Afin que nul ne meure (pour reprendre un titre de roman), il y a des personnes dont les noms ne peuvent s'effacer des souvenirs de ceux qui les ont connues et côtoyées et surtout ceux qui ont été élevés sous leur férule, si ce n'est trop dire. Borhane Erraïes — dont l'élégance et la prestance contrastaient avec la rigueur et la sévérité d'un homme qui, le premier en Tunisie, a fait un sacerdoce de l'éducation physique, et qui a «terrorisé» les Sadikiens dans les années 60, eux, jeunes collégiens, «piétinant» avec ingénuité, de leurs chaussures, la chamotte (parterre, s'il en est, réservé uniquement aux espadrilles) des terrains de sport qui jouxtaient l'aire de récréation de la cour Sud de Sadiki — avait de quoi troubler et rassurer en même temps les Sadikiens. Ses collègues de l'époque, feu Bob Saïdane, Anouar Osmane, Noureddine Kedidi, et on en oublie, ont suivi, dès lors, sans être pour autant déjà trop indulgents, cette tendance fort rigoureuse de respecter les terrains de sport. Borhane Erraïes était spécialiste de basket, ancien joueur à Ezzahra, ex-international et entraîneur, et, à ce titre, il a formé plusieurs grands noms de la balle au panier entre joueurs et entraîneurs, et généralement de grands enseignants d'éducation physique quand il a été nommé à la tête de l'Institut national d'éducation physique (Ineps). Et c'est là, véritablement, que son œuvre a été historiquement marquante : il a réformé et relancé le sport scolaire sur les bases les plus solides et on sait ce que cette politique a donné d'assises aux sports collectifs qui ont été le porte-drapeau du sport tunisien en Afrique dans les années 60. Il a été le premier à organiser les stages de formation et de recyclage de nos professeurs d'éducation physique qui sont devenus les plus recherchés pour exercer partout. Il a été un grand entraîneur — et joueur parfois malgré l'âge, pour forcer ses joueurs au meilleur rendement sur le terrain. Il a été formateur et instructeur, arbitre international de basket. De grands noms du basket lui doivent leur renommée et leur discipline dans leur comportement pour ce qu'il a su leur inculquer. Hélas, d'autres sirènes lui ont chanté la mélopée lancinante du retour. Il est reparti en France pour devenir un professeur émérite, président d'université et l'un des plus respectés de l'Hexagone où il vient de rendre l'âme. Ses ouvrages écrits ou coécrits restent une référence pour la recherche dans la bibliographie spécialisée. Les professeurs d'éducation physique, les anciens basketteurs, les vrais sportifs et enseignants d'une certaine époque ne peuvent oublier le «doux-terrible» Borhane Erraïes. Un petit hommage à un grand formateur.