L'article 37 voté sur fond d'indignation d'une partie de l'hémicycle. Le projet de Constitution foulé aux pieds par certains élus. On aura tout vu... Des députés qui jettent par terre le projet de Constitution, c'est l'image qu'on gardera de la séance plénière d'hier. C'est à la suite de l'adoption de l'article 73, relatif à la candidature à la présidence de la République. Outre la suppression de la limite d'âge (sans grande émotion), l'article 73, adopté dans sa version finale, permet à un citoyen portant une double nationalité de se présenter à l'élection présidentielle. Karima Souid (élue des Tunisiens à l'étranger) crie victoire, mais un certain nombre de députés crient au scandale. A leur tête, Abdellatif Abid et Abderrahmane Ladgham. L'article prévoit cependant l'obligation pour le candidat de s'engager à abandonner sa deuxième nationalité, une fois élu. La séance d'hier devait aussi entériner les différents compromis trouvés au sein de la commission réunissant les présidents des blocs parlementaires (il s'agit des articles 10, 38, 62, 64, 73, 86, 107 et 108). Sur l'essentiel, ces derniers ont abouti à une série de consensus, notamment autour de l'article 38, sur l'éducation. Les élus ont choisi de garder «l'ancrage dans l'identité arabo-musulmane et la promotion de la langue arabe», tout en garantissant «l'ouverture sur les autres langues». L'article 38 deviendrait ainsi : «L'Etat garantit le droit à l'enseignement public et gratuit dans tous ses cycles et veille à offrir tous les moyens nécessaires pour promouvoir la qualité de l'enseignement, de l'éducation et de la formation. Il veille, également, au renforcement et à la généralisation de la langue arabe, outre l'enracinement de la jeunesse dans son identité arabo-islamique et l'ouverture sur les langues étrangères, les civilisations et la culture des droits humains». L'article 6 des dispositions générale reste, lui, litigieux. Les partis de sensibilité islamiste, ainsi qu'un certain nombre de dignitaires religieux (le Conseil supérieur islamique), continuent à lancer des appels pour «épurer» la Constitution de la «liberté de conscience» et de la «criminalisation des accusations de mécréance». Si la députée de Afek Rim Mahjoub concède que la «criminalisation des accusations de mécréance» est sans fondement constitutionnel, elle ne voit aucune raison de retirer la «liberté de conscience». Considérée comme un acquis par l'ensemble des députés démocrates, la consécration de la liberté de conscience continue à susciter des réactions quelque peu populistes. «C'est une invitation à la secte des adorateurs de Satan d'exercer leurs rituels en plein jour», prévient Azed Badi, président du groupe Wafa. Les islamistes (Mahaba, Wafa, Ennahdha) ont, en outre, demandé à interdire, dans la Constitution, «l'atteinte au sacré». Rappelons que la «criminalisation des accusations de mécréance» avait été constitutionnalisée sur le coup de l'émotion suscitée par les propos du nahdhaoui Habib Ellouz à l'adresse du frontiste Mongi Rahoui. D'un autre côté, un consensus a été enregistré autour de l'article 35 sur le droit de grève, tout en le prohibant pour les forces armées. Quant aux dispositions transitoires, elles restent à l'étude entre les différents blocs parlementaires. La réunion des présidents de groupes n'a, en effet, pas encore tranché la question relative à la chronologie des élections législatives et présidentielle. «Al Massar et le Front populaire défendent l'idée d'élections législatives avant la présidentielle. Nida Tounès, Ettakatol et le CPR souhaiteraient voir l'élection présidentielle se tenir avant les législatives. Enfin, le parti Ennahdha estime qu'il serait plus sage d'opter pour une simultanéité des deux suffrages», résume Karima Souid, chargée de l'information, de la communication et des relations avec les médias au sein de l'ANC.