Le gouvernement tunisien s'était engagé à mettre en place une législation et une procédure dans le domaine de l'asile, mais celles-ci tardent à venir. Une formation pour les avocats sur les réfugiés et demandeurs d'asile a récemment été organisée par l'Agence des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) et le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme (HCDH), à Tunis. La rencontre a permis de mettre le doigt sur certaines difficultés rencontrées par les réfugiés à cause de l'absence d'une législation spécifique les concernant. Les problèmes commencent souvent dès l'entrée de ces réfugiés sur le territoire. Ilhem Neji, avocate, est venue en aide à deux pères de familles syriens, arrêtés aux frontières tuniso - algériennes parce qu'ils n'avaient pas de visa. «Le procureur de la République leur a finalement permis d'entrer en Tunisie. Cependant, les affaires confisquées n'ont pas toutes été restituées», raconte l'avocate. Les deux Syriens avaient 4.000 euros sur eux, la Garde nationale ne les a pas restitués. «On est allé à Gafsa pour recueillir des informations auprès du directeur régional de la direction des douanes. Celui-ci a expliqué que la loi permettait de confisquer l'argent entré de façon illicite, et qu'il n'existait pas encore de textes relatifs aux cas particuliers des réfugiés humanitaires, permettant de déroger à cette règle». Assia Abouda, avocate, a souvent travaillé sur des dossiers de réfugiés dans le sud-est. Face à l'absence de lois spécifiques concernant les réfugiés, elle se réfère à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole de 1967, tous deux signés par la Tunisie, pour défendre ses clients. «Quand un crime est commis, c'est le code pénal qui est appliqué, il est valable pour tous ceux qui se trouvent sur le territoire tunisien. En ce qui concerne les contrats, les autorisations de travail et, plus généralement les activités économiques, on se réfère aux lois relatives aux étrangers», précise-t-elle. Selon l'avocate, beaucoup de réfugiés méconnaissent leurs droits en Tunisie et se retrouvent, à cause de cela, dans des situations «délicates». «Certaines pratiques, par exemple la polygamie, sont punies par la loi en Tunisie, mais pas dans leur pays d'origine», explique-t-elle. Pour Me Abouda, il faudrait non seulement avoir une loi sur l'asile mais aussi apporter une assistance juridique à tous les réfugiés. Maître Issam Belhaj évoque un autre problème. D'après lui, les réfugiés n'ont pratiquement aucune chance d'obtenir une carte de résident en Tunisie, même en ayant une épouse et des enfants tunisiens : «C'est un souci majeur parce qu'ils n'ont pas le droit à un travail légal en Tunisie. Pour être résident, il faut avoir un travail, et pour avoir un travail il faut être résident... De nombreux réfugiés vivent dans cette situation. Il y a des Irakiens, par exemple, qui sont en Tunisie depuis 20 ans, mais qui n'ont toujours pas le statut de résident». Selon Nabil Benbekhti, administrateur de protection à l'UNHCR, une loi sur l'asile est en discussion au sein du ministère de la Justice dans le cadre d'un groupe de travail interministériel. «Le travail technique a pris un peu de retard à cause des priorités qui ont été celles de la Tunisie en 2013. Actuellement, on essaye de reprendre le travail avec ce gouvernement qui a réglé un peu ces questions politiques de 2013». En attendant, le HCR travaille «en amont avec les avocats tunisiens, pour qu'ils s'approprient cette matière, et ne la voient pas comme quelque chose qui n'a pas d'impact, de réalité en Tunisie». L'objectif final est de constituer un réseau national d'avocats pour la défense et la représentation des réfugiés et des demandeurs d'asile en Tunisie.