Par Soufiane BEN FARHAT Les priorités du gouvernement Mehdi Jomâa sont de plus en plus évidentes. Tout d'abord, le repositionnement international. Le gouvernement multiplie les initiatives et les signaux forts abondent dans ce sens. Il s'agit de trancher net avec le suivisme à l'égard des pays du Golfe et d'autres satellites et maîtres du jeu dans le sanglant conflit syrien notamment. L'incurie et les bourdes caractérisées du gouvernement de la défunte Troïka et de la présidence de la République avaient fait sombrer la diplomatie tunisienne. Cela a vicié notre relation millénaire avec l'Egypte également. L'illustre et le panache de la diplomatie tunisienne y ont perdu au change. Au point de nous faire figurer comme de ternes comparses, sinon des pions en bonne et due forme sur l'échiquier international. Côté interne, le chef du gouvernement a multiplié les réunions significatives. Tel fut le cas avec le Quartet chapeautant le Dialogue national, l'Instance supérieure des élections ou l'instance de régulation des médias audiovisuels. En somme, les initiatives extérieures tendent à rassurer nos partenaires classiques et, bien évidemment, rebooster les flux financiers et commerciaux. Ceux-ci avaient été sinon grippés du moins lourdement entravés, suite aux tergiversations et aux positionnements malencontreux du gouvernement de la Troïka et de la présidence de la République. Côté interne, les attributs de la tenue d'élections libres, transparentes et souveraines font l'objet d'un intérêt marqué. Seulement, il est nécessaire de rappeler d'autres priorités et urgences. Le gouvernement devrait s'y atteler. En premier lieu, les élections ne sauraient être tenues à défaut de financement. Le budget de l'année en cours n'a strictement rien prévu pour le scrutin. Pourtant, le budget du ministère des Affaires religieuses y a été gonflé démesurément. A en croire qu'il s'agit d'un ministère de souveraineté par excellence. Interrogés à ce propos, des constituants avaient parlé d'un article «Evénements et imprévus» qui pourraient être diligentés à cet effet. Or, les élections devant enfanter des constitutions pérennes et souveraines de la IIe République ne sauraient être libellées au titre des imprévus. Une loi de finances complémentaire devrait y parer. Sur un autre plan, on observe jusqu'ici une certaine lenteur gouvernementale sur le chapitre de la dissolution des ligues dites de protection de la révolution. Pourtant, c'est l'une des exigences fondamentales de la feuille de route du Dialogue national. C'est même une espèce de mandat obligatoire pour le nouveau gouvernement. Et ledit mandat ne saurait souffrir les temporisations ad aeternam, ou les tergiversation malintentionnées. Autrement, toute élection est vouée à l'échec. Le temps est un facteur essentiel en politique, M. Mehdi Jomâa doit surtout se prémunir contre l'ivresse de l'uniforme, maladie sénile de la politique. Plus l'on s'agrippe aux sièges et dignités, plus leur effet contre-productif est patent. Et surtout destructeur. C'est, sans doute, bien d'arpenter à pied l'avenue Habib-Bourguiba le samedi après-midi et de bavarder avec les citoyens. Cela peut dégourdir les jambes et permettre de goûter aux délices du vedettariat dû au pouvoir. Mais cela n'enfante guère de bonne politique. M. Mehdi Jomâa et ses ministres le savent parfaitement, les citoyens ont surtout besoin de préservation de leur pouvoir d'achat, de sécurité et de garantie d'élections libres et transparentes. Le chantier est immense. Le plus tôt on s'y attelle, le mieux ça sera. Pour que l'on n'arrive pas à la situation du type à qui l'on a demandé s'il préférait sa défunte mère ou sa belle-maman, et il répondit : «Je préfère ma belle-maman et ce qui est dans le cœur et dans le cœur».