Par Mohamed El Aïd LADEB Après de longues tractations dans le cadre de l'initiative parrainée par l'Ugtt en vue de faire sortir la Tunisie de cette crise de légitimité depuis l'abominable assassinat du martyr Chokri Belaïd, on vient d'annoncer que le parti Ennahdha est enfin prêt à accepter la démission du gouvernement Ali Laârayedh sans conditions. Certains ont crié victoire. D'autres sont sceptiques. En ce qui me concerne, je pense que nous sommes en train de vivre un autre honteux épisode des tergiversations d'Ennahdha qui n'aboutira à rien ou à presque rien, sauf à gagner du temps. Depuis l'assassinat de feu Chokri Belaïd et en vue de briser les vagues de colère du peuple tunisien, Hamadi Jebali, chef du gouvernement de la Troïka, a appelé à la formation d'un gouvernement de technocrates, idée dénoncée par les siens et notamment par M. Rached Ghannouchi. Par l'art du double langage dans lequel ce parti excelle, Ennahdha vient de démontrer qu'il est un as dans le jeu des tergiversations, du cache-cache et de la perte du temps. A ceux qui du parti Ennahdha lèvent l'étendard de la légitimité, il est utile pour eux de revenir aux déclarations solennelles et sans ambiguïté de leur chef Rached Ghannouchi dans l'émission télévisée «Essaraha Raha» du journaliste Samir El Wafi. Il a affirmé clairement que l'engagement pris par la Troïka de ne pas dépasser une seule année dans la préparation de la future Constitution est ferme et ne peut être mis en cause. Le réécouter maintenant vous donne une envie cruelle de vomir et de pleurer sur le sort que nous réserve pour demain Ennandha. Une envie cruelle de vomir parce que écouter un dirigeant d'un parti islamiste mentir et se cramponner à une soi-disant «légitimité électorale» alors qu'une partie du peuple a voté pour eux pour leur «probité», leur «moralité» et le respect de «l'engagement donné», il s'avère qu'ils sont les premiers à piétiner «l'engagement pris» et la «parole donnée». Une telle attitude ne vous inspire que l'écœurement et le mépris. Une envie de pleurer vous saisit sur le sort que réserve ce parti à la Tunisie pour la bonne raison que ses élus n'ont joué aucun rôle, fût-il le plus futile, dans le déroulement des événements qu'à vécus la Tunisie depuis le 17 décembre 2010 jusqu'à l'aboutissement du processus révolutionnaire le 14 janvier 2011. Ils ont quitté leurs exils dorés dans les palaces cinq étoiles, en Angleterre et en France, pour sauter sur le 14 janvier et l'accaparer, adopter ses slogans en vue de gagner les élections du 23 octobre 2011 pour ensuite renier les idées majeures de la révolution tunisienne, à savoir liberté, démocratie et dignité. Depuis que la Troïka s'est saisie du pouvoir, le chômage a triplé, l'insécurité règne, les attentats contre des hommes libres deviennent presque un élément «habituel» de la vie politique tunisienne et notre économie est sur le bord de la banqueroute. Il ne faut pas perdre l'espoir. Les forces vives de l'opposition, les militants de gauche, les députés démissionnaires de l'ANC, tous ceux qui depuis l'assassinat du martyr Mohamed Brahmi sont en sit-in devant la Chambre des députés du Bardo pour manifester leur mécontentement et leur colère et appeler à la réinstauration d'une vraie légitimité révolutionnaire, populaire et consensuelle sont les garants et les véritables dépositaires des idéaux de notre révolution : liberté, démocratie et dignité. A ce propos, il ne faut pas perdre de vue le vers de notre poète national Abou El Kacem Chebbi : «Si le peuple veut et tient à la vie, le destin ne peut qu'acquiescer». Aux faucons d'Ennahdha et leurs alliés, il est bon de leur souligner que la révolution du 14 janvier n'a pu avoir lieu que grâce aux sit-in populaires organisés partout dans notre pays et surtout grâce à la ténacité du peuple tunisien. Les autorités d'alors qualifiaient les militants des droits de l'Homme qui ont fait la révolution de «mercenaires» et de «hors-la-loi». Devant la volonté populaire claire et tenace criant le merveilleux slogan typiquement tunisien «Dégage», les jeux du pouvoir et des coulisses ne peuvent être que mesquins. Maintenant que le sang des martyrs tunisiens, de Lotfi Nagdh à Chokri Belaïd, à Mohamed El Mufti en passant par feu Mohamed Bahmi a coulé, maintenant que nos vaillants soldats et agents de la sécurité ont été égorgés, éventrés avec une inhumaine cruauté digne des peuples barbares, il est grand temps de rappeler à la Troïka et notamment à Ennahdha que c'est lui qui a violé la légitimité et trahi ses engagements écrits et signés par plus de onze partis. La révolution du 14 janvier 2011 n'est plus pour ce parti qu'un paravent pour cacher son attachement maladif au pouvoir. Les dés sont jetés. A bas les masques. Le peuple tunisien n'est pas dupe.