« Du temps où Laârayedh était ministre de l'Intérieur, on nous a même signifié de laisser tranquilles les brigades salafistes qui faisaient des rondes », révèle un haut gradé de la police Blessé, Bilel Azizi, un des agents de sécurité présents le jour de l'attaque, trouve la force de ramper quelques pas à l'extérieur de la guérite et tire sur les assaillants qui réussissent à prendre la fuite, à bord d'une Renault Symbol. Il était 22h30 mercredi, juste après le changement de postes de l'usine El Fouledh, se trouvant à proximité d'un croisement où une patrouille de police était postée. Quatre hommes cagoulés s'arrêtent, munis de kalachnikovs ainsi que de fusils infrarouges, ouvrent le feu sur les trois agents de sécurité, les traquant jusqu'à l'intérieur de la guérite. Atteint de balles mortelles, Mohamed Toujani, 23 ans, meurt sur le coup, tandis que son collègue Bilel est grièvement blessé. L'opération n'a duré que deux minutes... deux minutes de terreur. Nous les traquerons jusqu'au dernier Hier après-midi, les traces de sang des policiers étaient encore visibles dans la guérite, entourée de fleurs fraîchement apportées par des citoyens, qui n'arrivent pas à retenir leurs larmes. « On dit que le sang des martyrs a une odeur particulière, sentez moi ça ! 24 heures après, le sang est presque parfumé », fait remarquer un des agents postés dans le même endroit, non sans une certaine émotion teintée de rage. Neuf impacts de balles à l'intérieur de la guérite traduisent à la fois la violence de l'attaque et la puissance des armes utilisées lors de l'assaut. Pourtant, les dizaines d'agents de police présents hier pour assurer la sécurité des lieux ne disposent toujours pas de gilets pare-balles; livrés à eux-mêmes, ils affirment qu'ils se débarrasseront tôt ou tard de ces terroristes qui se prennent pour des musulmans. Il suffit d'une volonté politique « Même avec nos équipements dérisoires, nos cœurs sont remplis de foi et d'amour pour la patrie, n'ayez pas crainte au sujet de notre moral, il est au plus haut », confie avec assurance un capitaine de police, sans vouloir révéler son nom. Il affirme, sans vouloir trop insister, que dans les 5 postes de police de la région (cité Najah, Tinja, Mateur, Sejnane et Menzel Bourguiba), ils ne disposent que de deux voitures. « Mais de cela on ne veut trop parler pour des raisons évidentes de sécurité», nous dit-il. Peu à peu, les langues se délient et le ras-le-bol des agents surgit lorsque nous évoquons les cellules dormantes et leur capacité d'action. « Ni cellules dormantes, ni légendes vides de sens, avec un peu de volonté politique, nous traquerons jusqu'au dernier ces bas hommes !», s'engage le capitaine. Combien de fois avons-nous interpellé de dangereux salafistes, après, malgré des preuves accablantes ? Depuis quelque temps, nous avons même constitué nos propres archives, vidéos et photos, incriminant certaines personnes qui ont été relaxées par la justice ou dont l'instruction de l'affaire a été étouffée dans l'œuf par le procureur de la République. Au moment voulu, ces preuves sortiront ! A l'époque du ministre de l'Intérieur, Ali Laârayedh, on nous a même signifié de laisser tranquilles les brigades salafistes qui faisaient des rondes». Le capitaine déplore, par ailleurs, l'éviction d'un certain nombre de hauts officiers expérimentés de la police, à l'image de Moncef Laâjimi et de Samir Tarhouni (affecté à la formation). Crainte d'un scénario à l'algérienne Hier matin, une manifestation lycéenne accompagnée d'une délégation du Front du salut de la région est partie de la place des martyrs à Menzel Bourguiba en passant par la place du 14-Janvier pour dénoncer le terrorisme. Arrivés au district de la police, les manifestants ont offert des fleurs aux agents de sécurité, accompagnées d'une lettre de condoléances signée par le Front du salut national. « Des jeunes enthousiastes et encore sous le choc voulaient s'en prendre au siège d'Ennahdha à Menzel Bourguiba, nous avons réussi à les en dissuader et fort heureusement la marche s'est déroulée sans incidents », explique Adnane Tekaya, coordinateur général du Front du salut national. Selon lui, la population est encore sous le choc, certains se confient à lui, et disent craindre un scénario à l'algérienne où on s'attaquerait à des villages entiers. Impact collatéral de l'attaque, négligé par les autorités qui n'ont pas songé à installer des cellules psychologiques à Menzel Bourguiba. Plusieurs citoyens sont en proie à une dépression et à l'anxiété, surtout, dit-on, parmi la gent féminine.