Par Amin BEN KHALED Les relations internationales — surtout lorsque l'enjeu se trouve au Moyen-Orient — sont conditionnées par une libido. Cette libido se résume ainsi : les grandes puissances calculent tout en fonction des enjeux énergétiques, essentiellement pétroliers et gaziers. Evidemment, comme dans toute démarche libidinale, les pulsions primaires sont voilées chez les acteurs par une rhétorique d'ordre moral. Le droit international, le Conseil de sécurité, les accords diplomatiques constituent des moyens «moraux» pour assouvir une finalité tout à fait naturelle et compréhensible pour toute grande puissance : assurer l'acheminement énergétique vers son propre territoire. Le conflit syrien, les positions européennes et russes en sont un parfait exemple. En effet, tant que le robinet du gaz se trouve au Kremlin, l'Europe n'a pas une grande marge de manœuvre au niveau des décisions qu'elle pourrait prendre concernant le Moyen-Orient. Pour les connaisseurs, il y a derrière tout ce vacarme géopolitique une guerre souterraine (au sens propre et figuré) entre la Russie (ou Gazprom) et le projet de gazoduc Nabucco (soutenu par les USA et l'Union européenne) qui, lui, peine à voir le jour. Ce dernier permettrait à l'Europe de contourner le monopole russe et puiser directement à partir de la mer Caspienne et réduire ainsi sa dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou. Cependant, un tel projet augmenterait le poids géopolitique d'un pays comme l'Iran, ce qui va encore compliquer la donne en donnant au régime des Ayatollah une place incontournable à l'échelle régionale et internationale. C'est la raison pour laquelle on commence, depuis quelques années, à parler d'un troisième projet d'approvisionnement du gaz qui partirait du Qatar, qui passerait par l'Arabie Saoudite, longera les côtes syriennes et de là, il se dirigera vers les rives européennes. On comprend pourquoi un tel projet et tant que Bachar (l'allié russe) demeure au pouvoir, ne peut pas voir le jour. Certains iront même jusqu'à dire qu'un tel projet ne peut se réaliser sans une réorganisation totale du Moyen-Orient. Le Kremlin le sait. Et il fera tout pour que l'Europe demeure toujours dépendante de lui (sauf pour la France qui n'est pas dans une situation de dépendance vis-à-vis du gaz russe, la dépendance se situe au niveau de 15% de la consommation globale, ce qui expliquerait peut-être le va-t-en-guerre de Hollande). Mais tout de même, cette dépendance au gaz russe se traduit aujourd'hui à travers la position de beaucoup de pays européens qui sont hostiles à toute action militaire contre la Syrie. Il ne veulent pas vexer le Kremlin, l'hiver se profile et le Tsar détient les secrets de la chaudière européenne.