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Disparités régionales, le cas du Nord-Ouest
Opinions


Par Brahim Oueslati
«L'Etat œuvre à la réalisation de la justice sociale, du développement durable, de l'équilibre entre les régions, en se référant aux indicateurs de développement et en s'appuyant sur le principe de discrimination positive. Il œuvre également à l'exploitation rationnelle des richesses nationales». Article 12 de la nouvelle Constitution
Dans son discours d'investiture, le nouveau chef de gouvernement, Mehdi Jomâa, a clairement défini ses priorités pour cette troisième et, espérons-le, dernière période transitoire: le rétablissement de la sécurité et de l'autorité de l'Etat, la relance économique et le développement des régions et la réduction des déséquilibres entre elles. Ce dernier élément a, toujours, figuré dans la politique des gouvernements successifs depuis les premières années de l'indépendance et un ministère lui a, même, été consacré et qui vient, malheureusement, d'être supprimé par l'actuel locataire de La Kasbah. Tant il est vrai que les disparités entre les régions se sont approfondies, au fil des années, au point de devenir criardes. Ce qui n'a pas été sans répercussions puisque les mouvements sociaux qui ont souvent dégénéré en soulèvements et émeutes ont, depuis la révolte d'Ali Ben Ghedhaham, menée en 1864 contre le pouvoir beylical, éclaté dans les régions déshéritées du Sud, du Centre et du Nord-Ouest(1).
Le Nord-Ouest, qui regroupe quatre gouvernorats, Le Kef, Jendouba, Béja et Siliana, est l'une des régions qui n'ont pas bénéficié d'une véritable stratégie de développement basée sur une approche rationnelle tenant compte des atouts naturels et des ressources humaines. Couvrant une superficie d'un peu plus de 16.000 km2, soit environ 10% de la superficie totale du pays, le Nord-Ouest assure plus de la moitié (60%) de la production céréalière nationale, renferme 75 % des réserves d'eau et dispose de 40% des ressources forestières du pays. Des richesses naturelles qui font de la région «le château d'eau, le grenier et le poumon de la Tunisie ». Son sol a recelé, jusqu'à un passé récent, des richesses considérables en zinc, phosphate, plomb, fer, barytine. Plusieurs sites miniers, maintenant fermés, ont longtemps constitué de véritables recours pour une population à la recherche d'emplois stables. Aucune stratégie de substitution n'a été initiée pour remplacer ces gisements. La proximité de la forêt et de la mer, Aïn Draham et Tabarka notamment, et une archéologie qui témoigne d'une histoire fort ancienne, numide, carthaginoise et romaine devaient assurer à la région un avenir touristique prometteur. Des noms comme Sicca Veneria (Le Kef), Mdaina, Bulla Regia, Mactaris (Makthar), Dougga, de son nom antique Thugga, la table de Jugurtha (Kalâat Senen)... qui témoignent de la présence d'anciennes civilisations, sont peu connus et très peu visités.
En même temps, de toutes les régions de la Tunisie, c'est celle où «la population a été la plus paupérisée et la plus déracinée» (2). En 1980, la population des quatre gouvernorats représentait 16% de la population totale du pays. Plus de trente ans après, elle ne représente plus que 8%. L'explication se trouve dans l'exode massif vers les grandes métropoles, Tunis surtout, mais aussi vers l'étranger, lequel exode s'est accéléré tout le long des trois dernières décennies au point que la région connaît le plus faible taux de croissance du pays avec 0,7 % contre 17,1 % pour le grand Tunis, par exemple.
