25.8% est le taux de participation de la femme au marché du travail en Tunisie. Les films de la caravane «Ana Hunna» ont permis d'attirer l'attention sur cette réalité. Après six mois de projections à travers toute la Tunisie, le projet «Ana Hunna» (Je suis là) a organisé la cérémonie de clôture de sa caravane, samedi dernier à la Maison de la culture Ibn-Rachiq. Ce projet est financé par la coopération internationale allemande pour le développement (GIZ) et a pour objectif de sensibiliser à la question de la participation des femmes à l'économie dans les pays arabes. Son activité a porté sur la Jordanie, l'Egypte, le Maroc et la Tunisie, où elle œuvre en collaboration avec la société civile locale. Les films comme support de sensibilisation Le support de communication et de sensibilisation à la cause d' «Ana Hunna» sont les films. Un appel a été, en effet, lancé en 2012 pour des courts-métrages dont le thème est en rapport avec le travail de la femme. Pour montrer «le bon exemple» et inciter le public à réfléchir sur l'importance du sujet, les films devaient présenter «des femmes qui luttent contre les préjugés, se prennent en main et vivent les rêves de leur vie. Les protagonistes montrent des femmes actives, pouvant servir de modèles, qui brisent les barrières et luttent contre les stéréotypes». Le jury a été très sélectif, comme en a témoigné la jeune réalisatrice tunisienne Chiraz Bouzidi, auteur de Ennajeh, pendant la cérémonie. Son documentaire filme le quotidien d'une femme qui soutient sa famille en faisant la collecte du plastique destiné au recyclage dans un dépôt de déchets. Deux autres films tunisiens, des fictions, ont fait partie des neufs projets d'Ana Hunna. Il s'agit de Une femme et demi de Kamel Laaridhi, où deux amies que la vie a séparées se retrouvent et se serrent les coudes pour le bien de leur activité professionnelle, et Selma, de Mohamed Ben Attia, où une jeune veuve tunisienne désire prendre sa vie en main et devenir conductrice de taxi. Les films tunisiens et un quatrième jordanien, Beyond the sky, de Vesna Shalabi, ont été projetés pour la première fois en septembre 2013 au Théâtre municipal, où «Ana Hunna» a été présenté au grand public tunisien. Trois autres des neuf films ont été, quelques jours plus tard, projetés au CinéMadArt, venant d'Egypte et du Maroc. Des expériences personnelles Une fois rassemblés les films sélectionnés, l'étape suivante a été la caravane de projection. Son lancement a eu lieu en décembre 2013, en collaboration avec le Centre de recherches, d'études, de documentation et d'information sur la femme (Credif). Quant à l'organisation et la gestion de cette caravane, elles ont été assurées par l'association tunisienne «Notre culture d'abord», dont Mohamed Ben Slama est membre et a animé la cérémonie de clôture samedi dernier. Ce dernier explique que la caravane est passée par une vingtaine de villes tunisiennes. Le but était d'aller dans les endroits les plus marginalisés afin de lancer le débat sur l'autonomisation économique de la femme. Avant cela, un groupe de jeunes ont été formés aux techniques de débats pour accompagner les films. Après la projection d'un reportage sur le déroulement de ces caravanes, Ben Slama a expliqué que la plupart des intervenant(e)s parlaient de leurs expériences personnelles et ont vécu ces débats comme une sorte de catharsis. «Dans les milieux ruraux, une majorité de femmes travaillent pour subvenir aux besoins de leurs familles et sont surexploitées», a-t-il encore remarqué. Monia Kastli et Olfa Arfaoui, responsables du projet «Ana Hunna», ont également pris la parole pour expliquer que ce projet considère toutes les femmes de la région arabe comme des femmes actives. Elles ont pourtant attiré l'attention sur un chiffre éloquent : 25.8% ! C'est le taux de participation de la femme au marché du travail en Tunisie en 2012. «Ana Hunna» prépare également un long-métrage sur ce thème. Paroles de femmes La cérémonie de clôture s'est terminée par la projection des trois courts-métrages tunisiens du projet «Ana Hunna», avant de distribuer des certificats à tous les organisateurs. En début d'après-midi de ce samedi 12 avril, la cérémonie avait commencé par autre chose que le cinéma. L'association «Notre culture d'abord» avait donné la parole à des femmes créatrices et talentueuses, dont l'œuvre porte sur les identités et les cultures tunisiennes, thème de prédilection de l'association. La slameuse Amal Rouissi, accompagnée de Arbi à la guitare, avait lu trois de ses textes qui évoquent, en arabe dialectal, son parcours de femme déterminée, fière et réconciliée avec ce qu'elle est. Des textes où elle parle également de la Tunisie telle qu'elle la perçoit. Il y a eu aussi Maha Jouini, représentante du congrès amazighe en Tunisie, qui a récité un poème où une petite fille venant d'un village berbère découvre pendant son premier jour d'école la langue arabe. Un dialogue drôle et coloré entre les deux langues s'installe entre l'élève et son institutrice. Le retour à la poésie urbaine a été marqué par les textes de Lilia Ben Romdhane, du collectif de Street poetry «Klem Cheraa». Ses textes sont empreints d'une musicalité et portent sur des thèmes variés, comme l'amour, la famille et la patrie. La fin de cette partie a permis la découverte de la superbe voix de Imen Khayati, du groupe Jazz'hop. Accompagnée par Wissem El Euch au piano, elle a interprété du Henri Salvador, du Louis Armstong, du Charles Aznavour et a fini en beauté avec une version jazzy de Taht el yasmina fellil, de Hedi Jouini. Sa voix est un hommage aux femmes tunisiennes auxquelles le projet «Ana Hunna» lance le défi de s'affirmer et d'être autonomes économiquement.