La vie des Tunisiens a bien changé et il faut que l'on s'adapte avec le nouveau mode de vie dont la sédentarisation est le côté le plus marquant Pour un pays comme la Tunisie à la superficie agricole limitée et où les terres les plus fertiles et les mieux arrosées se trouvent dans sa partie nord, toute parecelle de terrain susceptible de produire doit en toute logique être protégée car il y va de la nourriture des Tunisiens et de leur indépendance alimentaire. Mais, force est de constater que les terres agricoles connaissent depuis des années un assaut sans précédent du béton qui gagne du terrain en dépit des lois interdisant les constructions à usage commercial ou d'habitation. Des dizaines de milliers d'hectares des terres les plus riches ont disparu pour voir naître des villages et des cités. Dès qu'il y a un tracé routier, c'est le béton qui déferle des deux côtés de ce tracé. Le plus souvent c'est dans l'anarchie que cela se passe d'autant plus qu'il y a une démission totale ou presque des services administratifs chargés de l'application de la réglementation en vigueur et qui interdit expressément le changement de vocation de ces terres à moins d'un déclassement légal et qui doit se faire selon des conditions qui ne souffrent aucune anomalie de quelque genre que ce soit. On laisse faire ! Les environs de la capitale, jadis terres de maraîchage et de vergers, ont au fur et à mesure changé de vocation pour devenir des cités où s'intassent des centaines de milliers d'habitants. Il n'y a rien d'anormal au vu de l'évolution démographique qu'avait connue la Tunisie durant les trois décennies post-indépendance, et aussi à l'urbanisation d'une grande partie du monde rural. La vie des Tunisiens a bien changé et il faut bien que l'on s'adapte avec le nouveau mode de vie dont la sédentarisation est le côté le plus marquant. Mais ce qui ne l'est pas c'est cet envahissement dont sont victimes les terres assez éloignées du centre de la métropole et qui se trouvent à près de vingt kilomètre à la ronde (Mornag, Naâssane, Jbel Rssas, Mornaguia, Borj El Amri, etc. Envahissement qui n'obeit à aucune réglementation. Le nouveau tracé de la route menant vers le Nord-Ouest et dont on voulait décongestionner Mornaguia est devenu le centre d'activité principal sur ses deux bords. Après les stations-services, sont venus se greffer des ateliers, des usines même, des habitations individuelles, une nouvelle cité est née et pour compléter ce tableau, la municipalité n'a pas trouvé mieux que de déplacer l'aire du marché hebdomadaire de ce côté-là ! Tout cela s'est fait au détriment de centaines d'hectares de terre destinées aux cultures maraîchères et à la céréaliculture. L'autre exemple, et dont les conséquences sont encore plus catastrophiques, touche au Sud de Tunis. Là c'est le grand capital qui détruit tout. On achète les terrains à tour de bras et aux prix forts. A Mornag, région arboricole par excellence, les vergers sont morcelés pour être vendus à tel ou tel particulier pour y bâtir sa résidence secondaire. Cela devient un lieu de villégiature après avoir été une zone agricole de premier plan où on pratiquait des cultures variées. Jbel Rssas n'est pas non plus épargné, les résidences clôturées, et dont on ne voit rien de l'extérieur, sont dotées de piscines, d'aires gazonnées pour soirées arrosées et différents jeux et loisirs. Tout cela aux dépens d'une agriculture moribonde dans cette région jadis citée en exemple. Par ailleurs, l'environnement est de nos jours l'un des plus pollués, avec les odeurs dégagées par les unités d'élevage avicole qu'on retrouve parsemées ça et là, sans compter les usines et ateliers de tous genres. Quant à Naâssane, n'en parlons pas, tellement il ne reste plus rien de ce que fut cette contrée à vocation purement agricole. Idem pour Fouchana et Mhamdia. Seule Khlidia échappe un peu au phénomène, mais elle ne tardera pas d'y succomber, ceinte de partout par la déferlante béton, elle ne résistera pas longtemps, suivant en cela les villages voisins. Cela dit, le constat est identique dans les autres régions du pays où il y a peut-être pire que cela : des fermes faisant partie des terres domaniales ont vu naître en leurs seins des villages où habitent des centaines de familles, avec tout ce que cela engendre comme nuisance et dégâts pour l'activité agricole. Les exploitants ont beau se plaindre, mais le populisme des gens au pouvoir, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui, prime sur l'intérêt général et fait que l'on peut piétiner tout, pourvu qu'on soit applaudi! Cette situation, et au rythme où vont les choses, comporte des risques certains pour l'avenir agricole du pays par là sur son autosuffisance alimentaire qui souffre déjà du déficit chronique en céréales. Il est grand temps que l'on cesse de faire comme si de rien n'était, du côté des autorités publiques et notamment les services concernés du ministère de l'Agriculture, ainsi que du côté des autorités régionales et locales (gouverneurs et délégués) qui doivent prendre leur courage à deux mains et sévir face au désordre qui règne partout pour faire respecter la loi et mettre fin à toute forme d'incivisme qui compromet l'indépendance du pays.