Une infrastructure de base inhibitrice
Au lendemain de l'indépendance, la population du Nord-Ouest était à 85% rurale. C'est pourquoi la région a bénéficié, essentiellement, de trois programmes de développement: la sauvegarde du milieu écologique avec la lutte contre l'érosion et la protection des zones forestières, la mise en place de programmes de scolarisation et de santé publique et la modernisation de l'agriculture avec la transformation des anciennes fermes coloniales en coopératives de production. Côté industrie, la région n'a pratiquement bénéficié d'aucun effort, avec, seulement, la création en 1960 d'une modeste usine de sucrerie à Béja et un peu plus tard, en 1980, de la cimenterie Oum El Klil à Tajerouine. Ce qui a, énormément, handicapé le développement industriel de la région et les quelques entreprises privées de petits formats et génératrices de peu d'emplois n'ont pas réussi à avoir «un effet d'entraînement et de croissance régionale» (2). L'infrastructure de base, par ailleurs inhibitrice et paralysante parce qu'elle ne s'est pas développée de manière soutenue, a fait que les efforts d'investissement sont restés modestes eu égard aux énormes difficultés de transport, notamment, qui font que la région n'attire pas les gros investisseurs tunisiens ou étrangers. Il a fallu attendre plus de 50 ans pour que le Nord-Ouest soit doté d'un tronçon de 66 kilomètres d'autoroute et un début de modernisation du réseau de transport ferroviaire. De même, les modestes investissements sociaux se sont avérés insuffisants pour améliorer la qualité de vie des habitants et réduire un chômage de plus en plus persistant et endémique avec, actuellement, des pics de près de 45% parmi les jeunes, un taux de pauvreté des plus élevés et une paupérisation du monde rural. La scolarisation massive n'a pas suffi à réduire les inégalités avec les autres régions et les gouvernorats de Jendouba et Siliana ont, souvent, figuré en bas du tableau de classement des résultats des examens nationaux et notamment le baccalauréat. Deux indicateurs suffisent à illustrer ces inégalités, un bachelier du Nord-Ouest a 0,7 % de chance d'accéder à une filière médicale contre une moyenne nationale de 1,7 %, et 6,3 % de chance d'accéder à une filière d'ingénieur contre une moyenne nationale 8 %. «Les régions défavorisées ne connaitront pas de réel développement sans développement de leur capital humain, et il ne servira pas à grand-chose de «greffer» des projets à coups d'investissements si ces régions ne disposent pas d'un capital humain capable de mener le développement» (3). Les compétences, même parmi les enfants de la région, rechignent, pour la plupart, à s'y installer, la privant d'un apport de développement certain.
Sur le plan politique, la région du Nord-Ouest n'a pas, non plus, été privilégiée. Depuis le premier gouvernement Bourguiba, en avril 1956 et jusqu'à la fin du gouvernement Laârayedh (janvier 2014), elle n'a fourni que 13 ou 14 entre ministres et secrétaires d'Etat. Mais, aucun dans l'actuel gouvernement. Peut-être bien que la représentation régionale n'a pas figuré dans les critères de choix de Mehdi Jomâa, mais de là à oublier toute une région laisse, vraiment, pantois. Certes, un membre de gouvernement ne représente pas une région, mais, comme tout être humain, il a un faible pour sa terre natale à laquelle il se sent toujours attaché et pour laquelle il n'hésite pas à faire du lobbying auprès de ses collègues et à la privilégier au détriment d'autres. L'élément régional, faut-il le rappeler, a constitué, pour Bourguiba, un des critères les plus importants dans le choix des ministres, lui qui n'avait de cesse d'appeler au rejet des sentiments tribal et régionaliste. Mais ni lui, ni son successeur n'ont réussi à réaliser une représentativité équitable au niveau des gouvernements successifs, pas plus que les gouvernements de transition, favorisant des régions au détriment d'autres. «Et il est notoirement connu que la ou les régions qui monopolisent le pouvoir exécutif sont les mieux nanties sur les plans politique, social et économique»(1).
Et pourtant! Le Nord-Ouest présente des caractéristiques communes qui permettent d'approcher de manière efficace un développement intégré au niveau de l'ensemble de la région. L'équilibre régional nécessite une nouvelle vision du modèle de développement. Et c'est au gouvernement de montrer l'exemple en initiant un modèle de développement qui prenne en compte les atouts de la région et ses potentialités en ressources humaines et naturelles et leur valorisation optimale. Avec des secteurs comme l'agroalimentaire, les carrières, les mines (Sra Ouertane attend encore d'être exploitée), mais aussi le tourisme avec le pole Aïn Draham-Tabarka, l'université de Jendouba créée en 2003 et censée constituer un moteur de promotion, elle peut prétendre à une véritable « stratégie de développement » s'inscrivant dans le long terme et participant d'une approche prospective et efficiente et non «d'une approche misérabiliste qui s'inscrit dans une optique de sauvetage». «Il est impératif, en effet, de valoriser le potentiel dormant de la région qui n'a pas été jusque-là suffisamment exploité et exploré». Dixit Chadli Ayari.
1 : Lire le livre de Mounir Charfi, «Les ministres de Bourguiba».
2 : Lire Habib Attia, «Problématique du développement du Nord-Ouest tunisien» In revue de l'occident musulman et de la Méditerranée n° 41-42 pages 264-282).
3 : Institut arabe des chefs d'entreprise : «Les inégalités régionales et sociales dans l'enseignement supérieur, Mohamed Hedi ZAIEM


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