Initiative d'une association, une rencontre a réuni, samedi dernier, autour de la diversité religieuse en terre de Tunisie. On ne le sait pas trop, mais la première semaine du mois de février est consacrée par l'ONU «Semaine mondiale de l'harmonie interconfessionnelle». Et c'est pour honorer cette date que l'association Tounes Al Fatet a organisé, en collaboration avec la Fondation allemande Konrad Adenauer, une rencontre intitulée «Fils d'Abraham sur la terre de Tunisie». Cela se passait samedi dernier à l'hôtel Africa, à Tunis. Président de l'association organisatrice, le jeune Hamza Amor explique que le thème du rapprochement interconfessionnel n'est pas une préoccupation exclusive, mais qu'il figure quand même à l'agenda des rencontres organisées. Apparemment, avec une certaine part d'audace, puisqu'il est question d'organiser, prochainement, une manifestation autour de la figure de Hassan El Banna, le fondateur des Frères musulmans... «Nous faisons parler les uns et les autres, sans préjugés», déclare-t-il. Une option très louable, à l'heure où certains cherchent à remettre au goût du jour la contrainte d'une pensée unique, avec ses nouveaux interdits... Après la session inaugurale, la rencontre avait prévu un «rapport introductif», dont s'est chargé l'universitaire Néji Jalloul... Occasion d'une incursion dans le passé à travers lequel on apprend que le monolithisme religieux de notre pays relève peut-être davantage du mythe que de la réalité. De nombreux témoignages, souligne le conférencier, existent qui attestent d'une cohabitation pacifique entre musulmans, chrétiens et juifs dès l'époque de l'Imam Sohnoun, chantre du sunnisme malékite en terre maghrébine... C'est surtout avec l'époque hafside que l'on assiste à une crispation sur elle-même de la communauté musulmane et un recul de la tolérance. Ancien directeur de l'Institut des belles lettres arabes et grand connaisseur de la littérature tunisienne, Jean Fontaine a pris ensuite la parole. Avec pour mission de montrer que les Pères blancs, dont il fait partie, constituent une composante de la culture tunisienne. Ce qui supposait, assurément, que l'on fît un détour du côté de l'expérience de la revue de l'IBLA... Et que l'on rappelât ses prises de position contre le colonialisme dès le début des années 50, sa défense des élèves exclus par les autorités du protectorat pour cause d'activisme politique... Mais aussi l'engagement de la congrégation en faveur des thèses de Tahar Haddad. Jean Fontaine rappelle, à ce sujet, que les réactionnaires de la Zitouna avaient même prétendu que le livre de Tahar Haddad sur la femme avait été écrit par les Pères blancs. Il y a donc un paradoxe au sujet du christianisme, ou plus exactement des Pères blancs, qui se sont installés en Tunisie dans le sillage de la colonisation à la fin du XIXe siècle, mais qui se sont ensuite démarqués de l'expérience coloniale. C'est également vrai de la communauté juive, dont la conférence reviendra sur sa participation aux luttes nationales aux côtés des «musulmans»... Belle initiative, en tout cas, qui a permis de découvrir l'éclairage, sur ce thème de la diversité confessionnelle en terre tunisienne, d'intellectuels comme Habib Kazdaghli, Kamel Chaouachi, Jacob Lelouche, Amel Grami...