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M. Moncef Marzouki, ou le clash de la communication politique
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 10 - 2013


Par Tawfik KANZARI
Voilà un homme dont le CV est plus que respectable. Un homme qui a brillé aussi bien sur le plan politique qu'académique. Son parcours est jalonné de prix, de reconnaissances, d'écrits, de discours et d'action politique. Sans oublier sa très bonne maîtrise des langues française, arabe et anglaise.
Sa vision philosophique du monde, exprimée dans ses différents écrits, s'inscrit dans un enracinement dans l'identité nationale, d'une part, et une ouverture sur les acquis de l'humanité dont les droits de l'Homme et les avancées sociales, économiques et technologiques, d'autre part.
Bref, un profil qui, de prime abord, paraît tout à fait présidentiable.
D'ailleurs, après la révolution tunisienne, d'aucuns pensaient que, pour être vraiment à la mesure de l'évènement, le prochain président ne pouvait être qu'un intellectuel doublé d'un militant des droits de l'Homme. Mohamed Moncef Marzouki était donc le président providentiel qui allait représenter et concrétiser les aspirations de cette révolution et, surtout, ouvrir cette nouvelle page pour l'écrire avec un nouveau style, un nouveau discours et une nouvelle image.
Malheureusement, la réalité n'a pas confirmé cette thèse ! Marzouki président, c'est la déception, la débandade, la débâcle....et la descente aux enfers. Que ce soit dans les sondages, dans les réseaux sociaux, dans les médias ou même dans le café du coin, Marzouki est critiqué, fustigé, raillé pour ne pas dire, carrément, ridiculisé. Mais que s'est-il vraiment passé pour qu'il en arrive là en si peu de temps ? Que s'est-il passé pour que cet homme concentre sur lui tout seul, ou presque, toute la phobie, toute l'aversion et toute la révolte que ressentent aujourd'hui les Tunisiens vis-à-vis de la classe politique de leur pays ?
Pour donner un début d'explication, on pourrait rappeler ce que disait l'écrivain canadien, Jean François Somain : «La politique est dure pour la survie des politiciens». (Les Grimaces. Editions TISSEYRE – 1975). Il est vrai que l'exercice du pouvoir, même avec des prérogatives limitées, peut user son homme. Mais dans le cas présent, l'existence de Marzouki au palais de Carthage ne dépasse guère les 19 mois. On ne peut donc parler d'usure.
En fait, le Président Marzouki a tout simplement raté sa communication politique. Souvent dans sa forme et parfois, carrément, dans son fond. Explications :
L'image aléatoire
Dès les premiers jours de son mandat, le nouveau Président semblait se soucier de son image et des signes qu'il peut adresser aux Tunisiens. Il s'est, donc, affublé de différents costumes et accessoires symbolisant la tunisianité (burnous, mdhalla...). Vu d'un certain angle, ce comportement peut exprimer une certaine symbolique et un message fort adressé aux Tunisiens.
A ce sujet, beaucoup de politiciens pensent que ces gestes demeurent anodins et n'ont pas d'impact sur l'essentiel. Pour eux, ce qui compte, c'est le discours et les choix politiques.
C'est là l'erreur du président Marzouki et de ses conseillers. Dans la gestion de l'image d'un personnage public, ces petites choses sont parfois plus décisives que les longs discours.
Dans cet exemple, l'erreur est double. D'un côté, le fait que Marzouki ait multiplié les accoutrements dès son accès à la présidence, alors qu'il ne s'était jamais montré en burnous ou portant une mdhalla durant sa campagne électorale, dénote d'un choix aléatoire de quelqu'un qui, brusquement, chercherait à séduire les Tunisiens par des raccourcis de premier degré.
D'un autre côté, le burnous et la mdhalla ont d'un coup disparu. Les conseillers du président lui ont, peut-être, fait savoir que ces accoutrements ont plutôt provoqué l'ironie et la moquerie. La disparition soudaine de ces accessoires est, en elle-même, une erreur grave. Elle a incrusté chez les Tunisiens un préjugé qu'il sera dur de déloger : « ce président est hésitant et il est encore à la recherche de son style... Bref, il ne sait pas ce qu'il veut !! ».
Combien d'hommes politiques dans l'histoire contemporaine sont connus et reconnus par le public grâce, justement, à un petit accessoire qui ne les quittait jamais ou presque. Qui ne connaît pas la casquette étoilée de Che Guevara, le «khadi» (costume indien) de Gandhi ou encore le cigare de Fidel Castro. Ces accessoires sont entrés dans l'histoire parce qu'ils collaient parfaitement à leur personnage et faisaient partie intégrante de leur image. Il s'agissait de choix réfléchis et cohérents. Par contre, le burnous et la mdhalla de Marzouki n'ont été, en fait, que des lubies sans consistance. Elles ont aggravé la fragilité de l'image de notre président. Son hésitation et ses improvisations finissent par conforter ses compatriotes dans leur jugement : «cet homme est hésitant, il ne sait pas ce qu'il veut !».
Aujourd'hui, et comme par enchantement, Marzouki ne porte plus le burnous ni la mdhalla; du coup, on le sent perdu, sans aucun style vestimentaire. On reconnaît et on retient l'image de Mao, de Che Guevara, de Hassan Nasrallah, de Bourguiba ou encore de Barack Obama, mais on ne connaît pas, encore, l'image du président Marzouki parce qu'elle est aléatoire et hésitante.
