Les politiques d'autonomisation de la femme passent aussi par l'art, plus particulièrement le cinéma. Un concept que met en application le projet «Ana Hunna». «Ana Hunna» (je suis là) a pour raison d'être le renforcement du rôle de la femme dans l'économie en Egypte, en Jordanie, en Tunisie et au Maroc. Ce projet est financé par la coopération allemande et mis en place par le programme régional d'intégration des femmes dans la région Mena «Econowin», en collaboration avec la société civile et, en Tunisie, avec le Centre de recherche, d'études, de documentation et d'information sur la femme (Credif). Pour concrétiser ce projet, les quatre pays ont connu la projection des courts-métrages nés sous son aile. Une première partie de ces films l'a été en Tunisie, vendredi dernier au Théâtre Municipal. Une soirée qui a été marquée par la solidarité au cinéaste en détention Nasreddine Shili, devant le théâtre comme sur scène où deux membres de son comité de soutien ont brandi un drapeau en faveur de sa cause. Les discours de bienvenue ont donné lieu à la découverte des deux premiers films de la soirée, réalisés par des Tunisiens. Femme et demie de Kamel Laâridhi et Ennajeh de Chiraz Bouzidi sont une fiction et un documentaire qui traitent du sujet de la femme active. L'agréable surprise d'Ana Hunna réside bien dans ses films. Ces derniers réussissent dans leur écriture à allier l'objectif du programme, à savoir sensibiliser le public à l'importance du travail de la femme, et celui de réaliser une œuvre cinématographique digne de ce nom. Une sensibilité à fleur de peau La sensibilité qui émane de ces films fait la force de leur forme et de leur message. Femme et demie montre, à travers l'histoire de deux amies séparées puis réunies par le destin, plusieurs aspects du travail de la femme, au niveau personnel comme l'acceptation de son absence du foyer par les autres membres de la famille et au niveau social et économique puisqu'elle accomplit un service pour les autres et contribue à ce que d'autres femmes aient du travail. Ennajeh suit une mère de famille dans son travail quotidien dans un dépôt de déchets où elle ramasse du plastique destiné au recyclage. Un documentaire sans prétentions qui laisse à cette femme et à sa famille le soin d'exposer leur situation. L'image prend parfois la relève à la parole quand la réalisatrice filme le paysage et le quartier où vit Ennajeh. Tout comme l'image, la voix peut porter bien des messages. C'est sans doute pour cela qu'une pause musicale a été programmée avant de projeter les deux autres films. La chanteuse Ines Belayouni, accompagnée de Hédi Fahem à la guitare et de Ahmed Chopin au saxophone, est venue rajouter une note de douceur à cette soirée en interprétant du Hédi Jouini, du Feyrouz, du Oulaya et du Abdelhalim Hafedh. La fiction tunisienne «Selma» de Mohamed Ben Attia a permis de renouer avec le cinéma tout en étant dans la même tripe de sensibilité et de simplicité et de richesse que les premiers courts-métrages. Selma est une veuve qui désire travailler sur le taxi de son défunt mari. Elle se confronte d'un côté aux longues procédures administratives, et de l'autre aux tabous de la société. Le film tente avant tout de raconter une expérience humaine, une petite histoire parmi d'autres qui se cachent derrière les murs de nos maisons. Le seul bémol de la soirée a été le quatrième film, le documentaire jordanien Beyond the sky de Vesna Shalabi qui adopte malheureusement la forme d'un reportage et caresse les clichés et codes de la société dans le sens du poil pour raconter comment la jeune Tahani a réussi à devenir hôtesse de l'air. Chose qui semble nous informer sur les différences entre les peuples et les publics, dans leurs traditions, dans leur rapport à l'image et dans leur réception de cette image. «Ana Hunna» ne s'arrête pas là, puisqu'un deuxième lot de courts-métrages a été projeté le 22 septembre au CinéMadArt. La séance comporte les deux films égyptiens The story of N de Layla Sami et Om Amira de Naji Ismail ainsi que le film marocain Drapeau blanc de Layla Triqui. Par ailleurs, Femme et demi et Ennajeh feront partie du programme de la deuxième édition du festival international du film des droits de l'Homme (24-28 septembre). De quoi annoncer une saison riche. On ne peut que s'en réjouir.