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Un artiste de la réapparition
Batisseurs de l'imaginaire - Fethi Zbidi
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 06 - 2010

Des artistes de ma génération, il y en a de moins en moins sur la place, à Tunis ou ailleurs. Certains nous ont quittés pour un autre monde, d'autres sont partis pour d'autres pays monnayant leurs œuvres comme ils le peuvent, libérant leur imaginaire comme ils le sentent. Parmi ces derniers, certains sont réapparus comme ça, tout d'un coup. Sans crier gare, après tant d'années de silence, à telle enseigne qu'on les avait pris pour morts ou comme le dit si bien l'adage de raison : les absents ont toujours tort. J'ai déjà parlé dans cette même rubrique de Moncef El Mansi (l'oublié!), cet Ulysse tunisien qui croyait que son île de lotophages était plutôt du côté d'Ithaque ou d'Athènes! Il a fini par retourner à Carthage, dans sa «tourba», sa terre primordiale. Mais peut-être qu'Eole va de nouveau le rappeler à l'errance, en Méditerranée.
Il en existe un autre, encore, que je m'empresse de vous présenter : Fethi Zbidi. Ça vous dit quelque chose? Peut-être pas pour ceux de la nouvelle génération, en tous les cas. Mais lui, il n'est jamais tout à fait parti d'ici. C'est son métier d'architecte d'intérieur qui a fini par faire ombrage à son autre métier d'artiste plasticien, gagne-pain oblige…
Galerie Fethi Zbidi
Né à Sousse en 1946, il y a vécu et travaillé jusqu'à ce jour, sans pour autant cesser de voyager et d'aller faire ses mostra ailleurs. C'était une époque où la plupart des artistes tentaient l'aventure avec ce désir de recherche effrénée, inspirée ou désespérée d'un nouveau modèle pictural mais issu des racines du terroir, autour de cette mère-matrice : la Méditerranée. Je cite pêle-mêle ces artistes : Belkhodja, El Kamel, Ben Meftah, El Bekri, Messaoudi, Chakroun, Sahli, Bettaïeb, Znaïdi, Riahi… Artistes de cette génération soixante-huitarde ou un peu plus âgée, à l'école des Beaux-arts, la seule école à Tunis et en Tunisie, en ce temps-là. Certains d'entre eux avaient — temps de crise oblige — fondé le «Groupe soixante-dix» puis «quatre-vingt» pour réagir contre la mainmise de l'Ecole de Tunis et reprendre les choses en main, édifier une nouvelle école autour des notions de patrimoine et d'identité culturelle et artistique.
Fethi Zbidi n'avait participé qu'aux prémices du premier regroupement à une époque où, la Révolution iranienne aidant, on remettait sur la table cette notion implacable d'«interdit figuratif».
Diplômé en art-déco en 1968, Fethi Zbidi obtient cette année-là déjà le Prix du Président de la République. Durant deux ans, il fréquente l'Ecole des Beaux-arts de Paris dans les ateliers de Jacques Yanek et Chapelain Midi. Puis à Londres avec Allen McWilliam. En 1972, il fréquente l'académie des Beaux-arts de Munich chez Erich Koch et Bromberg.
Fethi Zbidi avait fondé sa propre galerie du côté du Boujaâfar à Sousse. Ce fut, je crois, la première galerie privée, dans la Perle du Sahel. C'est là que je l'ai connu au début des années 80 et qu'avec Abdelmajid El Bekri et d'autres artistes, il organisait des expositions de groupes ou individuelles et qui, à un certain moment, firent accourir beaucoup d'amateurs d'art, les médias de Tunis et même des représentants du cercle diplomatique. Et comme il tenait aussi une pizzeria, «La Calèche», dans ce même quartier, les vernissages d'expositions se terminaient dans ce lieu chaleureux.
En ce début des années 80, c'était Monastir qui tenait le haut du pavé dans ce grand Sahel et Sousse était reléguée au second plan. Fethi Zbidi eut donc du mal à maintenir le cap.
Sa galerie dans ce pleinairisme aveuglant d'une cité vouée à la mer et aux vacances d'été à… bronzer idiots ne tint plus le coup. C'est ainsi que l'espace dut fermer et que l'artiste mit ses rêves en veilleuse pour aller retrouver son métier d'architecte d'intérieur. Un métier dans lequel il s'est plongé tout entier pour gagner sa croûte et, par truchement, donner des accents nouveaux à la ville qui l'a vu naître : projets étatiques et privés réalisés de main de maître; réalisation de cascades artificielles, création des Armoiries de la ville de Sousse ainsi que d'autres projets qui lui tiennent à cœur et qui seront en voie de réalisation peut-être demain. C'est depuis ces années d'art-déco que je n'avais pas revu cet artiste de ma génération dont j'avais suivi les cheminements d'un art formel/informel à travers des couleurs fétiches de ces bleu-marine et outre-mer qui furent aussi le fondement et le support des gouaches et acryliques sur toiles de Ridha Bettaïeb. Peintre de la Méditerranée, Fethi Zbidi a su capter toutes les magnificences de ce bleu essentiel, propice au rêve, en lui adjoignant, comme nous allons le voir, les signes calligraphiés par intermittence dans cette furie des lieux marins de haute mer.
