Offre abondante. Mais la demande est nettement inférieure à la normale. Les préparatifs pour la fête de l'Aïd El Fitr n'arrivent pas à retrouver, cette année, leur ambiance habituelle. C'est plutôt l'indifférence presque totale. A quelques jours de l'Aïd, l'on ne se bouscule plus devant les comptoirs des pâtissiers. Les délices traditionnelles ont perdu quelque peu de leur valeur. Ce constat est tout à fait prévisible, légitime même. La conjoncture socio-politique actuelle est loin de constituer une motivation. Le pouvoir d'achat des ménages connaît de son côté une certaine chute libre, contraignant ainsi le consommateur à limiter significativement ses dépenses. Samedi 25 Ramadan, la plupart des pâtissiers ont soigneusement dressé leurs marchandises dans l'espoir de voir des clients se tenir en files indiennes. Mme Samoudi gère une pâtisserie de renom. Pour elle, les ventes propres à la deuxième quinzaine du mois saint ainsi que celles spécial Aïd el Fitr ont sensiblement chuté par rapport à l'année précédente. «J'avoue que nos gâteaux traditionnels sont plus chers que d'autres. Cependant, les Tunisiens avaient tout de même l'habitude d'acheter hlow el Aïd. Certains prennent même six ou sept kilos, sans se soucier du prix. Cette année, par contre, et depuis la deuxième quinzaine de Ramadan, j'ai remarqué une baisse palpable au niveau de la demande. Ainsi, notre chiffre d'affaires a chuté de 16% », indique-t-elle. Elle reconnaît ainsi qu'un bon nombre de clients limitent leurs achats à seulement un ou deux kilos de petits gâteaux traditionnels . Il faut dire que les prix des gâteaux traditionnels haut de gamme sont bien salés, en raison de l'augmentation des prix des ingrédients de base, notamment les amandes et les pistaches. La fourchette des prix des gâteaux traditionnels que propose cette pâtisserie va de 11dt à 70dt. Pour atténuer probablement l'impact de tels prix sur le client, la pâtissière expose de petits échantillons de gâteaux traditionnels en prenant soin de mentionner les prix pour les 100 grammes. Ainsi, ghraïbet el farina (sablés à base de farine) est à 1dt100 les 100 grammes. La jiljlaniya ( gâteaux traditionnels à base de graines de sésame ) coûte 2dt200 les 100 grammes. Les boulettes de pistaches sont à 7dt les 100 grammes. Les baklawa à base de pistache sont à 5dt les 100 grammes. Quant à l'assortiment de petits gâteaux à base de pistaches, il est à 5dt300 pour les 100 grammes. Mme Fériel est couturière. Cela fait des années qu'elle a renoncé à l'achat des gâteaux traditionnels spécial Aïd El Fitr. «Je trouve que les prix sont de plus en plus inaccessibles. Surtout que la qualité fait souvent défaut, en cette période de grande demande notamment. J'avais donc pris la décision de préparer moi-même les petits gâteaux spécial Aïd. Certes, je ne maîtrise pas toutes les recettes, mais je me débrouille assez bien pour régaler ma famille à un coût nettement moindre. Samsa, boulettes d'amandes, makroudh et ghraïba et le tour est joué. J'avoue, cependant, que la tâche n'est pas toujours évidente pour les femmes actives. Ces dernières n'ont pas toujours assez de temps libre à passer à la cuisine», fait-elle remarquer. Gâteaux à base d'amandes: plus chers que d'habitude Si certains pâtissiers tablent sur la qualité supérieure, d'autres misent sur la moyenne gamme dans l'espoir de gagner la clientèle de moyens revenus. C'est le cas de M. Laâroussi Haj Massoud . Ce pâtissier a choisi de se spécialiser dans les gâteaux traditionnels de moyenne gamme. Un choix qu'il trouve judicieux, surtout que le pouvoir d'achat des Tunisiens est en chute depuis des mois. «Mes gâteaux traditionnels sont destinés essentiellement aux clients à moyens revenus. Toutefois, même les produits de moyenne gamme sont touchés par la flambée des prix en raison de l'augmentation du prix des amandes. Ces dernières coûtent, en effet, entre 17dt et 20dt le kilo », explique-t-il. Ce pâtissier offre une large panoplie de petits gâteaux dont les prix varient entre 13dt et 27dt500. Malgré que ses produits sont moins chers que ceux que proposent d'autres pâtissiers, M. Haj Massoud s'inquiète sur l'avenir de son activité. «La demande est minime par rapport à l'année dernière. J'espère que les clients finiront par acheter , même à la dernière minute», ajoute-il. Malgré la régression de la demande en cette conjoncture totalement défavorable, il est difficile d'admettre que les Tunisiens sont près de renoncer à la joie de vivre. M. Khalil Degioui, pâtissier, trouve que le commerce des petits gâteaux spécial Aïd suit un rythme plutôt normal: les clients habituels affluent, depuis une semaine, à la pâtisserie. «La plupart des clients achètent entre deux et trois kilos de petits gâteaux. La baklawa et kaâk el warka occupent toujours la place de choix. Les autres gâteaux traditionnels servent surtout à embellir les plateaux de présentation», indique le pâtissier. M. Abderrahmen est un fonctionnaire. Il vient de faire l'acquisition de gâteaux traditionnels. «Franchement, j'ai acheté deux kilos rien que pour faire plaisir à mes enfants et pour servir les éventuels visiteurs. Le contexte national est tel qu'il nous est difficile d'oublier la situation de crise que vit le pays», indique -t-il amèrement. Pour Mme Wahiba, il ne faut surtout pas renoncer à la joie de vivre. «Il faut perpétuer nos traditions et défier la tristesse et la peur. Nous sommes appelés à faire preuve de force et de défi sinon nous nous n'en sortirons plus de cette sphère de déprime», s'exprime -t-elle avec ferveur.