La loi sur l'immunisation politique de la révolution sera soumise, aujourd'hui, à la discussion générale des constituants, sur fond de déclarations, de contre-déclarations et surtout de tentatives pour qu'elle soit la plus light possible La loi sur l'immunisation politique de la révolution qui sera soumise, aujourd'hui, à la discussion générale des constituants (son vote interviendra lors d'une séance plénière dont la date sera fixée ultérieurement par le bureau de l'ANC) sera-t-elle la plus light possible ? Les déclarations faites, hier, par Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, à l'issue de sa rencontre avec Ali Laârayedh, chef du gouvernement, constituent-elles la recherche d'une sortie honorable pour le mouvement face à ce projet de loi qui a semé la division au sein même d'Ennahdha entre ceux qui sont pour l'adoption de la loi en question et ceux qui considèrent et n'ont pas hésité à déclarer qu'elle ne servira aucunement les intérêts de la Tunisie, encore moins ceux du parti Ennahdha. Rached Ghannouchi a précisé, en effet, que «le groupe parlementaire d'Ennahdha ne présente pas de propositions et que l'affaire est entre les mains de la présidence de l'ANC et non du ressort d'Ennahdha. Toutefois, des réajustements ont été introduits dans le projet de loi dans le sens de la réduction du nombre de ceux qui seront concernés par l'immunisation, à l'instar des présidents et des membres des cellules du RCD dissous». Quant à la demande de pardon par les concernés, Rached Ghannouchi a indiqué que «le groupe parlementaire d'Ennahdha a déjà demandé le retrait de cette proposition puisqu'elle a été refusée par les intéressés qui la considèrent comme une forme d'humiliation». Une épée de Damoclès Pour Riadh Ben Fadhl, coordinateur général d'Al Qotb, «il existe de fortes divisions au sein d'Ennahdha à propos du projet de loi sur l'immunisation politique de la révolution. Cette loi est pratiquement une épée de Damoclès sur tout projet de recomposition du paysage politique national». «Mon sentiment, ajoute-t-il, est que beaucoup parmi les responsables nahdhaouis sont convaincus que cette loi desservira les prochaines alliances qu'Ennahdha envisage de mettre en œuvre en prévision des prochaines élections. Les déclarations de certains ténors d'Ennahdha comme Hamadi Jebali, Samir Dilou ou Abdelfattah Mourou conjuguées aux dernières propositions de Rached Ghannouchi peuvent montrer que l'on cherche une issue de secours, de manière à ce que la loi sur l'immunisation soit la plus light possible». Les atermoiements de toujours «Ennahdha nous a habitués aux atermoiements, aux hésitations et aux déclarations les plus contradictoires. Il n'est pas donc surprenant que ses dirigeants fassent entendre, chacun de son côté, un son de cloche. Seulement, ils sont tous sous l'emprise du conseil de la Choura qui a déjà donné son aval pour que le projet de loi passe et soit voté à l'ANC», commente Skander Bouallague, membre de la direction de «Tayyar Al Mahabba» (courant de l'amitié) ex-Aridha Achaâbia. «Les tentatives de maquillage du projet de loi en question (réduction du nombre des futures victimes, proposition de demande d'excuses, etc.) ne pourront en aucun cas enlever à cette loi sa dimension d'exclusion et de sanction collective, au grand dam de tout esprit de justice et d'équité. Les constituants de notre courant ont décidé de boycotter la séance plénière d'aujourd'hui parce que nous rejetons cette loi en dépit des réajustements qui y sont introduits. Nous estimons que la révolution est immunisée grâce à ses réalisations et non par le biais des lois d'exclusion», explique-t-il. Le conseil de la Choura a tranché Du côté d'Ennahdha, les choses sont claires comme l'eau de roche. Walid Bennani, membre du bureau exécutif, fait remarquer «qu'en proposant aux intéressés par la loi de présenter leurs excuses, cheikh Rached Ghannouchi exprimait une position personnelle. Et comme il s'est avéré que les excuses relèvent de la loi sur la justice transitionnelle, il a changé de position». «En tout état de cause, souligne encore Walid Bennani, le conseil de la Choura a déjà pris position pour que la loi soit votée et tous les nahdhaouis sont tenus d'appliquer les décisions du conseil. Les opinions et les commentaires des uns et des autres parmi les responsables d'Ennahdha relèvent de la liberté qui règne au sein de notre parti. Le dernier mot revient toujours au conseil de la Choura qui a déjà tranché». Le projet de la loi au clair Le projet de la loi organique sur l'immunisation politique de la révolution ou d'exclusion politique, comme le précise le rapport de la commission de législation générale de l'ANC, comprend 11 articles. Si l'article 2 énumère ceux qui seront touchés par la future loi parmi ceux ayant exercé de hautes fonctions au sein du gouvernement ou du RCD dissous, durant la période du 7 novembre 1987 jusqu'au 14 janvier 2011, l'article 3 spécifie que ces mêmes personnes seront écartées pour une période de 10 ans. L'article 4 confie à la prochaine Isie la mission de définir la liste préliminaire des personnes qui seront touchées par la loi. Quant à l'article 6, il détaille les conditions de présentation des oppositions par ceux qui s'estimeront lésés, ainsi que les délais que doit observer l'Isie pour répondre à ces oppositions. L'article 7 ouvre la voie de recourir au Tribunal administratif pour ceux que l'Isie inscrira sur la liste des personnes à écarter de la vie politique. Les articles restants sont à caractère réglementaire et technique. Il est à préciser que le texte du projet de la loi est disponible sur le site web de l'ANC. A.D.