Suite au déclenchement du conflit en Libye début 2011, des milliers de réfugiés ont afflué dans les camps de Choucha et de Ras Jdir. Si l'opération humanitaire a bien réussi, elle a cependant mis en lumière un vide juridique en matière de droit d'asile en Tunisie. Cette question, plus que jamais d'actualité face à l'arrivée de plus de 2.500 Syriens sur le territoire, a été discutée à l'occasion d'une conférence organisée par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Unhcr), le 21 novembre 2012 à Tunis. Entretien avec Ursula Schulze Aboubacar, représentante de l'Unhcr en Tunisie, pour connaître les enjeux d'une éventuelle législation nationale sur les réfugiés. Vous avez parlé lors de votre intervention d'une confusion dans les médias autour des différents statuts: demandeur d'asile, réfugié et migrant. Pouvez-vous nous donner des éléments d'explication ? Souvent, on pense à tort que toutes les personnes nécessiteuses sont des réfugiés. La catégorie des réfugiés est bien définie dans la convention de Genève, ce sont des personnes ayant été persécuté à cause de leur religion, de leur appartenance sociale ou ethnique, ou bien qui ont dû fuir leur pays à cause d'une guerre par exemple. Les «réfugiés prima facie» sont considérés comme réfugiés sans entretien préalable (avec le HCR), parce que l'on sait qu'ils viennent d'une zone de conflits. En Tunisie, on a tenu des entretiens individuels, afin de déterminer si les personnes interviewées ont besoin d'une protection internationale ou pas, parce qu'en fin de compte, c'est cela qui détermine le statut de réfugié. Ensuite, il y a la catégorie des demandeurs d'asile. Ce sont des personnes qui arrivent dans un pays et qui pensent avoir besoin d'une protection internationale, et demandent à avoir le statut de réfugié. La troisième catégorie, les migrants sont des gens qui cherchent un meilleur avenir pour eux-mêmes ou pour leurs familles, mais qui n'ont pas besoin d'une protection internationale. Quand on arrive en Tunisie après avoir fui son pays d'origine, pour des raisons de sécurité par exemple, quelles procédures faut-il suivre pour éviter les situations irrégulières ? Il y a une centaine de personnes, ou peut-être un peu moins, qui se sont présentées au Croissant-Rouge tunisien (CRT). La procédure d'usage est que le CRT les enregistre, puis le HCR leur fait des entretiens de détermination du statut de réfugié. Après quoi, soit on leur donne un document de demandeur d'asile, soit ils sont reconnus comme réfugiés et reçoivent une attestation de réfugié. Cette attestation est, pour le moment, reconnue par les autorités, même en l'absence d'une législation nationale. Est-ce que cette attestation permet aux réfugiés de vivre comme un citoyen tunisien ordinaire? Non. En théorie, sans la carte de résident, la personne n'a pas le droit de travailler, mais en réalité, beaucoup travaillent, ont accès aux soins, à l'éducation, et au logement. On espère qu'une fois qu'il y aura une législation nationale, cela sera beaucoup plus coordonné et plus officiel. Avoir une législation nationale en Tunisie pour les réfugiés est-il un défi pour le HCR ? Tout à fait, c'est un défi du HCR, et le gouvernement tunisien est très favorable à ce projet. Le HCR a travaillé avec le gouvernement pour mettre en place le projet d'une loi d'asile, qui est actuellement en cours d'étude au niveau du ministère de la Justice. Combien y a-t-il de réfugiés en Tunisie, et d'où est-ce qu'ils viennent ? En Tunisie, il y a deux situations dans lesquelles se trouvent les réfugiés. Il y a d'abord les réfugiés urbains, à Tunis, ils sont au nombre de 85 si je ne me trompe pas, et ils viennent de différents pays : Côte d'Ivoire, Congo, Palestine, etc. Les autres sont à peu près 1.400 réfugiés, présents dans le camp de Choucha et viennent de 17 pays différents. La majorité d'entre eux sont Erythréens, Somaliens et Soudanais. Où en est le HCR dans son travail avec le Croissant-Rouge tunisien, concernant le dossier syrien ? Pour les Syriens, on avait demandé au CRT de sillonner le pays pour faire ce qu'on appelle un mapping, mais on n'a pas encore les résultats. On parle de 2.000 à 3.000 Syriens, mais très peu ont approché le HCR. J'aimerai adresser un message aux réfugiés qui vont rester en Tunisie parce qu'ils n'ont pas trouvé un autre pays d'accueil et leur dire qu'il ne faut pas prendre cela comme une peine, mais plutôt comme un enrichissement. Le HCR, de son côté, va tout mettre en œuvre pour que ces personnes aient la possibilité d'avoir une nouvelle vie et d'assurer leur avenir.