Depuis le 1er avril, les musées à travers le pays sont en grève... pour trois jours. Le torchon brûle entre l'Institut national du patrimoine et ses employés, mais les syndicats ne parlent pas tous le même langage. L'impact de la grève des musées causera des dégâts. Non seulement sur le secteur patrimonial, mais surtout sur le tourisme qui s'active depuis un moment pour remonter la pente. Quel spectacle désolant de voir les quelques bus de touristes rentrer bredouille, en quittant le parking du musée national du Bardo ou celui de Carthage. Entre revendications sociales, conflits et surenchères syndicales et, bien sûr, entêtement et manque de communication de la part de l'administration, qui serait en dernier lieu le réel perdant ? D'après Hassen Chetioui, secrétaire général du Syndicat de la culture et du patrimoine de L'UTT (Union des travailleurs tunisiens), les exigences sont nombreuses entre demande de restructuration des corps des métiers et revendications sociales... Et l'Institut du patrimoine fait la sourde oreille depuis octobre 2013. « Nous avons demandé audience par courrier officiel depuis le mois d'octobre dernier, avec des relances chaque mois. En décembre, on a eu une promesse de rendez-vous avec le directeur général de l'INP, qui n'a jamais eu lieu. Et c'est suite à cela que nous avons déclaré la grève pour ces trois jours du mois d'avril». Ce que le personnel des musées et les employés de l'INP veulent, c'est une restructuration de l'organigramme, dont le statut date de 1993 et qui ne répond pas à la réalité du terrain, encore moins aux besoins de l'organisation du travail. Le statut de l'Institut exige aussi une révision. Sans parler aussi des conditions de travail dont souffre le personnel, comme, entre autres, les mesures de sécurité et de gardiennage des sites, qui sont défaillantes et qui ont permis tous les dépassements récents entre vols, fouilles clandestines et vandalisme. «On demande aussi les primes spéciales : « Prime de sauvegarde du patrimoine et une révision de la prime de nuit, qui s'élève à 100 millimes de l'heure uniquement». En cherchant une réponse du côté de l'Institut du patrimoine, on apprend que le directeur, Adnène Louhichi, est en voyage. Son intérim, Fethi Bahri, directeur de la division de sauvegarde des sites et des monuments, a bien voulu nous répondre. Pour lui, cette grève est sauvage et illégale... On n'a pas respecté les procédures en vigueur dans le cas de toute action syndicale. Il n'y a même pas eu d'avis de grève et on n'a pas eu le temps d'organiser une réunion de négociation. « Nous traitons, au sein de l'Institut, avec 12 syndicats dont les revendications sont différentes et pas du tout coordonnées », ajoute Fethi Bahri. « C'est une évidence que l'Institut a besoin d'une restructuration interne. Nous avons reçu plusieurs projets dans ce sens, mais qui ne convergeaient pas. On a fait appel à un bureau d'étude qui a fait son estimation, a préparé un cahier des charges et des délais, que nous avons soumis au ministère de la Culture, ministère de tutelle. Mais tout cela est resté lettre morte sur le bureau de l'ancien ministre... Evidemment que nous avons besoin de revoir les statuts mais, dépendants de la fonction publique, nous sommes devant deux options : ou changer les statuts de la fonction publique en général, ou changer le statut de l'Institut du patrimoine afin qu'il devienne une institution indépendante, avec tout ce que cela impliquerait comme conséquences, entre autres l'annulation de son budget annuel accordé par le ministère», explique-t-il. L'institut souffre de plus d'une anomalie, dont le gonflement du nombre de son personnel, avant la révolution 675 et, après la révolution, 2.200 personnes : une augmentation qui n'a pas été réfléchie dans l'intérêt de l'Institution, mais juste pour régulariser les situations précaires des contractuels. De même, l'INP souffre de la centralisation de son administration et du manque de représentation au niveau des régions. «Nous disposons de 2 inspections régionales, alors que nos besoins s'élèvent à 6... Il semble que les syndicats et les grévistes ignorent que toutes leurs revendications ne peuvent pas être satisfaites du jour au lendemain, que l'Institut dépend d'un ministère et des lois qui régissent la fonction publique, et que les éventuels changements revendiqués se font par décrets, qu'ils doivent passer par l'ANC et doivent paraître au Jort, avec toutes les implications financières sur le budget de l'Etat. Une restructuration dans les conditions actuelles juridiques et administratives n'a aucun sens », conclut-il.