kasbah 2 appelant au meurtre du premier chef du gouvernement, Mohamed Ghannouchi, ouvre le bal des grandes et petites transgressions, devant le regard médusé d'une animatrice de la télévision publique. D'autres prennent le devant. Celui d'un prédicateur salafiste brandissant un linceul et appelant au jihad et à la mort laissera peu d'indifférents. Celui d'un mercenaire jihadiste témoignant d'une séduisante aventure syrienne n'en fera pas moins.
Pour les puristes du secteur qui voient du mauvais œil la montée en puissance de journalistes stars, de chroniqueurs et d'animateurs vedettes, la confusion des rôles et le mélange des genres qui s'ensuivent, quelques limites auront été franchies au détriment de la règle professionnelle et déontologique. Pour les professionnels endurcis à l'expérience de la liberté et une opinion de plus en plus intransigeante sur son droit à l'information, l'heure est au grand déballage. Seul, il permettra aux citoyens de voir plus clair dans l'opacité et la complexité de la scène politique et sociale... Avant de s'engager dans des choix...
Palme de la désobéissance à l'investigation
L'ambition est vite vérifiée à travers le rôle avant-coureur que joueront les médias dans la divulgation des affaires du 9 avril, de la tournure milicienne des LPR, des coulisses du jihad en Syrie, de l'extradition de Baghdadi Mahmoudi, de la face cachée des nominations à la tête de l'administration et des hautes fonctions de l'Etat, de la formation d'une police parallèle proche du parti au pouvoir, de la droiture de certains hommes politiques...
Mais l'investigation en cette période de transition n'est pas la bienvenue. Retourné contre ses auteurs, le genre conduit les journalistes désobéissants et suspects droit devant les tribunaux. Faute d'une définition de la liberté de la presse et d'une reconnaissance de ses garanties, la règle pénale sévit. Et en l'absence d'une suite politique et judiciaire logiques à l'encontre des véritables suspects, les scoops et les divulgations tendent à être banalisés et oubliés. Entre une presse qui défend ses nouveaux territoires et un pouvoir qui rechigne à les reconnaître, rien ne va plus. Le décalage se creuse entre les épanchements des premiers, les susceptibilités et les retranchements des seconds.
Péché d'humour et délit de légèreté
Ces épanchements sont d'autant plus décriés qu'ils relèvent souvent de l'humour et de la satire. Sous sa forme ironique, la critique fait tout aussi mal. Dirigeants démystifiés et caricaturés, discours parodiés, décisions raillées, au lieu d'unir dans le rire, la satire sépare. En l'absence d'une nette distinction, chez les politiques, entre la critique et la calomnie, les médias sont accusés de manipulation, de partialité et autres délits...
Les médias tunisiens n'ont peut-être pas atteint un niveau de professionnalisme et de déontologie égal à celui des médias dans les plus vieilles démocraties. Ils prêchent encore souvent par manque de lignes éditoriales, d'analyse, d'images et de terrain. Mais les prestations médiatiques semblent en avance d'une révolution par rapport à des prestations politiques encore peu apprêtées au jeu démocratique. Un décalage porteur de tensions. Un écart d'une autre envergure entre la réalité des libertés sur le terrain et le retard de leur garantie juridique et constitutionnelle. Des journalistes sous la menace physique et la pression du code pénal. Une profession hautement fragilisée et de plus en plus pénalisée. Une liberté aléatoire soumise au chantage politique et économique...
«Chaînes alternatives» et chant de sirènes...
Pourtant, rien ne semble plus pouvoir arrêter les médias tunisiens engagés dans le plus grand déballage, dans l'objectif de tout dire et d'éclairer les choix à venir... Rien n'arrêtera plus les médias si ce ne sont la persistance du vide juridique et institutionnel et un retour conséquent de la répression qui les acculera au silence.
Entre-temps, une nouvelle lignée vient de les rejoindre. A mi chemin entre le contenu politique et le référent religieux, les chaînes de télévision Ezzitouna, Al Moutawasset, Al Insan, Al Qalam et TNN ont d'autres choix éditoriaux. Plus proches des islamistes au pouvoir et moins critiques envers les prestations de la coalition gouvernementale, elles prêchent pour des convaincus, attirant dans les filets d'une propagande politico-religieuse une frange d'opinion qui se dit « déçue des médias de la honte colporteurs de désinformation et de rumeurs et enfin satisfaite d'une information alternative, objective et loyale... ».
Entre une œuvre de charité d'une association qatarie et l'éloge d'une action gouvernementale, on leur doit notamment la justification du jihad des jeunes garçons et celle du voile des toutes petites filles... Quels seraient leur impact réel et leur place dans l'audimat ? Les chaînes dites «alternatives» n'apparaissent toujours pas dans les sondages.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.