On ne sait si le public de mercredi dernier était venu voir Kass chanter Piaf ou Kass chanter Kass, car il n'a pas cessé de réclamer sa chanson préférée, le tube de Patricia «Mon mec à moi»... Carthage fait le plein, encore une fois. C'est bien. Qu'est-ce qu'il serait utile de faire une analyse de type sociologique de la composition du public de ce festival! Fait-il «un», fait-il plusieurs ? En tout cas, il ne peut pas être le même à chaque fois, puisque les spectacles et les artistes sont différents. Mais ce qui est curieux, c'est que tous ces publics ont un point commun : le comportement. Ils connaissent tous les répertoires des artistes, — nous parlons des chanteurs, évidemment — ils sont au courant de toutes les nouveautés et ils donnent la réplique en chantant comme un chœur professionnel. Lorsqu'une vedette est en perte de vitesse et qu'elle a envie de remonter la pente, elle n'a qu'à venir à Carthage pour se faire remonter le moral. Ah, ces Tunisiens ! Ils ne finiront pas de vous surprendre ! Mercredi dernier, ils étaient donc nombreux à venir voir la Kass, une habituée du festival. Mais la demoiselle qui chante le blues a décidé, cette fois, de rendre hommage à Piaf, la plus célèbre interprète francophone (1915-1963), à l'occasion du 50e anniversaire de sa mort. En 2012, elle a sorti un album intitulé «Kass chante Piaf». Depuis, elle fait une tournée mondiale, honorant plus d'une centaine de dates. Le spectacle s'ouvre avec une vidéo présentant tout le travail. Une sorte de générique, mettant en images quelqu'un qui écrit et des portraits d'Edith Piaf dans tous ses états. Patricia Kass débarque enfin sur scène, portant un manteau de fourrure noire, effilée, qu'elle enlève tout de suite, découvrant un imperméable beige qui évoque Paris et l'hiver. La voilà à genoux, comme pour faire une prière, chantant «Mon Dieu». Pendant ce temps, les rues de la capitale française défilent sur l'écran. C'est là où tout a commencé pour celle qu'on appelait «la môme». «Je veux démontrer que Piaf, c'est aussi beaucoup de chansons méconnues», explique, par la suite, la chanteuse. Ainsi, en plus des incontournables titres «La foule», «Hymne à l'amour», «Milord» et «Padam» s'ajoutent, entre autres, «C'est mon gars» et «Avec ce soleil». Le tout, avec quelques moments de théâtre, des changements d'accessoires et de costumes. La chanteuse avait imaginé quelque chose d'urbain. Elle voulait suggérer Paris des années 1930-1950, en ajoutant une touche de modernité. Elle a même fait appel à un danseur contemporain dont la prestation, à notre avis, ne collait pas du tout, ni avec le contexte, ni avec les chansons. La voix de Kass, quant à elle, glissait, saturait et dérapait. Rendre hommage aux émotions de Piaf, est une aventure si délicate. La musique et les arrangements étaient, pourtant, si beaux... Pendant tout le concert, le public n'a pas cessé de réclamer «Mon mec à moi», une des plus célèbres chansons de Patricia Kass. Mais celle-ci tenait à respecter le programme en hommage à la «môme». Même après les rappels, elle a tenu à poursuivre dans le même répertoire de Piaf. Qu'est-ce que ce public avait dans la tête ? Voulait-il du Piaf ou du Kass ? Apparemment, il n'était pas très à l'aise dans les deux à la fois. Mais ceci n'est qu'une lecture de pensée. A consommer avec modération.