De New York à Memphis : Sidi Okba et les manuscrits sacrés
Furie des lieux? Marins de haute mer? Haute, non pas dans le sens de la furie de l'océan Atlantique vers le Nouveau Monde avec la décimation des Indiens, réels propriétaires des lieux, et tous ces «nègres» en allés en esclavage, mais «haute» dans le sens profond de la Méditerranée, porteuse des trois religions et creuset spirituel primordial. C'est ainsi que Fethi Zbidi, à soixante-quatre ans, me téléphone — il y a deux semaines — pour m'apprendre qu'il est bel et bien présent en ce monde et qu'il est de retour des USA. Je pensais, pour ma part, que les absents avaient toujours tort, ce que je disais au début. Je trouve, à présent, que cet adage n'a plus cours, à l'heure de la mondialisation et des nouvelles technologies de la communication. Notre ami a, certes, pris de l'embonpoint comme moi d'ailleurs, mais je l'aurais reconnu à une lieue à la ronde, tellement il me ressemble encore. Sauf que lui a beaucoup d'argent sur la tête et que sur mon chef, ça fait encore poivre et sel. Je lui ai dit : «quand est-ce que je vais m'argenter comme toi!» Il ressemble maintenant à Gian Maria Volonte quand il avait joué dans Sacco et Vanzetli que nous avions vu à «l'Africa», il y a belle lurette. Mais il est très «classe», ce qui n'arrange pas les choses avec Nicolas Sacco, son acolyte dans ce film…
Et Fethi Zbidi de nous apprendre ses séjours récents aux States où il vient d'exposer à deux reprises. Sa première manifestation a eu lieu au Centre culturel et de l'information tunisien de New York. Eh oui, pour les artistes qui ne le savaient pas, cet espace est situé à Madison Avenue! Y étaient invitées outre Fethi Zbidi, deux artistes bien connues dans nos murs‑: Myriam Bouderbala et la photographe Lilia Bouzid. Celles-ci, absentes, n'étaient représentées que par leurs œuvres personnelles.
L'occasion en était l'anniversaire de l'Indépendance de la Tunisie. Grand succès pour le peintre pour ses «abstractions colorées et dynamiques, pleines d'avant-gardisme et dans la quête spirituelle du passé», dira Frederic Kœppel à l'occasion de cette mostra. Les œuvres actuelles de Fethi Zbidi s'inspirent, à travers ses abstractions lyriques (beaucoup d'entre elles basées sur le bleu) de manuscrits sacrés de la ville de Kairouan, à travers les signes de l'alphabet arabe en totale gestation. Frederic Kœppel rend, à son tour, un vibrant hommage à la ville de Sidi Oqba, aux 50 mosquées.
C'est sur ce même désir de mieux connaître ces artistes tunisiens, que leurs œuvres iront, cette fois, à Memphis, la ville d'Elvis Presley. Fethi Zbidi, le seul présent en tant qu'exposant, présente ses œuvres au Benjamin L. Hooks central Library «Des œuvres d'avant-garde brillamment colorées», dira encore Fréderic Kœppel, ajoutant que la ville de Memphis avait à son tour invité cet artiste, ainsi que Lilia Ben Zid et Maryem Bouderbala, pour mieux connaître l'imaginaire tunisien. Les photographies de Lilia Ben Zid ont été exposées au Memphis Botanic Garden, et, l'unique peinture de Maryem Bouderbala (collection, acquisition de l'Etat tunisien), l'était au Dick son Museum.
A Memphis, il y avait aussi les représentants de la diplomatie tunisienne, les membres des corps accrédités et les représentants et citoyens de ladite ville. Le chercheur et archéologue M'hamed Hassine Fantar, président de la chaire Ben Ali y avait donné une conférence sur l'héritage carthaginois multiforme et, notamment, sur la ville sainte de Kairouan, premier bastion de l'Empire islamique.
Fethi Zbidi nous déclare qu'il a, maintenant, tout le restant de sa vie pour la peinture et qu'il ne la lâchera plus d'une semelle. On peut avoir des «semelles de vent» (Rimbaud) et voyager — maintenant — autour de son atelier pour chercher cet ailleurs, sans les tracasseries des déplacements physiques eux-mêmes. Verra-t-on, mon cher Fethi Zbidi!


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