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« La France a affaibli l'Etat malien par abstention pour pouvoir intervenir » Trois questions a: Jamil Sayah, président de l'Observatoire tunisien de la sécurité globale
En marge du séminaire sur le syndicalisme policier organisé par l'Observatoire tunisien de la sécurité globale, nous avons rencontré M. Jamil Sayah, président de l'observatoire, à qui nous avons posé des questions ayant trait à la sécurité globale en Tunisie mais également à la situation géostratégique dans la région ainsi que sur les apports de l'observatoire dans ce domaine. Plusieurs experts ont signalé dans les médias le danger lié au terrorisme international, la Tunisie est-elle devenue une plateforme pour Al-Qaïda et les groupes qui gravitent autour de cette nébuleuse ? Aujourd'hui, le terrorisme n'est plus un phénomène territorialisé, l'internationalisation de ce phénomène induit forcement l'internationalisation du danger et de la menace A mon avis aucun pays n'est à l'abri de cette menace. Il se trouve que la Tunisie aujourd'hui, eu égard au climat d'incertitude et de transition et l'ambiguïté des autorités vis-à-vis du phénomène djihadiste, est au cœur de cette menace. Elle est devenue l'espace dans lequel agissent ces djihadistes qui menacent non seulement l'ordre et la sécurité des citoyens mais également l'intégrité de l'Etat. C'est pourquoi il n'y a que la fermeté et le discours clair vis-à-vis du phénomène qui pourrait être utile pour lutter contre le terrorisme. Malheureusement, nos mouvements djihadistes tels que Ansar Echaria servent de relais à Al-Qaïda, ce qui rend encore la situation plu compliquée car ce mouvement, qui constitue autant un label qu'un vrai mouvement politique, peut s'appuyer sur ce réseau pour passer à l'acte à tout moment. Là encore, la lutte contre ce phénomène exige d'une part une organisation et une stratégie sécuritaire menée par les forces de sécurité intérieure et l'armée et, d'autre part, réorganiser et réhabiliter les services de renseignements car il n'y a pas de lutte efficace sans anticipation et prévention. Seuls les services de renseignements peuvent apporter les informations nécessaires pour agir en amont et prévenir et non pour réparer. L'intervention française au Mali est-elle, selon vous, une simple opération pour éradiquer les groupes terroristes ou est-elle géopolitiquement plus complexe ? L'intervention au Mali est une intervention complexe pour plusieurs raisons. D'une part, elle a mis la France dans l'obligation d'intervenir pour lutter contre un terrorisme en dehors de son territoire et donc on peut interpréter cela comme un retour de la Françafrique D'autre part, elle est complexe parce qu'elle manque de visibilité et de lisibilité. La France est-elle intervenue réellement pour lutter contre le terrorisme ou pour sécuriser les gisements d'uranium au Niger ? Est-elle intervenue uniquement pour stopper «l'invasion chinoise « en Afrique ? Est-ce contre le terrorisme ou est-ce que les terroristes sont un prétexte pour remettre la France dans le circuit ? Enfin, elle est complexe car elle démontre, par un jeu de miroir, l'ambiguïté de la position française en Afrique. En effet, le Mali est un pays dépendant de la France financièrement, économiquement et militairement, pourquoi alors l'Etat malien s'est-il trouvé dans un état de délabrement tel qu'un groupe de terroristes avec quelques pick-up et mitraillettes arrive à avancer jusqu'à Bamako ? Comment également la France a-t-elle fermé les yeux contre un gouvernement légal et légitime, sachant pertinemment qu'un tel acte allait affaiblir l'Etat, pour ne pas dire menacer son existence? D'ailleurs, il l'a suffisamment affaibli pour qu'il soit une proie pour les terroristes. Donc tous ces éléments plaident en faveur de l'hypothèse que la France a affaibli l'Etat malien par abstention pour pouvoir intervenir et occuper le nord du Mali. Cependant, nous restons convaincus que l'intervention française était nécessaire et utile car il n'est nullement normal de laisser un Etat souverain seul face à une menace aussi dangereuse, d'où l'utilité de cette intervention. Cela fait plus de 9 mois que l'Otsg a été créé, avez-vous l'impression que vous ajoutez quelque chose au paysage, et surtout, vous considérez-vous comme une force d'action ou simplement d'observation et de réflexion en quelque sorte ? Depuis la création de l'observatoire et ses actions multiples, les questions de sécurité ont cessé d‘être le monopole de l'institution pour devenir un objet de réflexion et une problématique citoyenne. Le rôle de l'observatoire a été modestement d'amener la société civile à se saisir de ces questions et à dialoguer sans arrière-pensée avec les représentants des forces de l'ordre donc nous pouvons dès lors dire que nous avons pu créer cette passerelle et cet espace de dialogue D'autre part, l'observatoire a pu également mettre sur agenda politique la problématique et le concept de sécurité globale Outre le colloque que nous avons organisé les 23 et 24 mars, l'observatoire a été à l'origine d'une réflexion sur le caractère opérationnel et stratégique de ce mode d'organisation des forces de sécurité et des forces militaires. Dans le même ordre d'idées, nous avons organisé un séminaire de formation et de réflexion sur le syndicalisme dans le secteur de la sécurité pour démontrer qu'on peut faire vivre dans une démocratie et un Etat de droit, sans opposition, syndicalistes et policier car nous pensons que sans droit, le policier ne peut protéger les droits des autres, d'où l'intérêt de renforcer le syndicalisme. Enfin, nous avons également, à travers nos séminaires et réflexions, pu sortir la question de la sécurité dans sa globalité de l'espace réflexif purement sécuritaire, car nous pensons que dans sa globalité, la sécurité est également économique, financière, alimentaire et sanitaire. C'est cette conception que nous défendons au sein de l'observatoire.