L'imagination n'a pas de limites, grâce aux réseaux sociaux, elle s'est mondialisée. En réponse à la violence en Turquie, des milliers de jeunes ont répondu par une dynamique quasi artistique, une danse, à Istanbul, des jeunes s'identifient au mouvement internationaliste «Occupy Movement» et créent «Occupy Gezi», un bal avec des masques de protection contre le gaz lacrymogène, des tangos le soir contre les bâtons et les jets d'eaux, la lutte contre les abus du pouvoir. Récemment, au Maroc, des adolescents amoureux ont mis en ligne leur photo en train de s'embrasser dans la rue, le jeune couple et le photographe ont été condamnés pour atteinte à la décence publique. En signe de solidarité, il y a eu un mouvement de baisers dans les villes du royaume, des milliers de couples se donnant le baiser solidaire devant le parlement de Rabat et devant l'ambassade du Maroc à Paris, «Freeboussa» a fait le tour des réseaux sociaux de par le monde. Mercredi 30 octobre, Sousse. Une nouvelle forme de violence secoue le pays : les attentats en milieu urbain. Un jeune homme, jihadiste kamikaze, «guerrier illuminé», ceinturé d'explosifs, a risqué de commettre un attentat dans un hôtel, frappant ainsi au cœur de l'économie. Empêché d'entrer, fuyant, il s'est fait exploser le corps sur la plage, sans faire de victimes. Devant le cadavre de ce semeur de mort, la population dans son ensemble fut ébranlée, le tueur a manqué sa cible, les touristes sont rassurés, peu parmi eux quitteront le pays, mais le fait est là, le terrorisme est entre nos murs, la psychose aussi. Pendant que là-haut, autrement dit dans les bureaux du ministère de tutelle, les responsables se penchent sérieusement, prenant le temps qu'il faut pour créer une cellule de crise, la Fédération tunisienne des agences de voyages (Ftav) a réagi vite à l'ignominie de l'attentat, mettant à disposition des clients et des employés de l'hôtel des psychologues, elle a aussi installé à l'hôtel un numéro de téléphone vert destiné aux clients pour rester en contact avec leur famille. A Sousse, le peuple d'en bas ou la société civile, dans un pressentiment à vif, avec une conscience aigüe du danger, réagit en montant un bouquet d'actions imaginées et exécutées le lendemain et les jours qui suivirent l'acte odieux. Un mouvement pacifique est créé pour régler son compte au terrorisme, non pas par la violence, mais par une résistance à celle-ci, par la musique et la joie de vivre. Jeudi 31, l'après-midi, sur la plage Boujaâfar, là où le kamikaze s'est fait exploser, la troupe «El Bahth Moussiki» « Recherche musicale » de Gabès, animée par Nebrass Chammam, a organisé un concert en signe de solidarité. Chants, danses, mots d'ordre qui exaltent la patrie. Musiciens, citoyens et touristes unis, solidaires contre le mal. Des variations sur le thème de la résistance pacifique. Quelques instants plus tôt, à la plage de Boujaâfar sur les mêmes lieux où le jeune s'est fait exploser, une affiche invitait à « Se baigner et se baigner encore» en référence à la vocation balnéaire et touristique de la ville. Les habitants de la région se sont tous donné rendez-vous pour une baignade en commun. Une trempette pour tout le monde en maillot, malgré une météo plutôt défavorable, une baignade symbole contre la tristesse, l'amertume et la résignation. Ambiance. Le lendemain une marche a réuni jeunes et moins jeunes, nationaux et touristes. Slogans anti-terrorisme et anti-violence. Le même jour, réaction à Djerba où un promoteur annonce la création d'une association composée de différentes compétences spécialisées dans les secteurs touristiques. «L'Association pour un tourisme intelligent» a notamment pour objectifs de secourir les touristes et de rassurer les habitants victimes d'attentats . Sans doute, ces marcheurs, ces baigneurs, ces musiciens, ces patriotes dévoués ne peuvent pas résoudre tous les problèmes, ils le savent, mais leurs participations, leurs actions sans ambitions démesurées, montrent aux yeux du monde qu'il existe des humains qui ont conservé leur enthousiasme pour la vie. Ils défendent et assurent leur dignité.