Trois artistes tunisiens exposent leurs visions à dimension digitale et à caractère futuriste. Le 20 septembre, un vernissage de l'exposition de l'art graphique a eu lieu à la fondation de la Maison de Tunisie à Paris. Cette exposition, dont l'intitulé est Dig-Vision et qui se déroulera jusqu'au 11 octobre, est une exposition collective réunissant quatre artistes de différents styles et genres : trois tunisiens et un français (Mehdi Maiez, Zied Kochbati, Issam Smiri, et Timothée Mathelin) ont été invités pour exposer leurs visions à dimension digitale et à caractère futuriste. Nouvelle tendance, nouvelle rhétorique D'emblée, on est désagréablement surpris par deux choses déplaisantes : une absence régnante et un manque d'accueil désappointant. L'accueil n'était pas digne d'un vernissage, la chaleur y manquait... Et puis, on se demande où sont les artistes tunisiens qui vivent à Paris. Où sont les étudiants qui habitent la Maison de Tunisie? Les œuvres de ces artistes sont venues de Tunisie et méritent d'être accueillies par les Tunisiens résidant à Paris, artistes soient-ils ou banquiers. Ajoutons à cela un détail très important qui manquait : les titres des œuvres. Manque de professionnalisme, dira-t-on ... manque de communication, pense-t-on ! Bref, revenons à l'univers de ces œuvres. De prime abord, on discerne les empreintes graphiques de ces quatre artistes qui parviennent à installer un monde à touches futuristes, déconstructionnistes et rayonnistes. Leur composition de l'image met en scène une matière, une représentation, des couleurs et des stigmates qui sont à contre-courant du traditionalisme et des poncifs. Ainsi, rejetant toute esthétique traditionnelle, ces artistes se lancent dans un projet dont l'esprit signe la magnificence d'un monde moderne, futuriste. Cela étant, ces artistes, qui ont participé à des expositions nationales et internationales, ont voulu rendre hommage à une imagerie saturée de sens éclatés. Incontournable face-à-face Mehdi Maiez (pseudo WAKATANKA) est un graphiste diplômé des Beaux-arts de Tunis. Cet artiste talentueux était présent corps et âme. Derrière cette personne timide et placide, se cachent un bouillonnement et une énergie débordante. Ses œuvres dévorent les clichés et brisent les codes. Biscornus sont les têtes et les visages des portraits célèbres de la peinture mondiale : on voit une « Mona Lisa » avec une tête coupée, « La jeune fille à la perle » de Johannes Vermeer avec d'autres traits différés mais aussi des mégalocéphales, des corps humains et des têtes animales transplantées. Cette dernière liste est nommée « métamorphose animale ». Loin d'installer une dimension comparative entre la photo d'origine et l'image réincarnée, l'artiste propose une nouvelle grille de lecture, revigore autrement cet héritage de la peinture universelle. Ainsi, à travers ce regard sur les expressions du visage, on voit que cette œuvre est dérivée d'une élaboration subtile de montage surréaliste. De surcroît, changer les allures et les statures témoigne d'une réforme délicate d'une certaine esthétique de la réception. Zied Kochbati est un artiste polyvalent. Musicien, photographe, graphiste et acteur, Zied fait preuve d'une passion démesurée pour l'art. Sa passion atteint le ciel de Dionysos. D'ailleurs, on voit dans ses œuvres l'omniprésence du ciel, de l'eau, de la couleur bleue qui renvoient aux forces divines mais aussi de la fumée qui nous parvient comme une vapeur, symbole de l'union entre terre et ciel, entre l'horizontal et le vertical, entre le haut et le bas, entre le sacré et le profane. Ces fumées, qui sont dévoilées avec fluidité et prépondérance, ne sont qu'une représentation de l'esprit qui s'élève pour communier avec le divin. La fumée est là aussi pour représenter le surmoi et le spirituel sur les corps drapés de l'artiste. Issam Smiri est un artiste visuel qui fait partager un monde monstrueux et ironique. Riant de nos extravagances, ses œuvres nous rappellent les personnages titanesques de la mythologie grecque. Avec son scarabée « Chrysolina graminis », on discerne le symbole de la genèse et du devenir mais aussi l'incarnation du dieu solaire. On découvre aussi une image qui nous renvoie illico au Gargantua mythique esquissant ainsi un enthousiasme gigantesque mais philanthropique. Le renvoi au personnage nous invite à voir de près des lignes et des points survolant une imagination éclatée mais aussi une esthétique de la laideur très belle ! A travers ces trois artistes, le face-à-face entre l'humain et l'animal, le ciel et la terre, l'humain et le céleste, nous relate un long débat philosophique, un affrontement entre le réel et l'irréel, entre le concret et le fictif, entre le monde social et l'univers psychique. L'acte de travailler sur ces formes déréglées et tatouées à travers ce qu'on appelle la « photomanipulation », nous renvoie à la citation d'Ansel Adams qui note : «Tu ne prends pas une photographie, tu la crées». Errance futuriste Timothée Mathelin (pseudo SHIFT) est un designer graphique et illustrateur de pochettes d'album de musique et plus exactement de la musique électronique. La photo est pour lui une image qui repose sur l'aspect numérique, l'errance et la photographie éclatée. Ainsi, entre le visible-invisible, le voilé-dévoilé, on voit les oppositions génératrices de sens, dont l'habitus oscille entre la matière microscopique visible à l'œil nu, et l'atome immense qu'il déchiquète avec technicité et un savoir-faire formidables. Avec «From the Earth to the Skyscrapers» et d'autres belles images, l'artiste cogite sur le monde humainement riche, sur la quête incessante des valeurs profondes contre les signes artificiels qui encouragent l'individualisme et la société de consommation. En somme, toutes ces figures en mouvement révèlent une révolte tacite, une gymnastique plastique magnifiant par la suite une nouvelle splendeur du monde : celle de l'errance, de l'extase, de la vitesse et de l'énergie explosive et surdimensionnelle.