Voilà ce que peuvent engendrer ces gestes et ces comportements si anodins pour certains.
La posture incertaine
La posture de l'homme politique est parfois déterminante dans l'édification de son image auprès de l'opinion publique.
Le président Bourguiba, précurseur dans la communication politique, savait qu'il était petit de taille et s'arrangeait toujours pour paraître grand, même en présence du géant Charles de Gaulle. Tout était dans la posture, l'attitude et le port de tête.
Dans son livre : «Du temps de...Mémoires africaines» (L'Harmattan, coll. «Mémoires africaines», 1987), l'écrivain et poète sénégalais Birago Diop raconte que Le ministre sénégalais de l'Intérieur, Abdoulaye Fofana, qui s'apprêtait à rencontrer le président Bourguiba pour la première fois, lui demanda, sachant qu'il connaissait le président tunisien :
‘Dis-moi Birago, quelle taille Bourguiba a-t-il ?
Birago répondit spontanément : Bourguiba ?!!!... Il a la taille de celui qui lui parle ».
Aujourd'hui, beaucoup de Tunisiens, particulièrement ceux des nouvelles générations, ne savent pas que Bourguiba était petit de taille car il a toujours renvoyé l'image d'un «grand», au figuré, bien sûr, mais aussi au sens propre.
Quant à la posture du président Marzouki, le moins qu'on puisse en dire est qu'elle est incertaine. Cela passe de l'attitude trop décontractée à l'attitude crispée de quelqu'un qui est brusquement absent, fixant le plafond pour de longues minutes, sans aucun égard pour ceux qui l'entourent et sans aucune explication. Les Tunisiens se demandent encore, non sans moquerie: «Mais que cherche-t-il au plafond ? »
Assis, debout, marchant ou prononçant un discours, le président Marzouki a déployé une panoplie de postures plus intrigantes les unes que les autres. Ces postures sans contenance ont encore affaibli son image confirmant davantage, auprès de l'opinion publique, ce caractère hésitant et indécis.
La parole irrésolue
Malgré une bonne maitrise de l'écriture et des langues arabe, française et anglaise, l'homme s'est distingué, durant ces derniers mois, par un tâtonnement au niveau des discours prononcés. Parfois utilisant le dialecte tunisien avec des métaphores désastreuses comme celle de la «Calsita», et d'autres fois, et sans justification protocolaire, recourant à l'arabe littéraire avec un débit monotone et saccadé trahissant souvent un manque de conviction.
Le ton est souvent trop sérieux et trop académique pour ne pas dire triste. Par moments, Marzouki opte, brusquement et sans justification, pour un ton bruyant et guerrier suscitant des rires étouffés parmi l'assistance sans oublier les blagues et commentaires sarcastiques du lendemain sur les réseaux sociaux et dans les médias.
S'ajoute à cela cette manie des «trilogies» qui consiste à répéter trois fois certaines expressions. C'est gratuit et superflu. En tout cas, l'effet est encore une fois catastrophique pour son image, et le sujet des trilogies marzoukiennes est un autre objet de moquerie, ouvrant une nouvelle brèche dans cette image non encore construite et déjà en faillite.
Quant au contenu de ses discours, on peut redire les mêmes griefs par rapport à leur timing et à leur pertinence. Aussi bien pour l'affaire de la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie que pour celle des graines (al boudhour) qui ont été volées, ou encore, récemment, ses positions par rapport à la situation en Egypte, les positions sont improvisées et compromettantes.
Maîtriser son discours, c'est maîtriser sa voix et son rythme. C'est, surtout, se donner un style sans équivoque, objet d'un choix clair et résolu. Si on se rappelle les discours célèbres de Abdennacer, de Bourguiba, du Général de Gaulleo ou de Hitler ou encore les discours «décontractés» de Barack Obama, c'est parce que ces leaders ont, justement, opté pour un style et l'ont résolument érigé comme une marque déposée.
Le président Marzouki n'a malheureusement pas eu l'intelligence d'un bon communicateur qui doit penser aussi bien au fond qu'à la forme de son discours.
Pour les spécialistes en communication, le cas Marzouki est aujourd'hui presque classé, étant obsolète avant terme. Son image est tellement délabrée qu'il serait difficile de la restaurer, et il ne faut pas être un spécialiste de la politique ni des sondages d'opinions pour pouvoir préjuger de sa chute vertigineuse dans le cœur des électeurs. Pourtant, l'homme partait avec quelques atouts évidents.
Ses conseillers en communication qui, semble-t-il, ne maîtrisent pas leur sujet (seraient-ils débordés par leur patron ?), pourraient réfléchir à une remise à zéro du compteur. Si l'homme veut vraiment sortir indemne de cette expérience, il faut qu'il change tout, ou presque. Une règle d'or en communication dit, toutefois, que nous n'avons pas deux fois la chance de faire une bonne première impression.
Gageons que l'expérience du président Marzouki sera, au moins, retenue par nos politiciens comme une bonne leçon. Ils doivent savoir que, de nos jours, qu'on le veuille ou non, on a beau être le plus grand militant, le plus fin politicien ou le plus grand patriote, on peut tout rater si on n'a pas une stratégie claire de communication.
T.K. (Communicateur)


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