L'association “Tunisie littéraire", qui milite depuis 2010 pour le livre littéraire et de réflexion, tient toujours au principe selon lequel «rien ne peut se substituer aux lumières du livre et l'on se doit de réagir contre l'indifférence qui frappe, aujourd'hui, les choses de l'esprit». Tout le monde le reconnaît: «La révolution n'a libéré que la parole en Tunisie » ... «Tout le reste est littérature», renchériront certains ... Et ils n'ont pas tort, car depuis ce mémorable 14 janvier 2011, la littérature “de" la révolution ou “sur" la révolution n'a pas cessé de gagner en volume. Les éditeurs n'arrêtent pas de se déclarer “preneurs" de ce genre de texte et publient à tour de bras en fermant, parfois, les yeux sur la qualité. Mais le fait est là : il existe une littérature foisonnante autour de la révolution. Une partie importante de l'histoire tunisienne est dans ces livres que certains qualifieront de textes précipités, car écrits à chaud et sans le recul nécessaire. En tout cas, l'association “Tunisie littéraire" a eu l'idée de rassembler tous les livres écrits sur la révolution pour monter une exposition à la Bibliothèque nationale sous le titre “Ecrire l'histoire “. En parallèle, certains auteurs ont été invités pour parler de leur production et débattre de la question. Autour de Kamel Ben Ouanès, Chaâbane Harbaoui et Yosr Blaïech, membres de l'association organisatrice, il y avait, ainsi, Ali Abbasi ( romancier et essayiste ), Abdelhamid Riahi (diplomate et écrivain), Mohamed Kilani (chroniqueur sportif et auteur), Hédi Timoumi (historien) et Moez Majed (poète). Pour Chaâbane Harbaoui, la révolution a engendré un vrai “boucan" et une explosion de “parlotte" qui, associés à une presse déchaînée et à des moyens de communication rapides, ont rendu fort difficile l'accès au livre. Paradoxalement, cette révolution a poussé beaucoup de Tunisiens à prendre leur plume et à écrire. “Aussi est-ce pour leur rendre hommage qu'on a organisé cette exposition", a-t-il conclu sa présentation de la rencontre. Kamel Ben Ouanès a évoqué, lui, les deux questions que cette littérature nous pousse à poser. Comment peut-on écrire sur un événement qui est encore en cours (la révolution étant un processus qui a lieu dans la durée) ? Puis comment écrire tout en transcendant le témoignage ? Entre l'événement et l'acte d'écrire, les auteurs présents ont apporté leur témoignage sur la genèse de leurs livres respectifs. L'intervention de Hédi Timoumi était très réaliste quant au rapport du Tunisien à la lecture. «Aujourd'hui, si on abandonne un livre dans la rue, personne ne le prendrait. Auparavant la Bibliothèque nationale subissait des vols récurrents, mais plus maintenant», a-t-il souligné. Puis parlant de son livre, il dira: «J'ai essayé, de répondre, entre autres, à la question suivante : comment Ben Ali a-t-il su tenir la Tunisie sous le joug de la dictature pendant 23 ans ? J'ai tenté d'apporter une réponse qui se trouve dans le concept du “soft despotism", une dictature douce et pernicieuse». Mais avec le recul, l'historien reconnaît que ce qui s'est passé a «un caractère révolutionnaire, mais ce n'est pas une révolution à proprement parler ». L'acte révolutionnaire est, selon lui, ce qui s'est passé à Siliana, lorsque les habitants ont quitté la ville pour laisser le gouverneur tout seul. En parlant de son roman “Le vent se lève en janvier'', Ali Abassi dira qu'il a suivi au jour le jour la révolution, un travail de diariste, en quelque sorte. «Il y a quelque chose dans la révolution qui nous rappelle les fondamentaux de l'existence. Qui sommes-nous et où allons-nous?», se demandera-t-il. Pour Abdelhamid Riahi, l'acte d'écrire sur ce qui s'est passé en Tunisie est un pas vers la vraie révolution. «J'ai écrit pour que les choses évoluent vers une vraie révolution et ne demeurent pas au stade du soulèvement, car il nous faut une révolution pour garantir notre avenir», dira-t-il. L'idée de cette exposition est intéressante dans la mesure où elle nous permet d'embrasser d'un seul regard toute cette production littéraire post-révolution. Cela permet déjà au visiteur de dégager une “psychologie" de cette littérature ne serait-ce qu'à l'analyse des titres ainsi disposés, les uns aux côtés des autres. L'association “Tunisie littéraire", qui milite depuis 2010 pour le livre littéraire et de réflexion, tient toujours au principe selon lequel «rien ne peut se substituer aux lumières du livre et l'on se doit de réagir contre l'indifférence qui frappe, aujourd'hui, les choses de l'esprit».